LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Selon vous, les conséquences de l’arrêté de juin 2013 seront-elles favorables à l’officine et aux patients ?
PHILIPPE BESSET. - Depuis que les débats de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) ont été initiés, nous sommes très favorables au fait que l’officine devienne un lieu de dépistage des maladies. C’est un espace de santé ouvert sur la société, qui accueille quantité de personnes « non malades » et c’est donc le terreau idéal pour mettre en œuvre les démarches de prévention. On a obtenu du législateur qu’il inscrive le dépistage dans la loi, et c’est une avancée importante pour toute la profession officinale. Nous sommes d’autant plus favorables à l’arrêté de juin 2013 qu’il crée un périmètre évolutif et permet à l’officine de faire ses preuves en remplissant de nouvelles missions. Il marque aussi le fait pour le pharmacien de pouvoir légalement pratiquer ces tests. Nous avons donc passé le stade de l’évolution juridique, ce qui précise un peu plus le rôle du circuit dans la chaîne de santé. Le patient ne pourra qu’en bénéficier.
À quel modèle économique devrait répondre la pratique de ces tests ?
C’est un point qui reste à définir. Selon la loi HPST, le pharmacien a le droit d’effectuer des prestations de service destinées à améliorer l’état de santé du patient. La façon dont cette capacité peut être mise en œuvre n’est pas encore définie pour l’instant. Elle le sera dès lors que le décret qui la concerne sera promulgué. Pour l’instant, le pharmacien qui pratique un test de dépistage ne peut pas faire rémunérer son acte. Mais nous pensons que le dépistage ne doit pas être effectué gratuitement et c’est un point sur lequel nous travaillons. Nous avons également interpellé la CNAM pour que les pharmaciens puissent commander gratuitement leurs tests à l’assurance-maladie comme le font les médecins. La décision est actuellement en suspens en raison d’un recours déposé au Conseil d’État par la profession des biologistes qui s’oppose à l’arrêté de juin 2013. Enfin, nous souhaitons que la CNAM prenne en charge des campagnes de dépistage afin que nous puissions agir en commun, avec les médecins, dans le cadre de la prévention : on peut imaginer que la CNAM communique sur le dépistage de l’angine, par exemple, en indiquant aux pharmaciens la cible des patients visée, la procédure à suivre en fonction du résultat des tests, la procédure d’orientation vers le médecin généraliste… C’est un des sujets de combat de la prochaine négociation conventionnelle.
Suite à l’arrivée prochaine des tests VIH sur le marché et, d’une façon générale, au développement des autotests, pensez-vous que le pharmacien sera amené à pratiquer d’autres types de dépistages à l’officine ?
Le circuit devrait être amené à pratiquer la plupart des tests de dépistage à l’avenir. C’est un créneau que l’officine doit occuper en toute logique parce qu’elle est un lieu de santé de proximité, accessible à tous, avec des professionnels toujours présents pour accueillir, orienter, conseiller le patient. La vente des autotests ne peut être dissociée des procédures de dépistage. Il y a une connexion évidente entre les deux actes. Aujourd’hui, les pharmaciens peuvent pratiquer les trois tests angine/grippe/glycémie. À l’avenir, bien d’autres tests pourront être effectués à l’officine, peut-être le dépistage du VIH, peut-être celui de l’hypertension et, pourquoi pas, les tests ADN dans un futur qui, aujourd’hui, ressemble à de la science-fiction ? Nous évoluons vers un système où une partie du travail de l’officinal sera vouée aux services. C’est déjà le cas pour l’accompagnement de certains patients – les personnes sous AVK, par exemple, dont 17 cas sont réalisés par an et par officine en moyenne. Le métier de pharmacien se transforme et les équipes doivent progressivement s’adapter pour faire face aux nouvelles missions qui se dessinent.
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