LA COUR européenne de Justice a donné raison, le 10 mars dernier à Luxembourg, à la chaîne autrichienne Hartlauer, propriétaire de 155 magasins de photo, d’électronique, d’optique et d’audiométrie, dans l’affaire qui l’opposait aux autorités sanitaires régionales de Vienne et de Basse Autriche (voir le Quotidien du 5 mars). La chaîne se plaignait de n’avoir pu ouvrir deux policliniques dentaires, à Vienne et à Wels, au motif qu’elle n’avait pas pu obtenir l’autorisation préalable des autorités régionales, alors que les lois européennes garantissent la liberté de service et d’installation. Selon le jugement prononcé le 10 mars, la clause autrichienne forçant Hartlauer à demander une autorisation préalable pour ces ouvertures était excessive. En effet, a estimé la Cour, ces autorisations administratives permettent certes de planifier et de mieux répartir les dépenses de santé, comme l’avait d’ailleurs souligné l’avocat général dans un avis rendu cet été, mais, dans ce cas, elles devraient s’appliquer à tous les cabinets dentaires. Or, les dentistes autrichiens libéraux ont, eux, le droit d’ouvrir un cabinet où ils veulent, y compris un cabinet de groupe, sans autorisation préalable.
Il n’en reste pas moins que ce jugement peut faire penser que la Cour rebat les cartes dans les affaires un peu comparables opposant la Commission européenne à plusieurs pays en ce qui concerne les lois de répartition des pharmacies, et constitue une petite victoire pour les partisans du libéralisme. Comme l’exprime d’ailleurs Isabelle Adenot au nom de l’Ordre des pharmaciens, il s’agit là d’un résultat « mitigé ». Toutefois, la Cour n’a pas remis en cause le principe des autorisations administratives nationales pour raison de politique de santé, mais plutôt le fait que, si ces autorisations existent, elles doivent concerner l’ensemble d’une profession, et non pas seulement certaines de ses composantes : pour que la loi nationale prime sur la loi européenne, dit la Cour en substance, il aurait fallu que tous les dentistes soient soumis à la même règle. Comme le problème est différent pour les pharmacies, vu que les autorisations et les quotas concernent de manière identique toutes les pharmacies d’officine d’un pays, on peut estimer que le jugement Hartlauer ne déteindra pas sur les autres décisions à venir concernant les pharmacies. Rappelons que le jugement attendu pour ces dernières se présente plutôt favorablement depuis l’avis rendu en décembre par l’avocat général Yves Bot, bien qu’une surprise - comme l’a partiellement montré l’arrêt Hartlauer - reste toujours possible.
Robert Hartlauer, le P-DG de la chaîne, a exprimé sa satisfaction face à ce jugement qui met fin à dix ans de procédures. Toutefois, constatant que, ces dernières années, d’autres groupes commerciaux se sont cassé les dents en tentant de lancer des policliniques dentaires, notamment la chaîne McZahn (soit McDent en allemand) en Allemagne, il a annoncé qu’il renonçait à son projet, les expériences menées à l’étranger ayant montré le peu d’avenir de telles structures.
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