DEPUIS près d’un an, le pharmacien a l’autorisation légale de pratiquer certains actes de dépistage. Ces « tests, recueils et traitements de signaux biologiques » doivent être réalisés dans un espace de confidentialité et selon les recommandations de bonnes pratiques décrites en annexe du texte de l’arrêté du 11 juin 2013 (publié au « Journal officiel » du 15 juin 2013). Ils sont actuellement au nombre de trois : test capillaire d’évaluation de la glycémie en vue de repérer une hypoglycémie, un diabète ou d’éduquer le patient sous un angle thérapeutique ; test oropharyngé des angines à streptocoque du groupe A ; test nasopharyngé de la grippe. Considérés comme des éléments d’orientation diagnostique, ils ne constituent pas un examen de biologie médicale, ce dont le patient doit être informé, comme il doit l’être des moyens de confirmation par un examen de biologie médicale si la démarche diagnostique le justifie.
Si la publication de l’arrêté a autorisé certaines pharmacies à « passer à l’acte » de dépistage, dans d’autres, ces tests n’en étaient pas à leur banc d’essai. Ainsi, les officines sous enseignes Viadys et Pharma-Référence proposent déjà depuis sept ans à leur clientèle de passer ce type de tests, BPCO, glycémie et cholestérol total. « Jusqu’ici, on était dans le flou juridique et réglementaire, avec une absence de protocole, des appareils testeurs pas toujours agréés et des procédures qualité et sécurité qui n’étaient pas décrites, rapporte Frédéric Deloeil, directeur général adjoint au sein du groupe PHR. La pratique d’un test engendre des gestes à risque et des déchets potentiellement contaminant, si bien que le patient devait effectuer son dépistage lui-même, mais avec l’assistance d’un pharmacien et dans un lieu approprié. »
Une procédure encadrée.
La réglementation, désormais, encadre la procédure. Dans un souci d’assurance qualité et de traçabilité, le professionnel de santé qui effectue le test doit remplir deux documents. L’un, dédié au patient, rassemble les résultats du test, les informations liées au dispositif médical de diagnostic utilisé, le numéro de lot du test ou de l’appareil de mesure, la date et l’heure du test et l’identité de l’opérateur. L’autre est une fiche à remplir une seule fois en indiquant la formation accomplie pour réaliser les tests et différentes modalités (respect des recommandations du fabricant du test, communication des résultats au patient, élimination des déchets à risque infectieux, contrôle des appareils de mesure). « La réglementation était nécessaire car les tests de dépistage doivent être faits dans de bonnes conditions. D’autant qu’ils sont amenés à être pratiqués par un nombre croissant d’officines, le pharmacien étant totalement habilité à effectuer ce type d’acte. »
Un outil d’orientation diagnostique.
Le groupe PHR a équipé 60 % de ses enseignes d’appareils de dépistage de la glycémie et du cholestérol total. De son côté, Giropharm projette de proposer à ses adhérents la mise en place d’un dépistage des angines à travers un kit complet incluant une offre d’achat de tests, des formations dédiées, une procédure d’assurance qualité afin de respecter les éléments de l’avenant, le tout assorti d’outils de communication pour expliquer ce nouveau service aux patients.
C’est d’ailleurs la problématique de l’angine qui a initié la réglementation des démarches de dépistage à l’officine. Après avoir constaté que peu de médecins généralistes soumettaient leurs patients au test de la maladie, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a, en effet, préconisé d’autoriser les pharmaciens à le pratiquer. « À l’origine, l’idée est de faire baisser la pression de la résistance aux antibiotiques en différenciant les angines bactériennes des pathologies virales », explique Martial Fraysse, président du Conseil régional Ile-de-France de l’Ordre des pharmaciens. Les premières étant peu nombreuses, on évite la systématisation des traitements antibiotiques en repérant facilement les angines virales dont on peut prendre en charge les symptômes à l’officine. « Cela permet aussi de tranquilliser les patients qui savent à quelle maladie ils ont affaire et de désamorcer les conflits qu’engendrent les demandes impérieuses d’antibiotiques souvent issues de personnes ayant déjà eu ce type de traitement pour une autre affection ORL. L’usage de l’antibiothérapie est rationalisé. » Le test, sous forme de kit, est simple à réaliser et peut prendre 10 à 15 minutes selon l’âge du patient, un enfant pouvant nécessiter un peu plus de temps : prélèvement de l’échantillon au niveau des amygdales, mélange avec le réactif dans un tube à essai, mise en contact de la bandelette de test avec la solution et attente du résultat pendant 5 minutes. Les données liées au dépistage – date, heure, nature du test, résultat – sont indiquées sur une fiche que le patient est invité à remettre à son médecin si besoin est. « Nous pratiquons le dépistage de l’angine depuis 6 mois à raison d’un ou deux tests par semaine, confie un titulaire de la région parisienne. Nous avons communiqué sur ce nouveau service par affichage et brochures dans l’officine et nous agissons sur demande spontanée de la clientèle. Il peut s’agir d’une personne qui ne veut pas attendre de rencontrer son médecin pour connaître l’origine de ses maux de gorge, d’un enfant fiévreux pour lequel il existe un doute… C’est un très bon outil d’orientation diagnostique qui nécessite tout de même une courte formation afin d’en sécuriser la pratique : deux heures auprès d’un médecin ORL qui présente les différents types d’angine et explique la manipulation du kit de test. »
Un service qui doit être rémunéré.
Autres lieux, autres dépistages, comme ceux qu’a réalisés Christophe Beaurain tout au long de son exercice officinal entre la région lensoise et la région lilloise : prise de la tension, calcul de l’IMC (indice de masse corporelle), détection des infections urinaires et de la glycosurie par bandelettes urinaires, dépistage de la BPCO avec un spiromètre, évaluation de la glycémie et test de l’angine qu’il met en place actuellement… En revanche, aucun intérêt, pour lui, de détecter la grippe puisque les malades sont généralement trop affectés pour ne pas consulter le médecin.
Dans cet éventail de tests, la recherche d’une glycémie est peut-être l’exercice le plus chronophage. « Un simple contrôle s’effectue au comptoir en 5 minutes. En revanche, une demande plus approfondie peut prendre 20 minutes. » Surtout dans le cadre d’un dépistage où il faut expliquer le déroulement du test et l’utilisation du matériel, lecteur, autopiqueur, bandelettes. « Après avoir fait le prélèvement, il faut interpréter le résultat, le reporter sur une fiche en indiquant le jour, la date et l’heure, les conditions du test (si la personne est à jeun ou pas). » Mais surtout, le profil du patient ou les symptômes qu’il décrit peuvent nécessiter un questionnement plus poussé pour connaître sa profession, ses habitudes alimentaires. En fonction du résultat, il sera orienté ou non vers son médecin. « Le patient est toujours très reconnaissant face aux démarches de dépistage qu’on lui propose. Dès lors que l’on passe du temps avec lui, sa réaction est extrêmement positive. »
Reste que ce temps accordé n’est pas rémunéré et Christophe Beaurain de se demander si le pharmacien a la capacité économique de proposer ce service… D’autant que le titulaire consacre une personne de son équipe aux entretiens pharmaceutiques, suivi des malades chroniques et opérations de dépistage. Hormis la question de la rémunération, les modalités de réalisation des tests ne sont pas un problème. « La formation est dispensée par le laboratoire qui fournit le matériel de dépistage – gratuit pour ce qui est des lecteurs de glycémie – et l’organisation de l’après-test – gestion des DASRI et traçabilité de l’acte – fait partie de l’activité habituelle de l’officine. En revanche, l’acte en lui-même doit être valorisé, ce qui n’empêche pas de le proposer gratuitement, à l’occasion d’une campagne d’éducation santé, par exemple. »
En regard du développement constant de l’offre en matière d’autotests – comme l’illustre la prochaine commercialisation de l’autotest VIH ou celle du test capillaire de soumission chimique (drogue du viol) – la question ne manquera pas d’être soulevée, à nouveau, à l’avenir. Et il faudra bien y répondre.
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