Après plusieurs mois de travail intense, Philippe Besset et Thomas Fatôme partagent un sentiment commun : celui du devoir accompli. Les dispositions prévues par la nouvelle convention pharmaceutique permettent à l'assurance-maladie de traduire dans la réalité une volonté affichée depuis déjà quelque temps : s'appuyer sur « davantage de professionnels de santé » pour renforcer la prévention, favoriser le bon usage des produits de santé et améliorer le parcours des soins des patients. Après le succès des campagnes de vaccination contre la grippe en officine, qui a amorcé la transformation du métier, la crise du Covid a servi d'accélérateur et a incité les autorités sanitaires à confier encore plus de responsabilités aux pharmaciens.
Comme s'en félicite Philippe Besset, le pharmacien est de moins en moins dépendant des prescriptions des autres professionnels de santé et acquiert de plus en plus d'autonomie pour un nombre d'actes toujours plus important. La plus emblématique des mesures prévues dans la dernière mouture de la convention pharmaceutique, l'élargissement des compétences vaccinales du pharmacien, en est d'ailleurs la parfaite illustration. Sur ce dernier point, il a toutefois été parfois difficile de comprendre, pour les pharmaciens comme pour les assurés, pourquoi l'arrivée au comptoir de ces quinze nouveaux vaccins n'était pas effective dès l'entrée en vigueur de la convention pharmaceutique, soit le 7 mai. Comme le concède Thomas Fatôme, le respect obligatoire de 6 mois entre cette date et la mise en place concrète des missions et des rémunérations associées a pu susciter de la déception. « L'assurance-maladie n'a pas donné toute la visibilité nécessaire, nous avons un effort de transparence à mener », a-t-il reconnu, annonçant par la même occasion que des délégués de la CNAM viendraient à la rencontre des officinaux cet automne pour faire de la pédagogie et réexpliquer les tenants et aboutissants des nouvelles missions qui commenceront à se mettre en place à partir du 7 novembre. Un travail nécessaire car de nombreuses questions animent l'esprit d'officinaux qui ont encore quelques doutes, quelques incertitudes, concernant différents points importants de cette nouvelle convention pharmaceutique.
Dispensation à domicile : pourquoi un cadre si restreint ?
Après avoir passé au crible l'ensemble des mesures contenues dans la convention, Philippe Besset et Thomas Fatôme ont pu répondre à quelques-unes de ces interrogations. Première d'entre elles : pourquoi la dispensation à domicile a-t-elle été limitée aux patients en sortie hospitalière ? Pour le président de la FSPF, la réponse est simple. « Le temps du pharmacien est précieux. Aujourd'hui nous sommes arrivés à la limite de la soutenabilité de ce que peut faire une équipe officinale, nous devons faire des choix. Envoyer un pharmacien au domicile d'un patient cela prend du temps de travail. Si le pharmacien se déplace, il faut donc cela soit utile et nécessaire, explique Philippe Besset. On s'est posé la question de mettre en place un dispositif plus large mais le lieu où le pharmacien reste le plus utile c'est son officine. Prendre en charge les patients à la sortie de l'hôpital, à travers le dispositif PRADO (programme de retour à domicile), organiser le lien entre la ville et l'hôpital, c'est une priorité, une nécessité même », affirme le président de la FSPF.
Autre point d'interrogation concernant la dispensation à domicile, le faible niveau de l'indemnisation conditionnée aux dispositifs PRADO, fixée à 2,50 euros, quand la Poste demande près de 5 euros pour le même acte. Sur ce point, Thomas Fatôme se veut clair, l'assurance-maladie n'a « nullement l'intention de s'aligner sur le tarif fixé par la Poste » pour la dispensation à domicile. « Sur cette mission, on se pose encore des questions. On se demande notamment si elle est réellement compatible avec l'organisation des pharmacies. C'est pour cela que l'on veut commencer par le dispositif PRADO, qui a fait ses preuves. Au bout de deux ans, nous ferons un bilan », annonce le directeur général de la CNAM.
Pharmacien correspondant : pourquoi le limiter aux zones sous-denses ?
Également présente dans la dernière convention, la notion de pharmacien correspondant. Comme précisé dans l'arrêté du 31 mars portant approbation de la Convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie : « la rémunération du pharmacien correspondant est réservée aux pharmaciens exerçant dans des officines situées dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins ». Là encore, pourquoi ce cadre restreint, se demandent des officinaux ? « Si cela ne concerne en effet que les zones sous-denses, il faut tout de même rappeler que la moitié des officines se trouvent dans ce cas, cela représente environ 100 000 pharmaciens, veut rappeler Thomas Fatôme. La notion de pharmacien correspondant existait déjà avant la signature de la dernière convention mais elle n'était pas valorisée, il s'agit donc là d'un sacré mouvement. Les tensions sur l'accès aux soins risquent d'augmenter dans les années à venir, donc cela va bouger dans les années qui viennent. Il y aura des clauses de revoyure », promet-il.
Si la limitation aux zones sous-denses ne dérange pas Philippe Besset, il estime en revanche que « la loi est absurde » (le pharmacien correspondant doit appartenir à la même organisation d'exercice coordonné que le médecin traitant du patient en application de la réglementation en vigueur et doit en avoir informé préalablement ce dernier). « Quand on renouvelle le traitement d'un patient qui vit dans un désert médical, le médecin traitant soit n'existe pas, soit appartient à un autre exercice coordonné », rappelle le président de la FSPF.
Dispensation à l'unité, pourquoi s'acharner ?
Parmi l'ensemble des mesures conventionnelles, l'une d'entre elles se démarque par son impopularité. Il s'agit bien sûr de la dispensation à l'unité. Alors que très peu de pharmaciens déclarent avoir l'intention de s'y mettre, au comptoir on s'interroge sur la pertinence de « s'acharner » sur un sujet qui emporte aussi peu l'adhésion. Parfaitement conscient de la défiance que suscite ce dispositif, Thomas Fatôme estime tout de même qu'il présente un certain intérêt. « L'antibiorésistance est un vrai sujet. Il est également important de lutter contre le gaspillage. Cela dit, il est vrai que les pharmaciens ne sont pas les seuls concernés par la qualité des prescriptions, admet Thomas Fatôme. Sur la dispensation à l'unité, il faut que les pharmaciens respirent car cela reste facultatif. »
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