C'est une grande première pour le groupement Totum, et par ricochet pour toute la profession. Un sujet d'étude lancé par TotumLab a été retenu dans le cadre de l'appel à projets émis pour 2022 par l’Institut de recherche en santé publique (IReSP) et l’Institut national du cancer (INCa). Le projet de Totum s'inscrit dans le volet 1 « Substances psychoactives et population générale » de ce programme national dédié à la lutte contre les usages et les addictions aux substances psychoactives*.
Une vingtaine de pharmaciens Totum, harmonieusement répartis sur le territoire afin de répondre aux critères de représentativité, se sont portés volontaires pour participer à ce projet dont l'objet sera d'évaluer l'influence du pharmacien dans la « déprescription » des benzodiazépines et apparentés à partir de six mois de traitement. Le groupement s'est associé dans cette démarche au CHU de Grenoble, et tout particulièrement à son centre d'investigation clinique qui interviendra en support pour la méthodologie. Les pharmaciens seront également accompagnés par des cliniciens du service universitaire de pharmaco-addictologie. « L'objectif est d'inclure 250 patients, il s'agit d'un seuil de signification statistique », expose Matthieu Gauthier, pharmacien, vice-président de TotumLab et directeur médical de Totum, groupement engagé en pharmacie clinique (voir encadré).
Réduire la consommation d'au moins 50 %
Le but : évaluer dans quelle mesure l'information et les échanges entre les pharmaciens et les patients peuvent contribuer à réduire la consommation en benzodiazépines de ces derniers au bout de six mois. La certification ISO 9001 est l'un des principaux critères de recrutement de ces officinaux qui suivront entre 12 et 15 patients chacun. Autre préalable, des formations obligatoires à la recherche clinique, à l'accompagnement du patient ainsi qu'à la logistique de l'étude devront être suivies, soit trois heures au total. « L'accompagnement du patient sur la prise en charge médicamenteuse est standardisé et il a été défini par les cliniciens de Grenoble qui ont également édité des brochures à l'intention des patients », précise Matthieu Gauthier. Il ajoute que cette concrétisation du lien ville-hôpital dans ce domaine, attendue depuis plusieurs années, a été très bien accueillie par les cliniciens du CHU de Grenoble.
Ces « interventions pharmaceutiques » s’appuieront sur l’outil d’aide au repérage précoce et intervention brève (RPIB) défini par la Haute Autorité de Santé (HAS). Ainsi, le nombre d'interventions du pharmacien est clairement déterminé par le protocole : l'une au moment de l'inclusion, puis deux évaluations à six et à douze mois. « L'objectif est de réduire la consommation d'au moins 50 % dans les six mois sans que la qualité de vie du patient ne soit affectée », décrit le directeur médical de Totum.
Première publication scientifique internationale
Ce suivi qui durera un an sera rémunéré 100 euros par patient et sera financé par TotumLab qui a reçu une dotation de 270 000 euros pour ce projet. « Il s'agit cependant de patients que le pharmacien voit tous les mois. Aussi, hormis le suivi protocolisé, de nombreuses interactions ont lieu de manière informelle lors de ces visites mensuelles à l'officine », précise Matthieu Gauthier. Il ajoute que si le médecin prescripteur ne sera prévenu de l'inclusion du patient qu'avec l'autorisation de celui-ci, il sera dans les faits informé quasi systématiquement de la démarche. Autre grande nouveauté, cette étude qui débutera au printemps 2023 donnera lieu à une publication scientifique fin 2024. « Il s’agira de la première étude francophone et internationale sur le sujet. Car jamais l’impact du pharmacien seul n’a été évalué dans le cadre d’une recherche clinique », remarque fièrement Matthieu Gauthier.
Innover, tester de nouvelles approches, de manière différente, tout en restant dans le cadre réglementaire, c’est là tout l’objectif de la pharmacie clinique. Les expérimentations dans ce nouveau champ se multiplient sur le territoire ces dernières années, à la satisfaction de tous les participants et des pharmaciens d’officine au premier chef. Mais pas seulement, l’assurance-maladie appelant aussi de ses vœux à une extension de ces initiatives, tout comme le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM). Dans son rapport publié en septembre dernier, celui-ci préconise de recourir plus systématiquement à la pharmacie clinique, ne serait-ce qu’en raison de son potentiel à libérer du temps médical au moment ou le nombre de médecins ne cesse de reculer.
Mais que recouvre exactement la notion de pharmacie clinique ? Dans son rapport, le HCAAM y intègre les bilans partagés de médication (BPM), les entretiens d’accompagnement (patients asthmatiques, sous AVK/AOD, sous anticancéreux oraux), la vaccination, la prévention de l’iatrogénie médicamenteuse, la lutte contre les addictions, le dépistage ou encore la mission de pharmacien correspondant… Malgré tout, cette pharmacie clinique est, à ses yeux, « insuffisamment déployée ».
Des résultats édifiants
C’est à la Société française de pharmacie clinique (SFPC) que l’on doit la définition précise et actualisée de la pharmacie clinique : « Discipline de santé centrée sur le patient dont l’exercice a pour objectif d’optimiser la prise en charge thérapeutique, à chaque étape du parcours de soins. » En conséquence, « les actes de pharmacie clinique contribuent à la sécurisation, à la pertinence et à l’efficience du recours aux produits de santé » et « le pharmacien exerce en collaboration avec les autres professionnels impliqués, le patient et ses aidants ».
Les expérimentations de pharmacie clinique ont dévoilé, ces derniers mois, de premiers résultats édifiants. C’est le cas du projet OSyS (Orientation système de soins) mis sur pied en Bretagne par l’association Pharma Système Qualité avec le soutien de l’agence régionale de santé (ARS) et des Unions régionales des professions de santé (URPS) médecins et pharmaciens. Le principe : faire de l’officine la porte d’entrée du parcours patient dans les soins non programmés. Concrètement, dans 13 situations identifiées telles que la rhinite, la diarrhée, la douleur pharyngée ou encore la conjonctivite, le pharmacien aiguille le patient selon son besoin et en fonction d’un arbre décisionnel : prise en charge au comptoir, (télé) consultation, urgences. Le premier bilan réalisé en mai dernier fait état d’un taux de satisfaction de 99 % chez les 400 personnes ayant suivi le parcours OSyS, dont 25 % ont été orientées vers une consultation médicale.
C’est aussi le cas des expérimentations OCTAVE et PARTAGE. La première, née en Bretagne à l’initiative de pharmaciens d’officine, a d’emblée été étendue aux Pays de la Loire. Portée par les URPS pharmaciens des deux régions et soutenue par les URPS médecins, infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes, elle a embarqué 12 établissements de santé et près de 150 officines qui plébiscitent le projet. Le principe : mettre en place une communication efficace et simplifiée entre la ville et l’hôpital pour échanger en détail sur les traitements d’un patient devant subir une opération chirurgicale, avant, pendant et après hospitalisation. La seconde, PARTAGE, a pris place dans le Maine-et-Loire grâce à la détermination des pharmaciens hospitaliers du groupement hospitalier territorial (GHT) 49. L’idée est similaire à celle du projet OCTAVE et a immédiatement séduit les confrères officinaux puisque 207 pharmacies sur les 234 du département ont intégré le projet, ainsi que 8 des 10 établissements de santé du GHT 49. Là encore, le projet a un effet fédérateur applaudi par tous les participants, à l’hôpital comme en ville.
*SPAV1-22-028
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