L’interprofessionnalité entre dans le dur. Le 16 janvier, une cinquantaine de syndicats de médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, kinésithérapeutes et infirmiers, a démarré un nouveau marathon de négociations avec la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). Celui-ci devra, à raison d’une séance toutes les deux semaines, déboucher, d’ici à la fin mars, sur un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) portant sur le financement des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). En assurant ainsi la pérennité de ces structures, tout en leur garantissant une certaine plasticité, l'État entend amener les professionnels libéraux et hospitaliers à travailler de concert, à l’échelle d’un territoire, à un projet de santé qu'ils auront, eux-mêmes, élaboré.
Les pharmaciens, moteurs des CPTS
Si les premières discussions avec la CNAM ont achoppé sur les questions de la rémunération des médecins et la préservation de l’exercice isolé, les prochaines séances devront rapidement aborder d’autres enjeux. Sauf à virer au débat médico-centré, les négociations devront également définir l'exercice coordonné et l'intervention des autres professionnels de santé, dont les pharmaciens, au sein des CPTS.
Car pour Sophie Sergent, titulaire à Liévin (Pas-de-Calais), qui a créé au printemps dernier une CPTS réunissant 51 professionnels de santé, il n’y a aucun doute, les pharmaciens réunissent tous les atouts pour être les moteurs des CPTS. « Par définition, parce qu’ils sont les seuls qui s’installent là où le territoire a besoin d’eux, parce que les nécessités du territoire sont plus larges que celles d’une patientèle et parce qu'il est l’acteur prioritaire qui voit à la fois la population malade et celle en bonne santé et qu’il intervient en urgence pour orienter les patients quand aucun médecin n’est présent, le pharmacien détient une assise et une légitimité territoriales », déclare la titulaire, membre du bureau national de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Elle attend de l’ACI un cadrage qui amène à des engagements, notamment financiers. « Nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse de l’ARS qui nous a fait miroiter pendant des semaines, voire des mois, une réponse concernant le financement. Une situation très désagréable quand on sait l’énergie que demande la mobilisation des professionnels de santé… »
L'avancée du volet financier est également très attendue par Gilles Conan, titulaire à Amboise et instigateur, lui aussi, d’une CPTS. Depuis un an, cette CPTS fonctionne, réunissant 227 professionnels de santé au sein d'un territoire d'Indre-et-Loire. Grâce au protocole BPCO, par exemple, l’opération mise en place avec la Mutualité sociale agricole (MSA) a permis d’inviter les patients de plus de cinquante ans à se rapprocher de leurs pharmacies équipées de spiromètre numérique pour un test de dépistage. Après réception du résultat par messagerie sécurisée, le médecin traitant a pu, le cas échéant, transmettre les données au pneumologue de l’hôpital pour une prise en charge du patient dans un délai d’une semaine. « Notre CPTS a apporté les preuves de son efficacité, notamment avec ses sections addictions et BPCO, à savoir, optimiser les relations entre professionnels de santé pour optimiser les flux de patients dans les cabinets médicaux », se félicite le pharmacien, trésorier de la CPTS. Il ne manque plus à cette CPTS qu’à obtenir un financement pérenne pour le poste de coordinateur qui ne peut être tenu bénévolement par les professionnels de santé. « Nous avons besoin de cette sécurité afin de ne pas devoir remettre, chaque année, le dossier du financement sur la table », expose Gilles Conan. Si la CPTS est parvenue à mettre du lien entre les libéraux et à faire ainsi vivre l’interprofessionnalité dans les trois cantons concernés, il lui reste à motiver l’hôpital et tous ses services !
Resserrer les liens ville hôpital
Les liens ville hôpital sont également la priorité affichée par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dans le débat de l’ACI. « J’ai demandé à Nicolas Revel (directeur général de la CNAM, N.D.L.R.) d’inscrire l’organisation de la sortie hospitalière au rang des priorités. Le chantier mérite d’être ouvert tout de suite si on veut que la coordination soit effective dans un territoire qui inclut aussi l’hôpital », déclare Gilles Bonnefond, président de l’USPO.
À noter que, convention oblige, aucun acteur hospitalier n'est présent à la table des négociations. Le lien ville hôpital est pourtant, rappelle Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), « le point de rupture majeur dans le parcours de soins ». « Ne pas le traiter serait passer à côté d'un élément essentiel », met-il en garde, incitant les acteurs à traduire cette nécessité dans le texte.
Un texte conventionnel qui toutefois n'ancrera que le financement des CPTS. Pour la rémunération des professionnels de santé, et notamment du temps passé, il faudra attendre un deuxième round de négociations, celui des conventions catégorielles.
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