Le pharmacien reste souvent le seul interlocuteur de territoires de santé désertés par leurs médecins. Les agences régionales de santé (ARS) n’en relèvent pas moins des zones fragiles dont la précarité menace la profession de déstabilisation économique.
« Les chiffres sont féroces. 183 officines ont disparu en un an ; dans la moitié des cas, il s’agit de fermetures sèches. Plus de la moitié était située dans des villes de plus de 16 000 habitants », alerte Alain Delgutte, président de la section A du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. « Les pharmaciens ne peuvent plus rester dans des zones désertifiées, l’ensemble de l’exercice libéral des médecins doit être redéfini », relève Éric Myon, secrétaire général de l’Union nationale des pharmaciens de France (UNPF). Pour autant, le refus de s’installer en zone rurale ou dans les quartiers défavorisés n’est pas l’apanage des médecins : 60 % des jeunes pharmaciens refusent également cette éventualité. La loi Touraine, qui a posé les jalons de cette nouvelle réorganisation au sein des territoires, saura-t-elle rebattre les cartes ? L’État est évoqué dans ses responsabilités. « Comment peut-il demander aux médecins de s’installer, alors qu’il retire les services publics des campagnes ? », dénonce Arnaud Robinet, député-maire de Reims.
Redessiner les territoires
Pour autant, il serait faux, selon Arnaud Robinet, de faire croire à la population que chaque commune pourrait disposer d’un médecin, d’un pharmacien, d’une poste et d’une perception. « Ne vaut-il pas mieux, sur un territoire en mutation, reconsidérer l’offre globale ? », s’interroge le député-maire. Une mutation qui prendrait de toute évidence le virage numérique. Cette perspective d’une technologie accélérant les transmissions et assurant la traçabilité, rejoint le modèle proposé par l’USPO. À savoir une réorganisation des soins au travers d’équipes de soins primaires organisées autour d’un médecin, d’un pharmacien et d’une infirmière.
Cette alternative aux maisons de santé pluriprofessionnelles prévues par la loi Touraine suppose en préalable un partage des données de santé entre ces trois intervenants. « Le pharmacien serait le pivot de cette équipe de soins, voire le professionnel auquel on dédierait au pharmacien la surveillance du patient », décrit Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Cette surveillance comprendrait l’évaluation de la situation du patient et au besoin, en cas de renouvellement par exemple, la consultation d’un médecin via la télémédecine, dont serait équipé le pharmacien. Cette implication suppose cependant, une délégation de taches, un terme qu’Alain Delgutte préfère à celui de transfert de taches. Le président de la section A en profite pour évoquer le rendez-vous raté de la profession avec la vaccination et regretter le retrait du décret. Plusieurs autres décrets sont d’ailleurs toujours en souffrance, notamment certains concernent la loi HPST. Une situation que l’ensemble des intervenants juge inacceptable et paralysante pour l’évolution de la profession.
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