Est-ce un nouvel exemple de la plasticité de l'économie officinale ? Ou de la capacité du réseau à absorber la demande de premier recours, comme l'a suggéré Patrick Oscar, délégué général du GIE GERS et directeur général du GERS Data lors de la présentation des chiffres de ces neuf premiers mois de l'année 2022. En dépit d'une fréquentation des cabinets médicaux en berne (- 10 % en septembre – octobre, - 5 % depuis le début de l'année), le chiffre d'affaires du réseau officinal se porte étonnamment bien. En cumul mobile sur douze mois, il affichait fin octobre une croissance de 12 % par rapport à la même période de 2020, à 41 milliards d'euros.
Loin des cassandres qui voudraient y voir un signe du Covid, ces chiffres d’affaires produits par le GERS Data sont établis hors activités de TVA à taux 0 %. De manière conjoncturelle, le marché officinal a été porté cette année par les pathologies hivernales. Pour le seul mois de septembre, les antitussifs, les expectorants et les produits bronchopulmonaires ont enregistré une hausse de 45 % (unités en sell-in) par rapport à septembre 2021, les antibactériens par voie générale 20 %, les produits contre la gastro 19 % et les analgésiques, 10 %.
Le boom des sorties hospitalières
Structurellement, l'officine doit essentiellement à la croissance des prescriptions hospitalières sa faculté de résistance à l'érosion des prescriptions de ville. Accusant une baisse de 3,3 % depuis 2020, celles-ci composent désormais à peine plus de la moitié du chiffre d'affaires (50,1 %). Pendant ce temps, les prescriptions hospitalières augmentent de 2,6 points et représentent désormais 29,3 % de l'activité officinale, contre 26,7 % il y a encore deux ans. Le marché du remboursable est drainé par cinq classes de produits qui, à elles seules contribuent pour 876 millions d'euros à la croissance. Bien que sa prédominance reste indiscutable, l'activité sur le remboursable hors innovation et hors sortie hospitalière croît plus lentement (+ 8 %) que les ventes de la sortie hospitalière (+ 202,1 % en un an) et les produits innovants (+ 121 % en un an).
Autre facteur de résilience de l'économie officinale, les médicaments onéreux qui poursuivent leur pénétration. Comme le note Patrick Oscar, alors qu'elles n'étaient que 65 en 2017, les présentations d'un prix supérieur à 1930 euros sont aujourd'hui au nombre de 180. Et bien que leurs ventes ne représentent que 0, 08 % du volume de dispensation, elles ont quadruplé en cinq ans et représentent désormais 22 % du chiffre d'affaires officinal. Un phénomène qui n'est cependant pas sans inquiéter les acteurs du marché, tant ses effets néfastes sur la marge sont redoutés. Quant aux produits d'un prix supérieurs à 468,97 euros, soit 0,46 % des boîtes vendues en officines, ils constituent désormais 41,3 % du chiffre d'affaires.
Ces tendances démontrent combien la délivrance atteint une certaine technicité à l'officine. Elles prouvent aussi à quel point le bilan officinal nécessite désormais une lecture différenciée. Car, comme le souligne Patrick Oscar, « la lecture de l'activité officinale par taux de TVA ne permet définitivement plus de tirer des conclusions ». Elle ne permet pas en tout cas une approche satisfaisante, tant l'analyse catégorielle s'impose désormais au sein de chaque catégorie de taux de TVA. En effet, la croissance du « 2,1 % » ne se reflète pas dans la marge, tandis que le « 5,5 % » amalgame des produits très divers, des SHA à la nutrition infantile en passant par les compléments alimentaires et certains DM. C'est dire si ce segment peut être chahuté par diverses fluctuations.
Inflation et PLFSS, les deux inconnues de 2023
Parallèlement, recul de l'activité en médecine générale oblige, la dispensation du médicament s'oriente aussi de plus en plus vers le conseil. Celui-ci, qui constitue 20,6 % de l'activité officinale, augmente légèrement sa part (+0,7 % depuis 2020). Les pathologies hivernales participent naturellement à cette forte croissance avec la tombée des masques et des gestes barrière, souligne David Syr, directeur général adjoint de GERS Data, faisant état d'une hausse de 12 % de l'automédication depuis le mois de janvier par rapport à la période similaire de 2021. Maux de gorge, toux, diarrhée et rhume figurent parmi les 10 contributeurs d'une croissance de 18,6 millions d'euros, tandis qu’à l'autre bout de l'échelle le marché des douleurs articulaires et musculaires ainsi que du tonus voit son top 10 décroître de 3, 8 millions d'euros (voir graphique ci-dessous). « La croissance du self care est portée pour 52 millions d'euros par l'innovation, c’est-à-dire des références qui n'étaient pas sur le marché en 2021, mais aussi par l'effet prix », observe David Syr, qui indique, inflation oblige, une hausse des prix de 3,3 points à périmètre constant. Ces tendances sont cependant hétérogènes, certains produits, comme la nutrition infantile subissant une augmentation des tarifs de 6 points. « La notion d'inflation varie beaucoup en fonction des produits, des stocks disponibles en pharmacie et du choix du conseil du pharmacien lui-même », relève le directeur adjoint du GERS Data.
Outre l'inflation, une autre inconnue s'est d'ores et déjà invitée au bilan officinal 2023. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui devrait passer en lecture aujourd'hui devant les députés pour une ultime étape, prévoit en effet de nouvelles coupes. L'objectif étant de parvenir à une baisse des prix des produits de santé, de l'ordre de 1,1 milliard d'euros. Pour l'heure, la répartition de ces économies entre médicaments et dispositifs médicaux n'est pas encore communiquée.
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