Abordant le sujet des pénuries de médicaments lors de son audition ce matin au Sénat, le ministre de la Santé est revenu sur ses « propos maladroits » concernant des « pharmacies qui surstockent ». Pour autant, il pointe le problème entre les données « macro » des laboratoires et la réalité vécue en officine en termes d’approvisionnement, et appelle à faire du DP-Rupture un véritable outil de gestion des pénuries.
Après plus de deux heures d’audition ce matin en commission des affaires sociales du Sénat, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau aura cité à de multiples reprises les pharmaciens. Un effet probable de sa rencontre avec la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, Carine Wolf-Thal, juste avant cette audition. Interrogé sur les 445 médicaments essentiels listés par le gouvernement, il est revenu sur ses « propos maladroits puisqu’ils ont été mal compris » qu’il a tenu sur « France Inter » au début du mois. Évoquant un approvisionnement satisfaisant en amoxicilline au niveau national, il avait alors pointé du doigt des « grosses pharmacies » qui « ont fait des surstocks ». Et éveillé la colère de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Devant les sénateurs, Aurélien Rousseau explique que les chiffres « macro » délivrés par les laboratoires sur les stocks nationaux en amoxicilline, paracétamol, etc., montrent qu’ils « sont plus élevés que l’an dernier et qu’on a du stock pour X semaines ». Mais ce n’est pas le vécu de nombre d’officines. Ce qui a conduit le ministre à demander à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de se pencher sur le circuit. Résultat : « On a constaté que les grosses pharmacies avaient tendance à passer au-dessus des grossistes-répartiteurs pour commander directement auprès des laboratoires et pour stocker. Ce qui est un comportement tout à fait rationnel quand on a connu des pénuries. Mais les industriels vont d’abord vers ces grosses pharmacies et il y a des petites ou moyennes pharmacies qui n’arrivent pas à s’approvisionner. »
Pour lutter contre les pénuries, Aurélien Rousseau mise plutôt sur « le fonds de souveraineté » annoncé par le ministre de l’Industrie, Roland Lescure, permettant d’augmenter le prix de certains médicaments essentiels, et sur le DP-Rupture créé par l’Ordre des pharmaciens qui permet aux pharmaciens de faire remonter les ruptures constatées en temps réel. « Je souhaite que ce DP-Rupture devienne un outil de gestion des pénuries, pour qu’on puisse confronter en permanence ce que nous disent les industriels avec la situation réelle. On a besoin d’un bout de loi pour le généraliser, mais pas le PLFSS parce que cette mesure aurait été considérée comme un cavalier social. Donc s’il y a une proposition de loi sur le sujet, je la soutiendrai. » Un appel du pied qui pourrait bien être entendu par la chambre haute, cette généralisation du DP-Rupture faisant partie des 36 recommandations de la Commission d'enquête du Sénat sur les pénuries.
Dans l’attente, le ministre se « garde bien de dire qu’il n’y a pas de problème parce qu’au niveau macro on a 20 % de stocks de plus que l’an dernier », considérant qu’il est insupportable pour les Français qui essaient en vain de se procurer un médicament de s’entendre dire « par un abruti de ministre qu’il n’y a pas de pénurie ».
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