SUR LES 1 200 installations que dénombre la profession chaque année, à peine un quart émane de jeunes diplômés. Car s’installer n’est pas chose aisée, particulièrement pour les candidats disposant de peu d’apport. La baisse actuelle des taux d’intérêt peut paraître séduisante mais les banquiers n’en demeurent pas moins inflexibles. Un minimum de 20 % d’apport est requis.
Heureusement, depuis quelque temps, les groupements volent au secours des candidats. Ils optent volontiers pour ceux issus de pharmacies du réseau, quitte à « dépouiller » leurs propres adhérents de leurs adjoints. Laurence Bouton en convient. Mais la directrice d’Alphega Pharmacie n’en avance pas moins l’argument de fidélisation que représente l’accompagnement d’un adjoint candidat à l’installation. « Les adjoints de nos pharmacies ont grandi avec notre groupement. C’est une véritable pépinière », confirme Patrick Le Branchu, directeur de la communication de Pharmavie.
Prise de risques.
Les principaux groupements ont développé au cours de ces dernières années des programmes d’accompagnement qui s’assimilent à de véritables opérations séduction. Plusieurs d’entre eux annoncent même pour 2015 vouloir intensifier leur présence auprès des adjoints et déployer un plus large dispositif. Si leur objectif est identique, faciliter l’installation et pérenniser l’adhésion au groupement, leurs méthodes diffèrent. La première catégorie s’applique à aplanir le chemin de croix financier des candidats. Parmi ces groupements, Univers Pharmacie en a été le précurseur. « Ce groupement a pris les risques que les banques ne voulaient pas prendre », se félicite Paul-Edouard Lambolez. Repéré comme jeune adjoint prometteur au cours d’un séminaire, il s’est retrouvé en 2012, à 26 ans, à la tête d’une officine de huit salariés à Épinal, grâce au concours d’Univers Pharmacie. « Notre soutien financier est souvent la seule possibilité pour des jeunes ne disposant pas de suffisamment de moyens », affirme Daniel Buchinger, président d’Univers Pharmacie. Il s’agit du groupement le plus « investi » puisque son concept ne fait appel à aucun intermédiaire. Sa filiale Univers Pharmacie Développement finance « pour le compte de… », le jeune titulaire rembourse. Mais cette méthode de cooptation a ses limites. Après avoir mis le pied à l’étrier à deux jeunes pharmaciens de l’Est de la France, Univers Pharmacie est aujourd’hui à la recherche d’un fonds d’investissement auquel il pourrait s’allier.
Le volet financier est également l’entrée en matière choisie par Giropharm. « Nous organisons pour le pharmacien qui souhaite s’installer une journée banque au cours de laquelle nous allons voir trois ou quatre banques autour de l’officine », expose Yann Saugrain, directeur financier de Giropharm. « Nous ne sommes pas une société d’investissements mais nous travaillons avec la Socorec, la banque des coopératives qui permet d’abonder en proportion égale au volume d’apport du candidat grâce à un prêt participatif sur sept ans », poursuit-il. Il précise que le jeune titulaire est exempté de remboursement pendant trois ans, le temps de prendre pied dans le métier. Un montage qui a été également retenu par le partenariat INTERFIMO/LCL avec trois groupements (voir encadré).
En mettant sur pied ces dispositifs en faveur des primo accédants, les groupements ont réagi aux évolutions du marché. « Les cessions de petites officines n’étant plus rentables, il n’est plus possible aujourd’hui de commencer sa carrière en achetant une petite officine puis de la revendre pour en acquérir une plus grande. Les jeunes ont besoin d’un soutien pour pouvoir racheter à parts égales afin d’être sur le même pied d’égalité que leurs aînés au sein de l’officine », expose Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv. Il précise qu’une franchise de remboursement de quatre ans permet au jeune installé de progresser davantage en se concentrant sur la bonne marche de son officine. Sans oublier la « caution » sinon financière tout du moins morale, que le parrainage du groupement garantit aux organismes prêteurs.
Ce gage rassure autant le banquier que les adjoints candidats à l’installation qui se sentent moins seuls. Un coach pour la vie, c’est un peu ce que les jeunes recherchent quand ils s’appuient sur un groupement. Ils le connaissent souvent au travers de leur exercice officinal, sous le statut « skipper », créé par Alphega ou encore au sein des réunions où ils sont envoyés par leur titulaire en délégué de l’officine.
Certains groupements comme Giphar organisent deux séminaires par an, au cours desquels une quarantaine de jeunes suivent une formation. « Ces journées sont destinées à des adjoints Giphar qui ont un projet d’installation à moyen ou à court terme. Ils bénéficient par la suite du soutien d’une équipe dédiée pour le concrétiser », souligne Guillaume Champaud, directeur commercial en charge du réseau. Le réseau « Les Pharmaciens associés » débute lui aussi, son accompagnement par une formation dédiée « l’école du futur installé ». « Pendant deux jours, les adjoints suivent une formation sur divers aspects : droit gestion, merchandising, management… », décrit Jœffrey Blondel, directeur en gestion officinale de la Cerp Rouen/groupe Astera.
Que ce soit par cooptation comme chez Pharmavie où 20 à 30 % des officines du réseau sont détenues pour partie par des aînés, ou encore par un soutien actif à la recherche d’officine avec la mise à disposition gratuite d’experts comme chez Alphega, l’implantation du primo accédant est une affaire suivie de près par les groupements.
Les groupements ont aussi le souci de jouer les intermédiaires entre les générations. Giphar agit en amont, dès l’université en mettant à disposition la liste des maîtres de stage. D’autres organisent des rencontres dans différentes régions afin de favoriser les cessions. « Speed dating » pour certains ou encore, « club des investisseurs » pour Giropharm. Ce groupement inclut ces mises en contact à son opération « girotransmission » qui comporte également l’ingénierie financière et le soutien juridique d’un notaire. Il a pour objectif de faire bénéficier une vingtaine d’adjoints de ce dispositif au cours de l’année.
Limiter les erreurs de jeunesse.
La plupart des groupements ne limitent pas leur soutien à l’établissement du business plan. Ils déploient une palette de services sur-mesure. Après « Budgetis » pour le versant financier et « Reflex » pour la partie juridique, les postulants au réseau « Les Pharmaciens associés », se voient proposer « Géofficine », une étude de géomarketing pour mieux préciser leur projet. « Au-delà de l’aspect financier, c’est une véritable boîte à outils que les groupements mettent à notre disposition. Ce qui ne nous est pas proposé lors de nos études », estime Bruno Geny de Sars, titulaire Univers Pharmacie, à Petite Rosselle en Moselle.
Les intérêts convergent sur un panel de services : géomarketing, analyse des prix des pharmacies environnantes, prestations d’agencement, merchandising… qui au final, fera gagner le primo installant et triompher le groupement. À l’instar de Giphar, plusieurs groupements soutiennent même le jeune titulaire dans la reprise et le management de l’ancienne équipe.
Mais l’enjeu véritable des groupements se manifeste dans la phase de l’installation qui fait entrer en scène le « back-office » et par conséquent, leur centrale d’achat ou leur entité de répartition.
Il s’agit de guider le jeune installé dans ses référencements et dans ses commandes afin de ne pas surcharger les stocks et la trésorerie. Par ailleurs, ils sont conseillés dans leur politique de prix. Quand ils ne bénéficient pas de remises et de conditions préférentielles. « Pour démarrer au meilleur coût ! », comme le précise Jœffrey Blondel. « Cet accompagnement est gratifiant car il dégage une progression de 4 % supérieure à la moyenne des autres officines », assure Serge Carrier. « Le soutien du groupement m’a évité de commettre certaines erreurs de jeunesse dans les achats », convient Paul-Edouard Lambolez. Sandrine Laffond s’est installée à Bonnières-sur-Seine après avoir été adjointe pendant quatorze ans. Elle a pu compter sur le soutien de son groupement, Pharmavie et de sa titulaire qui a pris une participation au sein de sa SEL. Elle a apprécié dès ses débuts le soutien de la plateforme du groupement Pharmavie pour ses commandes. « Comme j’avais des projets de travaux, le groupement est également venu m’aider pour les plans. J’ai aimé d’emblée ses visions avant-gardistes sur les avancées du métier », se souvient-elle.
Cet engagement en faveur des adjoints que les groupements aiment à définir comme un « main dans la main », se révèle être également un « gagnant-gagnant ». Car ces candidats à l’installation qui souhaitent être « drivés » par les groupements, sont les premiers à opter directement pour l’enseigne.
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