Le Quotidien du pharmacien. - Quelle est la situation de votre commune en termes d'accès aux soins ?
Gilles Noël. - Je suis maire d'un village de 1 300 habitants au cœur d'une communauté de communes qui regroupe 3 500 habitants. Depuis 2015, nous avons perdu 3 des 4 médecins installés dans le village. Aujourd'hui, nous avons une pharmacie et un pôle de santé avec un seul médecin et, à 16 km, un centre hospitalier de proximité avec un service d'urgences ouvert 24 heures/24. Nous avons des besoins, une population qui vieillit… Nous sommes toujours sur le gril, à la manœuvre pour trouver de nouveaux professionnels de santé et notamment un deuxième médecin. Beaucoup de patients ont aujourd'hui des difficultés pour faire renouveler leurs ordonnances. La commune est sur le territoire d'une CPTS qui couvre presque la moitié du département, mais le pôle de santé a perdu son label MSP étant donné que la présence d'au moins deux médecins est nécessaire.
Qu'est-ce que les ESCAP pourraient apporter selon vous ?
Aujourd'hui, dans de nombreuses situations, les infirmières et la pharmacienne du village se trouvent désemparées. Je vais partir d'un cas concret. Il y a peu de temps, un habitant souffrait d'une plaie à la jambe. Il n'a pas pu prendre rendez-vous chez le médecin et la plaie est devenue purulente. C'est son voisin qui a alerté une infirmière en lui disant qu'il serait bien qu'elle passe le voir. Le patient n'ayant pas d'ordonnance, elle n'a pu faire qu'un minimum de soins. Nous sommes dans un cas où le professionnel ne peut pas garder le problème pour lui, mais où il ne peut pas le partager non plus. Dans le cadre d'une ESCAP, si l'infirmière ou la pharmacienne est témoin d'un problème avec un patient, elles pourraient alerter le médecin et déterminer s'il est nécessaire ou non que ce soit lui qui voie le patient en premier.
Durant la crise du Covid, nous avons mis en place des méthodes de travail différentes. L'ESCAP ce n'est que la concrétisation sur le long terme de ces pratiques mais avec un engagement contractuel, une meilleure organisation et plus de fluidité. Un patient a un problème de santé qu'il faut traiter, les professionnels discutent de la situation entre eux, on ouvre un dossier, puis on le referme une fois que le patient a été pris en charge. Aujourd'hui, nous sommes souvent dans le système D, des patients font le pied de grue devant le cabinet du médecin quand ils n'ont pas réussi à le contacter… cela ne peut plus continuer.
Êtes-vous confiant sur l'avancée de ce dossier ?
Nous allons rencontrer des candidats à l'élection présidentielle le 24 mars pour leur faire part de 4 propositions pour l'accès aux soins et notamment le développement des ESCAP, mais le travail ne va pas s'arrêter là. Nous avons besoin de persuader et de convaincre l'administration, qui n'est pas toujours en phase avec les idées et la réalité du terrain. Je suis conscient qu'avec les élections qui approchent, ce n'est pas la bonne période pour que les choses évoluent. On sait aussi que le ministère de la Santé, notamment, a peur que les ESCAP coûtent trop cher et que ce système ne soit pas assez cadré. Il redoute que, pour n'importe quelle situation, on mette 4 ou 5 professionnels dans la boucle… Toutefois, je fais confiance aux Ordres professionnels et aux syndicats pour qu'ils négocient quelque chose d'équitable et que l'on trouve un juste milieu.
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