Annoncées en fanfare le 9 mars dernier lors de la signature de la convention pharmaceutique entre l'assurance-maladie et les syndicats, les nouvelles missions ne pourront vraisemblablement pas se mettre en place avant l'été. Les discussions sur l'incrémentation de ces nouvelles mesures ont pris du retard, certaines modalités techniques n'ayant pu être précisées par l'assurance-maladie.
Ce mois de mai aurait dû signer le top départ de l’engagement des pharmaciens dans le dépistage du cancer colorectal. Cette nouvelle mission réclamée depuis de longues années par la profession et qui figure en bonne position dans la convention pharmaceutique, est sans conteste la plus aboutie jusqu'à présent. Son application reste cependant suspendue à la formation préalable des pharmaciens.
Le texte prévoit en effet que les officinaux remettent un kit de dépistage du cancer colorectal aux patients éligibles. Ce dispositif intervient en complément de l’intervention du médecin traitant ou encore de la commande du kit sur le site dédié de l’assurance-maladie. Des expérimentations menées notamment par l’URPS de Corse ont en effet prouvé que l’action du pharmacien était bénéfique à la couverture de ce dépistage encore trop minoritaire comparé à la prévalence du cancer colorectal.
Intensifier le dépistage
Un arrêté, publié le 7 avril au « Journal officiel », liste l'ensemble des modalités destinées tant à simplifier le parcours du patient qu’à intensifier ce dépistage. Les pharmaciens auront tout d’abord à identifier les personnes cibles. Soit elles présentent un courrier de l’assurance-maladie, soit elles répondent à des critères d’âge et ne présentent pas de motif d’inéligibilité. Ainsi, le dépistage s’adresse aux hommes et aux femmes de 50 à 74 ans, à risque moyen de développer un cancer colorectal. À noter qu'ils sont invités à réaliser cet examen tous les deux ans.
En revanche, les personnes ayant des antécédents personnels d'adénome ou de cancer colorectal, atteintes de maladies inflammatoires chroniques intestinales (rectocolite hémorragique et maladie de Crohn), de polypose adénomateuse familiale, de cancer colorectal héréditaire non polyposique (HNPCC ou syndrome de Lynch) ou encore ayant des antécédents familiaux d'adénome ou de cancer colorectal ne peuvent être incluses dans ce dépistage. Ils doivent être incités à une autre modalité de dépistage, de diagnostic ou de surveillance selon la nature du risque. De même, « les personnes présentant une symptomatologie évocatrice de cancer colorectal, d'apparition récente, ne relèvent pas d'une action de dépistage mais d'une prise en charge adaptée au diagnostic et à l'entrée en soins », rappelle l’arrêté. Par ailleurs, sont inéligibles pour cinq ans les personnes ayant subi une coloscopie totale. Pour celles chez lesquelles a été réalisé un colo scanner seul ou une coloscopie incomplète suivie d'un colo-scanner (sous réserve d'un avis médical), la durée de l'inéligibilité ne sera que de deux ans.
Commande des kits dès la semaine prochaine
Comme le rappelle Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), les pharmaciens pourront, dès le début de la semaine prochaine, commander des kits sur leur espace ameli. Ils seront d'une part chargés de remettre le kit de dépistage qui leur sera livré par le centre régional de coordination des dépistages des cancers (CRCDC), pivot du dépistage du cancer colorectal. D’autre part, les officinaux devront également s’assurer de la bonne compréhension de l'utilisation du kit de dépistage et de l'envoi du test à l’un des laboratoires de biologie. Parallèlement, le pharmacien doit informer le médecin traitant, ou tout autre médecin désigné par la personne, de la remise du kit.
Pour ces différentes interventions, le pharmacien sera rémunéré sous forme de ROSP. Pour chaque remise de kit, un forfait de 5 euros leur sera accordé cette année et en 2023. À partir de 2024, la rémunération sera scindée en deux afin d'insister sur le rôle de conseil du pharmacien. Celui-ci recevra 3 euros pour la remise du kit, mais il recevra également 2 euros supplémentaires si le patient réalise effectivement le test.
Pierre-Olivier Variot indique qu'un code traceur devrait être émis très prochainement afin d'accompagner cette nouvelle mission.
DAU pas obligatoire
La dispensation à l'unité des antibiotiques est l'une des mesures, si ce n'est la mesure, qui suscite le moins d'enthousiasme au sein de la profession parmi toutes les nouvelles dispositions prévues par la convention pharmaceutique signée en mars. La dispensation à l'unité (DAU) figure pourtant en bonne place dans le nouveau texte, comme le prévoyait la loi antigaspillage économie circulaire (loi AGEC) qui avait fixé à 2022 le début de son application. Un arrêté publié au « Journal officiel » du 9 mars est ensuite venu confirmer que toutes « les spécialités de la classe pharmacothérapeutique des antibactériens à usage systémique » seraient concernées par la DAU, alors que les syndicats s'attendaient initialement à une liste restreinte d'antibiotiques. Comme le précise le texte de loi, seuls les antibactériens à usage systémique présentés dans des blisters ou des sachets-doses pourront cependant être dispensés à l'unité.
Également élargie aux stupéfiants, la DAU ne présente aucun caractère obligatoire pour le pharmacien. Selon un décret publié le 2 février et qui fixe les modalités de conditionnement, d’étiquetage, d’information du patient et de traçabilité dans le cadre de la DAU, le pharmacien, s'il est volontaire donc, devra « prélever dans le conditionnement initial les unités de prise prescrites, par tout moyen permettant de garantir leur intégrité ». Ces unités devront ensuite être placées dans un nouveau conditionnement extérieur adapté et solide, « permettant d'en assurer le transport et la conservation ». À noter que ce nouveau conditionnement extérieur « ne doit pas contenir des spécialités de lots différents ». Le décret paru le 2 février souligne par ailleurs que, lorsque le pharmacien délivre les dernières unités de la boîte initiale, il doit remettre la boîte d’origine au patient. C’est d’ailleurs dans ce seul cas que la DAU peut s’appliquer à un patient aveugle ou malvoyant. Les modalités d’étiquetage du nouveau conditionnement sont également prévues, tout comme la fourniture au patient d’une version imprimée de la notice ou d’une version dématérialisée si le patient est d’accord.
Rendez-vous en octobre
En pratique, les pharmaciens intéressés par la DAU ne pourront pas s'y mettre dès le 7 mai (hormis pour les stupéfiants). Lorsque les discussions sur les aspects techniques seront finalisées avec l'assurance-maladie et quand les logiciels seront prêts (avant l'automne espèrent les syndicats), un « compteur » sera mis en place. Ce dernier tiendra compte de toutes les délivrances à l'unité effectuées en 2022. Il permettra aux officinaux, qui se seront lancés dès cette année, d'être rémunérés au début de l'année prochaine. Alors qu'aucune rémunération n’était prévue jusqu’à la signature de la nouvelle convention pharmaceutique, cette dernière instaure une valorisation de cet acte à hauteur d'un euro, avec un plafonnement annuel à 500 euros.
Toutes les autres dispositions prévues par la nouvelle convention (en premier lieu l'élargissement des compétences vaccinales du pharmacien, mais aussi la rémunération des conditionnements trimestriels) n'entreront pas en vigueur avant le mois d'octobre afin de respecter le délai de 6 mois qui suit la parution au « Journal officiel » de l'arrêté portant approbation de la convention pharmaceutique.
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