Le Quotidien du pharmacien.- Le conseil d’administration de la CAVP a relevé le niveau des pensions de 4,60 % et le taux de distribution a été fixé à 3,5 % (voir encadré). Autant de signes que la caisse des pharmaciens se porte bien.
Philippe Berthelot.- D’une part, nous avons effectivement procédé à une revalorisation de 4,6 % des retraites du régime de répartition. Cette mesure fait appel à la capacité contributive de notre profession. D’autre part, le taux de distribution du régime complémentaire par capitalisation est passé de 2,2 % en 2021 à 3,5 % au titre de 2022, et ce alors même que la conjoncture financière a été très défavorable cette année. Ce relèvement du taux de distribution montre que notre régime est bien géré et qu’il dispose des réserves nécessaires pour faire face à une diminution passagère des résultats financiers. Ajoutées à la revalorisation du régime de base de 4,8 %, dont 4 % appliqués par anticipation dès le 1er juillet 2022, ces deux mesures de revalorisation des retraites complémentaires par répartition et par capitalisation contribueront à préserver le pouvoir d’achat de nos confrères retraités dans cette période inflationniste.
Élisabeth Borne a esquissé, le 1er décembre, les contours de ce que pourrait être le projet de réforme des retraites, affirmant que le système ne pourrait faire l’économie d’un départ à 65 ans avec un report progressif de 62 à 65 ans d’ici à 2031. Un dispositif qui permet de ramener le système à l’équilibre dans les 10 ans. Que vous inspirent ces déclarations ?
La Première ministre raisonne dans le cadre d’un système géré à 100 % par répartition dans lequel les cotisations des actifs financent les pensions des retraités. Or nous savons que le système français, dans son ensemble, est aujourd’hui financièrement déséquilibré. Dans le meilleur des cas, le déficit atteint 10 milliards d’euros auxquels il faut ajouter 30 milliards de déficit supplémentaire provenant des régimes du secteur public équilibrés par le budget de l’État, lui-même en déficit chronique. Dans ces conditions, reculer le départ à la retraite à 65 ans n’améliorera que temporairement la situation financière du système qui continuera de se dégrader. En effet, le déficit démographique qui se situe actuellement à 1,7 cotisant pour 1 retraité va encore reculer pendant plusieurs décennies, comme l’illustrent les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR). Nous sommes donc face à un système qui montre ses limites et qui nécessitera d’être régulièrement réformé.
Quelle est, dans ce contexte, la position de la CAVP ?
Nous proposons, parce que nous l’avons mis en place dès 1962 au sein de notre régime complémentaire dont nous sommes aujourd’hui les bénéficiaires, d’introduire dans le système français une part de capitalisation obligatoire. Il n’est nullement question de supprimer le système par répartition, mais de compléter les retraites par une pension additionnelle financée par capitalisation. Un tel dispositif aurait pour avantage de nous affranchir dans une large mesure de la contrainte démographique. Je tiens à souligner que tous les pays européens socialement avancés, notamment les pays d’Europe du Nord, ont recours à la capitalisation collective.
Ramené à la profession, le régime par capitalisation n’est-il pas un moyen de pallier, à moyen et long terme, le manque de personnels dont souffre la pharmacie actuellement ?
Ce manque de personnels, tout comme la désertion des amphis de pharma, est une problématique majeure pour l’avenir de notre profession. Je rejoins l’Ordre et les syndicats qui craignent une déstructuration du réseau officinal. Concernant notre système de retraite, cela constitue un véritable enjeu, sachant que le régime par répartition est déjà fragilisé par un rapport de 0,9 cotisant pour un retraité. Ainsi, sur les 60 000 affiliés à la CAVP, 29 000 sont des cotisants et 31 000 des retraités. Face à cette situation, nous devons contribuer plus encore pour conserver un niveau de retraite satisfaisant. Aussi, compte tenu de la démographie qui pénalise la retraite par répartition, nous faisons le choix d’augmenter la part de la capitalisation.
Pouvez-vous préciser cette approche ?
Je peux vous l’annoncer, nous travaillons actuellement à une révision des modalités de calcul des cotisations qui ne sont plus adaptées. Il faut penser l’avenir. Aujourd’hui, le niveau des pensions n’est pas en adéquation avec les revenus des pharmaciens. Le taux de remplacement est insuffisant. Nous devons naturellement tenir compte des capacités contributives de la profession. L’objectif serait, par conséquent, de faire coïncider la cotisation médiane et le revenu médian, en concertation avec la profession. Je pense que la capitalisation doit prendre une place plus importante que la répartition dans la retraite des pharmaciens. Nous repensons cet équilibre. Et c’est parce qu’elle dispose d’une réelle autonomie de gestion que la CAVP peut envisager une telle évolution.
À propos d’autonomie, celle-ci, contrairement aux premières annonces de réforme en 2019, semble aujourd’hui préservée dans le projet du gouvernement. Avez-vous des garanties ?
L’intégration de tous les régimes de retraite dans un système « universel » avait suscité à l’époque une levée de boucliers, tant du côté des salariés que des caisses des professions libérales. Les partenaires sociaux étaient unanimes pour pérenniser l’autonomie de gestion des instances professionnelles des salariés comme celles des libéraux. Pour l’heure, le nouveau projet de réforme ne semble pas remettre en question l’autonomie des caisses de retraite professionnelles.
Pour autant, l’État maintient ses velléités en matière de recouvrement des cotisations par l’URSSAF.
La perspective d’un transfert global du recouvrement des cotisations vers les URSSAF n’est pas écartée, ce qui comporterait aux yeux de nombreux experts le risque de ne pas percevoir l’intégralité des cotisations de nos affiliés. Il s’agit d’une mesure technique dont la portée est politique, puisqu’elle rejoint les objectifs de centralisation de gestion prévus par la réforme de 2019 qui prévoyait la mise en place du régime « universel ».
Quelles en seraient les conséquences ?
Ce serait, tout d’abord, une remise en cause du pacte social français tel qu’il a été conclu en 1945. Celui-ci excluait la mise sous tutelle par l’État des recouvrements. Il est important de rappeler que la collecte par l’URSSAF coûterait quasiment le double de ce que coûte le dispositif actuel au sein de notre Caisse. On peut donc légitimement s’interroger sur la finalité d’un tel dispositif. Par ailleurs, nous souhaitons obtenir la garantie que les particularités de nos régimes soient durablement préservées et que le rôle central des corps intermédiaires soit conforté par la puissance publique.
Que redoutez-vous in fine ?
Nous craignons que l’Agirc-Arrco bascule la première dans ce dispositif de collecte. Les libéraux auront alors du mal à se défendre. De manière générale, la volonté de l’État de mettre la main sur la collecte n’est ni plus, ni moins, que la poursuite de la réforme engagée en 2019. Nous ne sommes pas les seuls à nous alarmer de ce fait, l’ensemble des parties prenantes le dénonce.
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