« JE SUIS surpris de voir encore des pharmaciens qui ne sont pas abonnés à une base de données, c’est pourtant le nerf de la guerre. » Cet étonnement exprimé par Yves Morvan, P-DG du groupement Direct Labo est d’autant plus compréhensible que l’accès à ces bases de données paraît facile. Que ce soit par l’intermédiaire de leur fournisseur informatique, de leur groupement ou de leur grossiste, les pharmaciens peuvent en effet disposer de ces données relatives aux médicaments gratuitement ou moyennant un abonnement régulier. Ces bases de données ne sont pas nombreuses. Pour ce qui concerne les médicaments avec AMM, on peut citer la Banque Claude Bernard (groupe Cegedim), Vidal, Meddispar (la base du CNOP), ou encore Clickadoc (de l’OCP). Il existe des bases complémentaires liées aux produits sans AMM, la base documentaire de Vidal ou des bases multiples recensant médicaments et produits sans AMM comme Pharmathèque, d’Alliance Healthcare.
Les accès à ces bases sont très divers selon celle que l’on souhaite consulter, les grands éditeurs de bases de données ont parfois des contrats d’exclusivité avec certains prestataires, le plus connu étant celui qui lie la Banque Claude Bernard à Alliadis (les deux faisant partie du même groupe, Cegedim), ce qui en agace plus d’un. « Je regrette que les bases de données ne soient pas interactives, on gagnerait ainsi en efficacité » souligne ainsi Rodolphe Lamelet, titulaire de la pharmacie des trois rivières à Tours (voir encadré).
« La Banque Claude Bernard est une base destinée à l’ensemble des professions de santé » explique Sophie Roussel, directrice marketing et communication d’Alliadis. « Elle est également utilisée par d’autres éditeurs du groupe Cegedim ».
L’exhaustivité est un rêve.
Quelles que soient les qualités reconnues des bases disponibles, aucune ne peut par nature être exhaustive tant les références sont nombreuses et évoluent en permanence, d’où l’intérêt d’une interactivité entre les différentes bases de données. Les pharmaciens peuvent évidemment être client d’un éditeur et adhérent à un groupement qui propose des liens avec des bases de données différentes, mais cela représente un coût supplémentaire. L’accès à Meddispar, très utile notamment pour ce qui concerne les interactions médicamenteuses ou les médicaments à dispensation particulière, est quant à lui libre et gratuit sur Internet. Certains prestataires proposent un accès gratuit à d’autres bases, mais pas de mise à jour ou d’outil d’exploitation, dans ce cas, la base de données ne vit pas. « La donnée, c’est du flux » aime à rappeler Sophie Roussel. C’est dire la diversité des situations qui se présentent au titulaire. Bien souvent, celui-ci se laisse guider par les relations qui le lient à ses prestataires.
La fréquence des mises à jour en question.
Les éditeurs, notamment, aiment à valoriser leur savoir faire en matière d’animation des bases de données à travers leurs logiciels. Ils considèrent la donnée comme essentielle à l’exercice du métier de pharmacien et proposent divers outils pour mieux l’utiliser, moyennant un abonnement. Certes, certains éditeurs offrent des accès gratuits à une ou plusieurs bases de données, mais sans mise à jour régulière, celles-ci n’offrent alors qu’un intérêt limité. Sans mise à jour, les données non réactualisées peuvent donner lieu à des rejets de dossier par la caisse d’assurance-maladie faute d’avoir enregistré un nouveau tarif, elles n’intègrent pas les dernières interactions identifiées par l’ordre ou les laboratoires, notamment dans le domaine des génériques qui prend de plus en plus d’importance. Il existe encore des mises à jour manuelles pour les pharmaciens qui le désirent, mais la plupart désormais préfèrent recourir aux mises à jour automatiques proposées par les éditeurs.
« 95 % de nos clients ont l’abonnement qui leur permet une mise à jour automatique » souligne ainsi Franck Laugère, directeur général de CEPI, éditeur de Pharmavitale. Certains proposent des mises à jour hebdomadaires, d’autres quotidiennes. La fréquence de ces mises à jour est-elle un enjeu ? Pour David Derisbourg, responsable marketing Leo chez Isipharm, cela ne fait pas de doute. L’éditeur va même plus loin que la mise à jour. « S’il y a un changement brutal de prix du jour au lendemain, une alerte apparaît à ce moment précis » explique-t-il. Les éditeurs jouent d’ailleurs beaucoup sur les systèmes d’alerte et proposent parfois une sorte de gestions des droits. « Des codes couleurs signalent les interactions médicamenteuses, précise Jérôme Lapray, responsable marketing de Pharmagest, un système d’alertes que le titulaire peut piloter en fonction de la personne qui est au comptoir. » Un système d’alerte qu’il est possible de lier au dossier thérapeutique du patient : « toutes les données liées à ce patient, son poids, son âge, ses allergies, les facteurs à risque etc… Sont combinées aux informations de la base de données » souligne Sophie Roussel. « Cela permet de disposer d’un contrôle exhaustif de la prescription. » Et comme toute base de données digne de ce nom, elle se doit d’offrir des critères de recherche qui soient les plus efficaces possible, en phase avec les évolutions des médicaments. « Nous proposons un système de recherche avancé combinant plusieurs critères possibles notamment dans le domaine des génériques qui ne cesse de s’étendre, avec une prise en compte des codes DCI pour l’ensemble des produits délivrés » affirme Jérôme Lapray.
Améliorer le conseil à la délivrance.
D’une manière générale, les éditeurs cherchent à optimiser l’usage des bases de données afin d’améliorer le conseil à la délivrance. Ils permettent souvent aux pharmaciens de créer leur base de données personnelles, en quelque sorte, qui peut aller des fiches conseil jusqu’au croisement de données émanant des grandes bases nationales avec leurs données personnelles. Ainsi, Isipharm propose la possibilité d’héberger des bases de données personnalisées : « pour son offre de site internet marchand, le pharmacien construit un catalogue en ligne personnel à partir du Vidal et de l’observation de ses propres ventes » explique David Derisbourg. « L’avantage, c’est un hébergement en mode cloud computing qui permet une mise à jour immédiate, et donc une plus grande réactivité. » Est-on toujours dans le domaine de la base de données avec ces outils personnalisés ? Une question de définition de pure forme qui n’empêche pas la prestation de se répandre.
Les évolutions à venir de l’exploitation des bases de données sont liées bien sûr à ce qu’il sera possible de faire avec Internet mais aussi avec d’autres innovations technologiques et évolutions réglementaires, comme l’arrivée des codes Datamatrix. « Cela va bousculer les bases » prédit Franck Laugère. « Les codes sont beaucoup plus longs et les bases devront inclure aussi les dates de péremption, mais cela sera l’occasion de développer d’autres applications, comme l’inventaire préventif des périmés. »
L’exploitation des bases de données médicaments n’est pas l’apanage exclusif des éditeurs de logiciels. Des grossistes et des groupements travaillent également dessus, à l’image d’Objectif Pharma (400 adhérents environ), laboratoire d’idées de la coopérative de pharmaciens Welcoop qui appartient au même groupe que Pharmagest (Welcoop) et utilise la même base que l’éditeur, Clickadoc. De fait, « Objectif Pharma a pour mission de fournir des services spécifiques, en avant-première à ses adhérents » assure Jean-Paul Juillière, directeur des opérations. Mais il se doit de fournir un service supplémentaire par rapport à ce que propose son cousin éditeur, ce qui sera fait assure Jean-Paul Juillière, directeur des opérations. Objectif Pharma promet des innovations d’ici la fin de l’année et le début de 2012 et attend donc ce moment avant d’en dévoiler le contenu. Il s’agit pour le groupement « d’utiliser LGPI (le logiciel phare de Pharmagest, N.D.L.R.) tout en allant plus loin, en croisant bases de données nationales et personnelles des pharmaciens pour optimiser la performance économique des adhérents et le retour sur investissement des partenaires. » On n’en saura pas plus.
On pourrait également évoquer les bases statistiques fournies par plusieurs prestataires aux pharmaciens qui leur permettent de disposer de données relatives aux prix pratiqués hors AMM. Mais est-on encore dans la base de données ? L’exploitation de ces bases est de nature un peu différente, ne serait-ce que par l’étendue des données, nettement moindres que les bases médicaments, et l’objectif est plus limité quoi qu’important, mieux fixer ses prix en fonction de ceux pratiqués par la concurrence (notamment celles des parapharmacies et de la grande distribution) dans la zone de chalandise du pharmacien. Mais on s’éloigne du conseil à la délivrance.
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