Dimanche soir, l'exercice de transparence mené par le Premier ministre et le ministre de la Santé était très attendu par les pharmaciens. La profession s'attendait à obtenir - enfin - des explications sur la situation des masques disponibles et à venir. Et surtout, à découvrir la nouvelle doctrine de l'État sur cette question. Mais à l’issue de l'intervention télévisée, nombreux étaient les pharmaciens à faire part de leur déconvenue. Édouard Philippe s’est félicité d’avoir réussi cette semaine à stocker davantage de masques chirurgicaux que les besoins hebdomadaires des soignants (soit 81 millions pour 45 millions nécessaires), ce qui permet d’élargir la cible des bénéficiaires à d’autres professionnels de santé. Notamment les préparateurs en pharmacie, comme l’a précisé Olivier Véran. Le ministre de la Santé souhaite, en outre, que les malades du Covid-19 et les personnes les plus fragiles puissent à terme solliciter ces masques chirurgicaux, mais « cela va prendre du temps », car la gestion des stocks doit rester prudente.
Quant à la vente en pharmacie de masques chirurgicaux ne provenant pas du stock d’État mais des fournisseurs habituels de l’officine, approvisionnés en Chine, Olivier Véran n’y semble pas favorable. Bien que cette « question délicate » soit encore en cours d’étude. « Je n'ai pas envie qu'on crée dans la population un effet d'appel, où les gens pourraient considérer que désormais ils peuvent acheter leur propre masque chirurgical. De ce que j'en sais, il y a 3 millions de masques concernés dans tout le pays, or il y a 17 millions de personnes en situation de fragilité. À raison de 3 masques par jour, vous voyez bien que si on commence à ouvrir la vente en pharmacie, ce sera une vente vite tarie. »
Une autorisation finalement arrachée
Plus ouverts sur la mise à disposition de masques alternatifs pour le grand public, Édouard Philippe et Olivier Véran n'ont pourtant pas évoqué la possibilité pour les pharmacies d’y prendre part. Ils ont préféré citer les grandes et moyennes surfaces (GMS), en sus des initiatives lancées par différentes collectivités territoriales.
Pas un mot donc, sur la revendication de la profession… jusqu'à mardi ! Depuis le 6 avril, syndicats et Ordre réclament l'autorisation de vendre ces masques grand public en officine. Cette requête avait fait l’objet d’une délibération et d’un vote du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, transmis aux autorités compétentes pour modifier l’arrêté listant les produits autorisés en pharmacie. « C'est une demande toute légitime car il va s'agir d'équiper les Français sur la durée », a affirmé le 19 avril lors de son Webinar hebdomadaire, Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). La profession a enfin été entendue. Alors que seules les collectivités locales et la grande distribution étaient citées dimanche soir, au grand dam de l'officine, le ministre de la Santé a annoncé mardi le déploiement progressif de « masques en tissu, réutilisables et répondant à des normes de filtration du virus », avec l’appui des pharmacies... aussi !
Pour le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset, les déclarations du gouvernement concernant les masques chirurgicaux provoquent un « grand méchant flou » et il avoue « ne plus savoir quoi dire à [ses] patients ». Au sujet de ces masques, il rappelle que, d’une part, le gouvernement a demandé par le décret du 23 mars aux personnes morales, comme les grandes entreprises et les collectivités territoriales, de participer à l’effort de guerre en commandant des masques sur le marché mondial. Et, d’autre part, qu'aucune doctrine claire n’a été édictée concernant la distribution de ces masques une fois sur le territoire français. « On attendait donc, de la part d’Édouard Philippe et Olivier Véran, de savoir ce qu’on fait avec les stocks de masques que l’État a autorisé à importer. » Une réponse d’autant plus espérée que la FSPF a invité, vendredi dernier, les confrères à s’approvisionner en masques chirurgicaux afin d'être prêts à en distribuer à la sortie du confinement. « Soyons clairs ! Il s’agit d’un appel à nos fournisseurs habituels, aux grossistes-répartiteurs et aux groupements, à participer à cet effort de commandes de masques comme demandé par l’État, dès maintenant, parce qu’il y a et il y aura des besoins dans la population. »
Répertorier les capacités d'importation
Du côté de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), son président, Laurent Filoche, ne cache pas sa déception. « Ce n’est pas audible que le gouvernement indique avoir importé 81 millions de masques la semaine dernière pour un besoin de 45 millions pour les soignants, sans en prévoir pour les patients. Même si on me dit, et je veux bien l’entendre, qu’un certain nombre de cabinets de spécialistes vont rouvrir et que les besoins vont augmenter. » Malgré tout, l’UDGPO se tient prête et espère pouvoir proposer des masques chirurgicaux lors de la sortie du confinement. Parce que les masques grand public « ne conviendront pas à tout le monde, notamment aux patients Covid-19 » et parce que Laurent Filoche anticipe l’arrivée des beaux jours. « L’été se profile et il sera, à mon sens, difficile pour n’importe qui de porter un masque en tissu avec la hausse des températures, en particulier dans les transports en commun. Ce problème est déjà une réalité dans certains territoires comme la Martinique. Avec la chaleur, seuls les masques chirurgicaux seront supportables. »
C’est pourquoi l’UDGPO et la Chambre syndicale des groupements et enseignes, Federgy, s’apprêtent à colliger leurs capacités d’importations hebdomadaires de masques chirurgicaux pour présenter des données précises au gouvernement. « Nous allons le vérifier, mais je pense que les groupements sont largement capables de relever le défi », déclare Laurent Filoche.
Cette cacophonie s’est vite transformée, au niveau politique, en véritable carambolage entre le gouvernement et les régions qui multiplient les dons, de façon parfois un peu désordonnée (lire ci-dessous).
Au final, reste l'interdiction persistante de délivrer les masques chirurgicaux au public. Mais l'officine sort en partie de l'impasse grâce à l'annonce du gouvernement de la mise à disposition des masques alternatifs avec l'appui des pharmaciens. Et plus seulement via la grande distribution, ce que les confrères considéraient comme un affront, alors que la pharmacie n'a pas démérité depuis le début de la crise.
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