Le Quotidien du pharmacien. Les enquêtes menées auprès des usagers montrent une forte appétence pour de nouveaux services en pharmacie. Comment expliquer l’engouement pour la prescription pharmaceutique de certains médicaments sur ordonnance, le renouvellement d’ordonnance en cas de maladie chronique ou d’urgence, les dépistages et la vaccination ?
Jean-Luc Plavis. L’accès à un médecin généraliste en ville est de plus en plus difficile, beaucoup ne prennent plus de nouveaux patients, et le point d’accès en urgence est compliqué. Un patient chronique qui connaît bien sa maladie et sait que le pharmacien a les éléments dans son dossier pharmaceutique pour assurer une délivrance sécurisée, ne voit pas forcément l’intérêt de prendre rendez-vous avec son médecin pour renouveler une ordonnance. Les portes de la pharmacie sont ouvertes du matin au soir, y compris le samedi, les professionnels de santé y sont disponibles sans rendez-vous et les patients ont l’habitude de leur demander un dépannage pour un traitement dont ils n’ont pas pu renouveler l’ordonnance à temps. Alors pourquoi ne pas officialiser cette pratique en permettant au pharmacien de renouveler une ordonnance, dès lors que le médecin généraliste en est informé ?
Dans la vaccination, le pharmacien a un rôle à jouer, que ce soit pour le suivi du calendrier vaccinal ou pour réaliser le geste vaccinal, au même titre que le médecin ou l’infirmier. À mes yeux, peu importe qui vaccine, l’important est d’améliorer la couverture vaccinale. De par son accessibilité et sa proximité, le pharmacien est une porte d’entrée intéressante.
Quant aux dépistages, les conditions de réalisation des tests et les suites que l’on donne après lecture des résultats doivent être bien encadrées, en lien avec le médecin généraliste. Les Français citent moins celui du VIH, c’est pourtant l’un des plus importants, on sait que beaucoup de gens ignorent leur séropositivité parce qu’ils ne se font pas dépister.
Les Français se montrent aussi intéressés par la livraison à domicile, la commande en ligne et la mise sous pilulier qui devrait même être remboursée. Cela vous semble une bonne idée ?
Cela fait sortir le pharmacien de son activité commerciale pour aller vers des prestations de services qui ont du sens pour les patients mais qui doivent être réalisées en coordination avec les autres professionnels de santé. Livrer des malades qui ont des difficultés à se déplacer, quand ce sont des personnes âgées ou des malades chroniques, c’est un service intéressant qui pourrait faire l’objet d’un remboursement. Mais si la livraison est demandée pour convenance personnelle, le remboursement n’a pas lieu d’être. On peut extrapoler ce raisonnement à la préparation des piluliers. Le pharmacien qui se déplacerait à domicile pourrait en profiter pour vérifier que les médicaments sont bien pris, conservés dans de bonnes conditions et transmettre des informations à d'autres professionnels de santé pour améliorer l’accompagnement du malade.
Les services attendus par les Français sont ceux que les pharmaciens souhaitent développer, à l’exception de la dispensation à l’unité, autant plébiscitée par le grand public que honnie par les officinaux. Comment expliquer cet écart ?
La dispensation à l’unité demande beaucoup plus de travail au pharmacien et il y a peu de pathologies où elle peut s’avérer utile. Il faudrait qu’on sache pourquoi les usagers y sont favorables. On est tous d’accord pour dire qu’il faut faire des économies et que le médicament n’est pas un bonbon. Mais le problème des médicaments stockés par les usagers vient surtout du fait qu’ils ne vont pas au bout de leur traitement, ce que ne réglerait pas la dispensation à l’unité, et du fait que le médecin prescrit parfois des médicaments que le patient a déjà chez lui. Je pense qu’il faut s’orienter davantage vers l’éducation des patients à la santé pour les amener à se responsabiliser, plutôt que vers la dispensation à l’unité.
* Jean-Luc Plavis est patient-enseignant bénévole dans les universités de médecine Paris-Descartes, Paris 13, Paris 6 et Aix-Marseille. Il est également consultant en expertise patient sur le « vivre avec » une pathologie chronique ou un trouble psychique au quotidien. Il est aussi cofondateur de la maison de santé pluriprofessionnelle des Chênes à Suresnes (Hauts-de-Seine) dont il coordonne les parcours et les projets patients. Il est atteint de la maladie de Crohn depuis 1988.
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