« L’OFFICINE deviendra un acteur majeur du dépistage et de la prévention. » Cette phrase tirée du Livre blanc de l’Ordre national des pharmaciens (janvier 2008) illustre le rôle grandissant du pharmacien sur ce volet. Avec la loi HPST, ces activités deviennent incontournables. Les partenaires de l’officine l’ont bien compris et proposent au minimum des formations sur la prévention de certaines pathologies. Arrow Génériques décline ainsi des formations sur le tabagisme, la broncopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’asthme, etc. En termes de dépistage, ce sont souvent des pathologies telles que l’hypertension artérielle (HTA), le diabète, les maladies respiratoires et cardiovasculaires qui sont visées.
Les groupements y sont partciulièrement sensibles, comme le montre la dernière campagne grand public de Giphar : « Avec mon pharmacien Giphar, j’ai le choix : je peux surveiller mon capital santé chez lui ou chez moi ». Les pharmaciens Giphar peuvent ainsi aider le patient à contrôler sa glycémie, sa pression artérielle, etc. Giphar participe à différentes journées mondiales - asthme le 5 mai, HTA le 14 mai, diabète le 14 novembre - mais propose une à deux semaines de prévention à chaque fois. Objectif : sensibiliser un maximum de personnes, dépister des cas qui s’ignorent pour les orienter vers le médecin. En novembre dernier, l’opération a permis de dépister 3 cas de prédiabète et 1,3 cas de diabète par officine participante.
Rendez-vous santé.
Pascale Tetard, membre de la commission campagnes, est titulaire à Clermont-de-l’Oise. « Nous mettons en place une campagne nationale annuelle sur une pathologie, comme l’asthme ou les maladies cardiovasculaires. Giphar fournit des outils de communication et envoie des cahiers de formation aux équipes qui bénéficient aussi d’un site Intranet dédié », indique la pharmacienne, membre de la commission campagnes de Giphar. Dans le cadre du NEMO (Niveau d’exigence minimum obligatoire), présenté comme le socle de l’enseigne Giphar, d’autres campagnes annuelles voient le jour. Celle de 2010 concerne le bébé de 0 à 30 mois. Des rendez-vous santé sont proposés sur les thèmes en cours. « Les campagnes sont bien perçues par les équipes. Dans mon officine, je nomme un référent pour la campagne nationale et un autre pour les rendez-vous Giphar. Ils se chargent de tout et mon PRAQ (pharmacien responsable assurance qualité) parle de la campagne aux patients. Toute l’officine joue le jeu », ajoute Pascale Tetard.
Les fiches de résultats de dépistage sont scannées sur le dossier du patient et l’équipe fait le point avec lui régulièrement. « Le patient ne nous voit plus de la même façon. On consolide notre place d’acteur de santé. »
Ouvrir le dialogue.
Chez PHR, la prévention concerne les pharmaciens sous enseigne Viadys ou PharmaRéférence, mais aussi des pharmaciens groupés. « Nos pharmaciens ont un kit respiratoire depuis 14 mois, comprenant un spiromètre qui mesure les capacités respiratoires, des outils de formation pour l’équipe et un support à remettre au patient. Le but est d’ouvrir le dialogue et de sensibiliser. Par exemple, pour un asthmatique, on insiste sur le bon usage de ses corticoïdes au long court. On sensibilise aussi au problème du tabagisme, pour déclencher l’arrêt du tabac ou suivre un patient en sevrage tabagique par la prise de mesures régulières », détaille Willy Hodin, directeur du groupe PHR.
PHR est présent sur d’autres facteurs de risques, comme les maladies cardiovasculaires. Les pharmaciens du groupe peuvent prendre la mesure de la glycémie et du cholestérol grâce à un kit de prévention en place depuis 2003. « Cela s’ajoute à la prise de la tension artérielle, à la mesure de l’IMC, à un questionnaire sur les antécédents familiaux, à un dialogue avec le patient sur les risques comportementaux, etc. Ce sont les services à disposition du particulier, matérialisés par notre totem. » Car les officines PHR sont équipées d’un totem santé prévention qui compile les services proposés dans l’espace d’autodiagnostic. Des services aujourd’hui mis en avant par la présence de diététiciennes et bientôt d’infirmières (fin 2010). « Le pharmacien n’a pas le temps de se consacrer à toutes ses missions, il peut donc déléguer à des professionnels de santé compétents. Les diététiciennes pourront aborder la nutrition, par exemple dans le cadre d’un traitement oncologique, ou à un moment particulier de la vie (grossesse) », explique Willy Hodin.
Observance.
« La promotion des services passe avant la vente de produits, on s’appuie sur les compétences, productrices d’honoraires et de valeur pour l’entreprise », souligne le directeur du groupe. Enfin, PHR a créé un réseau de pharmaciens investigateurs, les impliquant dans des enquêtes sur l’utilisation du médicament par les patients et l’influence du pharmacien dans l’observance du traitement. « Nous avons commencé l’aventure avec l’étude OMAHA en 2008 sur l’HTA, avec l’aide de 80 pharmacies et leurs observations et conseils apportés à 2 000 patients. Nous avons continué avec des études sur l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) avec BMS, sur l’asthme avec Teva. Aujourd’hui, notre panel est de 400 pharmacies », note Laurent Dubin, responsable développement métier chez PHR, à l’initiative de la création de ce réseau. Les prochaines études concerneront les patients sous AVK, la pilule contraceptive, l’état grippal et la santé de la femme. « Avec la décroissance de la visite médicale, les laboratoires sont intéressés, le pharmacien prend de la valeur. Les données fournies servent aux fabricants de médicaments, mais nous allons aussi pouvoir les utiliser, tandis que le pharmacien connaît mieux ses patients et les fidélisent. »
Chez Giropharm, la prévention du diabète est devenue une tradition chaque année en novembre. « Elle fait partie de nos opérations réseau, toujours précédées d’une formation pour les titulaires et leur équipe. L’an dernier, pour le diabète, nous avons fait un point sur les nouvelles molécules et le bon comportement à adopter. Nous avons rendu cet aspect ludique pour le patient par un jeu concours sur Internet avec un atelier « cuisine des chefs » animé par un nutritionniste de l’Association française des diabétiques », souligne Anne Pointcheval, directrice marketing opérationnel.
Cancer et nutrition.
La 2e opération réseau concerne les maladies cardiovasculaires et une 3e va voir le jour en octobre prochain sur la cancérologie. Une initiative qui voit le jour grâce à un adhérent. Vincent Loubrieu, installé à Avrillé (Maine-et-Loire), a organisé en 2009 une journée en partenariat avec la Ligue contre le cancer. « Cela intéressait la Ligue que nous parlions du centre d’informations et d’échanges d’Angers. L’équipe est allée visiter le centre pour connaître les informations qui y sont délivrées et pouvoir en parler aux patients. Des représentants de la Ligue sont venus une journée dans ma pharmacie, pour donner des conseils sur le thème « cancer et alimentation » et, parallèlement, un professeur de la faculté de pharmacie y a donné une conférence, matin et après-midi, sur ce thème », se souvient Vincent Loubrieu, qui passe un diplôme universitaire de tabacologie et tient à réitérer l’expérience en 2010.
Népenthès développe des opérations de prévention auprès de ses 150 pharmaciens à l’enseigne Népenthès et Proxipharma, mais aussi une partie des pharmaciens groupés puisqu’ils sont de 300 à 600 à recevoir les outils des campagnes mensuelles. En avril, l’HTA est à l’honneur, en partenariat avec Sandoz. D’autres thématiques sont programmées telles que l’asthme, la dénutrition chez le senior ou les conseils aux sportifs. « Chaque opération bénéficie d’une affiche en vitrine avec un slogan qui suscite le questionnement du patient. À l’intérieur, le relais est assuré par d’autres affiches ou un totem. Des outils de formation sont préalablement fournis et nos conseillers visitent les pharmacies tous les mois pour s’assurer que l’opération est comprise. Toutes ces initiatives mettent en avant le rôle du pharmacien dans la prévention et l’éducation à la santé », précise Alexandre Aunis, directeur adjoint en charge des enseignes et de la communication.
Rémunération.
Certaines campagnes sont sponsorisées, comme celle sur l’asthme, qui bénéficie ainsi de la mise à disposition d’un kit de contrôle du souffle dans les officines. « Cela fait deux ans que nous développons ces opérations de dépistage. Nous attendons les décrets de la loi HPST pour faire évoluer nos offres, en particulier la rémunération du pharmacien », indique Alexandre Aunis.
L’ensemble des opérations proposées par Népenthès sont visibles sur le portail web. En outre, le concept mobilier Népenthès comprend une « zone espace dialogue conseil », liée à l’agencement de l’officine. « Nous finalisons un projet d’identification de zone de confidentialité dans l’officine qui n’entraînera pas de réagencement, pour que toutes les officines puissent être dotées. »
Chez Univers Pharmacie, la prévention passe par la mise en place de services nouveaux à l’officine. « Aujourd’hui, 11 pharmacies ont intégré le corner optique. Elles lui dédient au moins 30 m2 pour accueillir de 450 à 600 montures, une salle d’examen de la vue et un atelier de montage. Elles doivent employer un opticien diplômé. Ce corner fonctionne comme un magasin d’optique classique, on y retrouve les mêmes produits mais moins chers », affirme Maxime Strauss, responsable animation et développement des corners. Les patients peuvent faire vérifier leur vue gratuitement et obtenir un renouvellement d’ordonnance avec ou sans adaptation de la correction. « Il ne s’agit pas d’examens médicaux que seul un ophtalmologue peut effectuer. Cette formule permet de capter le flux de clientèle de nos officines qui peut atteindre 1 000 patients par jour. »
Entretien bienveillant.
Autre corner, l’audition est en test dans l’unité pilote de Colmar depuis début 2008. Une centrale d’achat a été créée pour faire bénéficier aux pharmaciens des remises intéressantes sur les produits d’entretien liés aux appareils auditifs. « Les pharmacies mettent en place un linéaire de ce type de produits qui leur ouvre la porte au corner. Ce dernier comprend une borne interactive permettant de tester son audition et qui permet d’orienter, au besoin, le patient vers un audioprothésiste », remarque Maxime Strauss. Le corner implique soit de recruter un audioprothésiste, soit de passer un partenariat avec un audioprothésiste installé.
Des espaces prévention et bonne observance permettent de mesurer sa tension artérielle, sa glycémie, sa dépendance au tabac, de connaître son indice de masse graisseuse, et même de faire un diagnostic de peau.
Chez Pharmactiv, un travail de longue haleine a été entrepris à travers des « campagnes vitrines » sur les maladies cardiovasculaires, l’asthme, l’allergie, etc., durant généralement un mois. « Nous avons lancé début 2010 le suivi personnalisé du diabète auprès de nos adhérents Optimum. Le patient est reçu sur rendez-vous dans un espace de confidentialité pour un entretien bienveillant. Nous avons travaillé avec un onco-psychologue pour savoir ouvrir le dialogue, connaître les mots à dire ou à éviter. L’équipe dispose de fiches de suivi pour baliser les rendez-vous, noter les sujets abordés, les difficultés rencontrées par le patient, le plan d’action mis en place », expose Guénola Giangrasso, directrice du label Optimum.
Acteur de santé.
D’autres projets du même acabit sont dans les cartons, à commencer par le sevrage tabagique fin 2010, puis viendront la diététique, les problématiques de la jeune maman, l’asthme, etc. « En fonction des décrets de la loi HPST, on donnera la priorité à certaines approches. Par ailleurs, nous lançons des opérations de prévention à partir du mois de mai. On commence par l’HTA, l’asthme et l’allergie. La mobilisation se fera sur une journée ou une semaine selon les thèmes, dans nos 1 200 pharmacies adhérentes. Sont aussi prévues des opérations sur le cœur en septembre, sur le cancer du sein et l’ostéoporose en octobre et le VIH en décembre », énumère la directrice du label.
Chez Alphega, la prévention fait partie des fondamentaux. « Dès son origine, Alphega Pharmacie France a recentré le pharmacien sur son rôle d’acteur de santé incontournable, donc sur la prévention et l’éducation santé des patients. Le nouveau contexte législatif nous conforte dans ce positionnement », développe Mathilde Leimgruber, responsable prévention et formation. Dans ce cadre, le réseau met en place trois à quatre campagnes trimestrielles par an. La fin 2009 a été consacrée au diabète, le 1er trimestre 2010 à la polyarthrite rhumatoïde et les allergies seront abordées en mai et juin. Les pharmaciens utilisent là encore les outils fournis par les laboratoires partenaires pour les dépistages. « Des consultants points de vente aident sur le terrain à relayer et mettre en place les différents outils. De plus, nous organisons depuis l’an dernier des universités des titulaires. Comme en 2009, la prochaine édition (10 et 11 juin) sera consacrée à la prévention. »
Pouvoir d’achat.
Chez Plus Pharmacie, le sujet de la prévention et du dépistage est « un vrai serpent de mer. Tout le monde en parle mais il faut y travailler sérieusement », énonce Joseph-Philippe Benwaïche, le président. La première opération portera sur les cardiopathies et les maladies cardiovasculaires, « causes importantes de mortalité ». La phase de test d’un outil fiable et simple vient de se terminer, la formation des pharmaciens est en cours. Plus Pharmacie a choisi de travailler en collaboration avec un centre hospitalier intéressé par des données statistiques. « C’est la dernière ligne droite pour que les premières semaines de dépistage soient opérationnelles d’ici à septembre. Cela permet de repérer des cas, de répondre à la loi HPST et de donner une valeur ajoutée au pharmacien, pour qui les notions de conseil, de prévention, de dépistage vont devenir essentielles. » Pour le président, ce n’est pas un hasard si Plus Pharmacie a le plus grand nombre d’officines passées à l’enseigne Pharmavie ou Familyprix. La réunion de conseils, de services et de prix bas explique ce succès. « Ce n’est pas parce qu’on est face à un super-pharmacien aux services exceptionnels qu’on ne doit pas tenir compte du pouvoir d’achat », lance Joseph-Philippe Benwaïche.
Pour le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine, la prévention est au cœur du métier de pharmacien. C’est pourquoi il a mené, en 2007, une expérimentation de dépistage primaire des dysfonctionnements rénaux chez les polymédiqués de plus de 65 ans, avec la participation de 136 pharmacies du pays de la Loire. Sur 1 270 patients contrôlés, 148 ont été orientés vers le médecin. « Le Collectif joue le rôle de laboratoire d’essais, ce type d’expérience peut donner des idées », souligne Pascal Louis, le président. C’est dans ce but que le CNGPO a signé un contrat avec l’assureur Allianz permettant au pharmacien partenaire de recevoir une rémunération après avoir dispensé et rédigé un conseil pharmaceutique. Un nouveau projet devrait sortir des cartons en 2011, sur les maladies cardiovasculaires. « Nous envisageons un dépistage rémunéré », déclare Pascal Louis, énigmatique.
Club des spécialistes.
Parmi les autres acteurs à s’impliquer dans le dépistage, citons le syndicat des pharmaciens de la Marne. « Nous proposons le dépistage du diabète en novembre, avec la participation de laboratoires qui produisent les lecteurs de glycémie. Titulaires et adjoints sont invités à une formation à la faculté de pharmacie de Reims, où intervient un diabétologue du CHU, et en fin de soirée, on leur distribue le matériel nécessaire pour un mois de dépistage », témoigne Pierre Kreit, président du syndicat. L’an dernier, 75 % des pharmacies du département ont participé à l’opération. Le syndicat a d’autres idées en tête comme le dépistage de la BPCO et des maladies cardiovasculaires. Parallèlement, Pierre Kreit lutte pour que ces opérations soient rémunérées et compte négocier avec la CPAM et l’ARS sur la base des astreintes de garde.
Enfin, les répartiteurs proposent de nombreuses formations de prévention et de dépistage sur des pathologies ciblées. L’OCP met ainsi à disposition des pharmaciens, sur son site Internet, des outils aussi variés que des fiches conseils pour les patients, un dossier complet sur le diabète ou des fiches pratiques. Son club des spécialistes, réservé aux pharmaciens spécialisés dans la prise en charge d’une pathologie lourde telle que le cancer ou le VIH, donne des informations approfondies et actualisées…
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