L'officine face au déconfinement

Les pharmaciens peuvent-ils obliger un patient à porter un masque ?

Publié le 19/05/2020
Sur le front pendant toute la durée du confinement, le titulaire et ses collaborateurs n'ont eu de cesse de se protéger contre l'épidémie, recourant même à de nouveaux dispositifs comme le port du masque, les hygiaphones ou le marquage au sol. Mais alors que ces outils de protection demeurent et que l'équipe officinale continue d'appliquer scrupuleusement les gestes barrières, le titulaire est-il en droit d'exiger d'un patient qu'il porte un masque pour franchir le seuil de l'officine ?

Depuis le 11 mai, de nombreux commerces sont sortis du confinement. Certains ont rendu le port du masque, par leurs clients, obligatoire. Ce qui aurait pu être assimilé naguère à une forme de discrimination (article 225-1 du code pénal) ou à un refus de vente (article L. 121-11 du code de la consommation) passible d’amendes ou de peines pénales, est désormais devenu légitime. En effet le Premier ministre a confirmé qu’un commerçant pouvait subordonner l’accès de son magasin au port du masque. Ce changement a été rendu possible par la déclaration d’état d’urgence sanitaire, créé par la loi du 23 mars 2020, et qui vient d’être prorogée jusqu’au 10 juillet 2020.

Mais alors, un pharmacien peut-il aussi se prévaloir d’un tel droit et refuser l’accès à son officine à un client sans masque ?

Rappelons qu'en tant qu’acteurs majeurs de la santé publique, les pharmaciens sont restés stoïquement au front pendant la phase la plus aiguë de l’épidémie, et cela face à des patients déjà sans protection et de surcroît frustrés de ne pas pouvoir leur acheter de masques. Pour un pharmacien, exercer son droit de subordonner l’accès à son officine au port du masque, alors même qu’il est, depuis un arrêté du 25 avril 2020, autorisé à vendre des masques non sanitaires, serait paradoxal.

La seule situation qui permettrait à un pharmacien d’exercer, de manière légitime, ce droit de refus d’accès serait l’arrivée d’un ou plusieurs patients non masqués, entrées qui ne permettraient pas de respecter la distanciation physique telle que recommandée par le protocole national de déconfinement et la fiche spécifique métier « travail en pharmacie » du ministère du Travail. Ce document précise, à propos des masques : « Ce n’est que lorsque l’ensemble de ces précautions n’est pas suffisant pour garantir la protection de la santé et la sécurité́ des personnes qu’elles doivent être complétées par des mesures de protection individuelle, telles que le port du masque. »*

Ce refus d’accès, dans de telles conditions, serait alors non seulement conforme aux recommandations du protocole national mais aussi au devoir le plus fondamental du pharmacien qui, selon son code de déontologie, doit exercer sa mission dans le respect de la vie et de la personne (Art. R. 4235-2 du code de la santé publique).

* Travail en pharmacie : quelles précautions prendre contre le Covid-19 ? – Ministère du travail  https://bit.ly/3dHpL2e

Me Cathie Paumier, avocat à la Cour (Barreau de Paris)

Source : Le Quotidien du Pharmacien