« Pharmacie 2030, un scénario GAFA ? » Cette question provocatrice a lancé le débat proposé récemment par le Forum Santé et Avenir, organisé par le quotidien « Sud-Ouest ».
Pharmaciens et juristes ont évalué ensemble les menaces que les géants du Net font peser sur l’officine : « Les patients veulent leurs médicaments tout de suite, sans effort et sans bouger. L’avenir, c’est peut-être un Uber Eats de la pharmacie », suggère ce pharmacien, faussement naïf.
De quoi faire réagir Bernard Capdeville, ancien président de la FSPF : « Le pire ennemi du pharmacien ce n’est pas Uber, c’est la désertification médicale. Les personnes âgées ou fragiles nous attendent, nous ! Pas les médicaments qu’on leur enverra par un cycliste ! » François Martial, président de la conférence nationale des URPS Pharmaciens libéraux, suggère des aides pour les officines isolées dans des territoires sans médecin : « Sinon, en 2030, on ne comptera plus que 6 officines en Creuse ! »
L’ubérisation est en marche
Pourtant, « l’ubérisation est déjà en marche, prévient Nathalie Martial-Braz, professeur de droit à Paris-Descartes. Amazon a racheté une société de vente de médicaments en ligne, recruté des cadres de pharmacie et d’assurance. Les GAFA sont à vos portes ! Google et sa clinique virtuelle du diabète, Microsoft qui héberge des données de santé, l’Apple Watch et ses électrocardiogrammes en 30 secondes… »
Enjeu principal : les données de santé que le pharmacien est le mieux placé pour récolter*, comme le signale François Martial : « La démarche actuelle qui nous fait quitter le commercialisme pour de nouvelles missions… incite les patients à nous confier davantage d’informations, à nous de savoir les utiliser. »
Humanisme et data
Antoine Prioux, lui, le sait : « Nous sommes les gardiens des poisons et des données, indique le pharmacien de Bugeat (Corrèze) coordonnateur du Pôle de Santé de la Montagne limousine. Si je suis innovant, c’est parce que j’ai développé mon propre outil, un logiciel indépendant, sur mesure, qui n’enrichit pas les éditeurs traditionnels et me permet de disposer d’une base de données bien plus qualitative que les GAFA n’en auront jamais. »
Une base de données nourrie par les médecins, les pharmaciens ou les infirmiers du pôle de santé : « Quand une mamie décompense sa BPCO l’hiver, je sais que c’est à cause du poêle à bois de sa cuisine, poursuit Antoine Prioux. Notre richesse, c’est de produire de l’humanisme et des data. Sans oublier le bon sens paysan qui nous conseille d’arrêter d’être payés sur la maladie des gens, car cela, les GAFA le feront mieux que nous. »
Prévention donc, coopération, humanisme et maîtrise des data… Une recette limousine à méditer.
* Voir également notre article en page 3 sur les propositions du Groupement des pharmaciens européens dans ce domaine.
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