Pilule, stérilet, préservatif, mais aussi anneau vaginal, patch, implant… La contraception propose aujourd’hui une offre diversifiée, et a connu de nombreuses évolutions ces dernières années. Avec notamment une extension des responsabilités du pharmacien, qui peut, depuis fin 2001, délivrer la contraception d’urgence sans ordonnance et, depuis 2012, renouveler une ordonnance de contraceptifs oraux.
Contraception d'urgence
Première évolution de taille dans le monde de la pharmacie : la délivrance de la contraception d’urgence sans prescription médicale depuis décembre 2001, et de façon gratuite et anonyme aux mineures depuis janvier 2002. Deux contraceptifs oraux d’urgence sont disponibles dans ce cadre : le lévonorgestrel (NorLevo) et l’acétate ulipristal (Ellaone).
Si le pharmacien a un rôle de premier plan dans cette dispensation, il n’a pas toujours bonne réputation : certains sont maladroits, d’autres rechignent à la délivrer, souvent car ils ne sont pas bien préparés à répondre de façon adéquate à une telle demande. « La première chose à faire est d’aller chercher le contraceptif d’urgence », insiste Nicolas Mimoun, pharmacien à Maule. Ensuite, on informera la patiente, sans poser trop de questions, qui sont mal vécues. « Notamment, on ne demandera jamais : « quand avez-vous eu le rapport non protégé ? » C’est une question qui touche l’intimité, elle doit être bannie du discours pharmaceutique », martèle-t-il.
À la place, le pharmacien prendra la parole et expliquera d’emblée que la contraception d’urgence est efficace si elle est prise dans la limite de 3 à 5 jours. « Avec cette information, la femme se sentira en confiance et posera ensuite naturellement des questions », poursuit Nicolas Mimoun. Une fois la conversation entamée, le pharmacien renseignera la patiente sur les modalités de prise : 1 comprimé le plus tôt possible après le rapport à risque, et si des vomissements ou des diarrhées surviennent moins de 3 heures après la prise du comprimé, conseiller de revenir à la pharmacie pour rependre de nouveau un comprimé. Le pharmacien peut également rassurer sur les effets indésirables qui peuvent apparaître, comme des petits saignements ou des maux de ventre, qui sont rares et temporaires. Il faut aussi lutter contre les idées reçues, encore trop présentes, même dans le discours des officinaux. Par exemple, on indiquera que la contraception d’urgence ne rend pas stérile, même à prises répétées. Qu’elle n’est pas contre-indiquée chez la fumeuse. Qu’elle ne protège pas des IST (seul le préservatif protège efficacement des IST). On peut aussi expliquer que si la contraception d’urgence peut être prise plusieurs fois, elle est moins efficace qu’une contraception régulière et ne permet pas d’éviter une grossesse dans tous les cas. De par cette efficacité partielle, elle ne peut pas remplacer une contraception régulière. « J’évoque également le fait que le DIU au cuivre peut aussi être utilisé en contraception d’urgence et doit être posé dans un délai de 5 jours après le rapport non protégé, commente Nicolas Mimoun. Dans cette indication, il est généralement posé dans un centre de planning familial (rarement chez le gynécologue ou le médecin qui peuvent difficilement gérer l’urgence). Et dans ce cas, il a l’avantage de servir ensuite de contraception régulière. »
Pour que les messages soient bien mémorisés, le pharmacien peut remettre des documents à la patiente. Par exemple, la carte contraception d’urgence réalisée par le Cespharm ou les documents de l’URPS pharmaciens Ile-de-France, tous téléchargeables sur les sites de ces organismes. Ou encore, il peut noter certaines informations sur la boîte, comme les modalités de prise.
Face à une demande de contraception d’urgence chez une personne se déclarant mineure, la délivrance sera gratuite. On ne demandera pas de justificatif d’âge : une simple déclaration orale suffit. La délivrance sera précédée d’un entretien avec la jeune fille, qui ne se fait en général pas dans un espace de confidentialité : « s’isoler avec un professionnel de santé est très mal vécu par les jeunes, qui ont peur d’un discours moralisateur. Le mieux est de se rendre sur le comptoir le plus isolé de la pharmacie pour pouvoir tenir une discussion à l’écart, en prenant toujours soin d’informer, sans juger », explique Vivien Veyrat, pharmacien à Mantes-la-Jolie.
Renouvellement de pilule
Deuxième évolution majeure pour la pharmacie : depuis le 20 juillet 2012, pour permettre aux femmes de poursuivre leur traitement contraceptif sans interruption, l’officinal peut procéder à une dispensation supplémentaire de contraceptifs oraux mentionnés sur une ordonnance. Ce renouvellement est possible pour une durée maximale de six mois (deux fois trois plaquettes) et si l'ordonnance date de moins d'un an. « En général, j'informe les patientes qui viennent chercher leur deuxième boîte de 3 plaquettes avec une ordonnance valable 6 mois, qu'elles pourront se faire délivrer pour six mois de plus leur contraceptif oral en pharmacie », indique Vivien Veyrat.
Dans le cas de ce renouvellement, le pharmacien indique la mention « dispensation supplémentaire de contraceptifs oraux » sur l'original de l'ordonnance, la date et la quantité délivrée (3 plaquettes maximum en une fois). « Si le contraceptif est remboursable, il peut faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance-maladie avec ce mode de délivrance, mais malheureusement les pharmaciens l’ignorent souvent et font payer la patiente », évoque Nicolas Mimoun. Le pharmacien informera l’intéressée du fait qu’il ne pourra pas effectuer ce renouvellement au-delà de 6 mois et lui conseillera d’aller consulter un médecin ou une sage-femme si elle envisage de poursuivre une contraception médicamenteuse.
La contraception en questions
Par ailleurs, beaucoup de questions autour de la contraception peuvent être posées au comptoir : quand faut-il que je commence ma pilule ? Comment la prendre si je pars à l’étranger et qu’il y a un décalage horaire ? J’ai oublié ma pilule, que dois-je faire ? Je voudrais la prendre sans interruption pendant plusieurs mois pour éviter d’avoir mes règles, est-ce possible ? Je vais changer de pilule, comment dois-je faire ? Mon patch se décolle, suis-je protégée ? Puis-je opter pour le stérilet si je n’ai pas eu d’enfants ?…
Le pharmacien peut également être interrogé sur les risques thromboemboliques des pilules contraceptives, et informera les patientes, sans les effrayer, sur les complications vasculaires qui existent, mais qui sont rares. Il peut notamment conseiller les personnes à risque, afin de prévenir la survenue d’une complication : aide à l’arrêt du tabac, attention en cas d’immobilisation prolongée et lors de voyages longs en avion…
Par ailleurs, le pharmacien soignera tout particulièrement ses réponses et son conseil lors d’une première délivrance de pilule. Notamment, en rappelant la nécessité de prise quotidienne et en informant sur la fenêtre d’oubli de pilule : en cas d'oubli de plus de 12 heures avec toutes les pilules (ou de 3 heures avec Microval), il y a un risque de grossesse s'il y a eu rapport sexuel non protégé dans les 5 jours précédant l'oubli.
Entretien contraception
Pour prendre le temps de répondre aux patientes, et en toute confidentialité, certains officinaux proposent aux patientes un rendez-vous contraception. Un entretien d’une quinzaine de minutes dans l’espace de confidentialité ou parfois à un comptoir un peu à l’écart.
Aujourd’hui, cet entretien contraception est gratuit. « Mais, dans le cadre d’une primo prescription, il mériterait d’être reconnu comme un entretien rémunéré, milite Vivien Veyrat. Ce rendez-vous aborde notamment les retards tolérés, ceux qui doivent mener à une contraception d’urgence. Et quand on voit le coût d’une IVG, on a tout intérêt à investir dans un tel entretien pharmaceutique. »
Une formation indispensable
Mais avant tout, la formation est essentielle pour être bien préparé à répondre aux questions sur la contraception. « Il y a quelques années, aucun enseignement pratique sur la contraception n’était dispensé à l’université, et il était difficile, sans formation supplémentaire, de maîtriser le discours à tenir devant les patientes. Aujourd’hui, cette formation pratique a été intégrée à l’enseignement primaire, c’est un point positif pour les générations d’officinaux qui sortent de la faculté », raconte Vivien Veyrat. Cela ne dispense pas de continuer à se former en continu. Car au final, c’est en tenant le bon discours sur la contraception, que l’on peut potentiellement éviter aux femmes une IVG. C'est une action majeure de prévention qui fait partie des missions du pharmacien.
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