Respectable titulaire d’une imposante pharmacie du centre-ville de Bottrop, Peter S. était, avant le scandale, un parfait notable très investi dans la vie de sa cité, soutenant généreusement plusieurs associations de bienfaisance. Ses ennuis ont commencé lorsque son comptable s’aperçut qu’il facturait aux caisses de maladie, depuis 2012, près de trois fois plus de substances cytotoxiques, destinées aux chimiothérapies à domicile, qu’il n’en commandait réellement. Cette découverte lui valut d’être licencié sur le champ par le pharmacien, mais il faudra attendre encore plusieurs mois avant que la vérité n’éclate. Une préparatrice de l’officine, horrifiée par ces pratiques, finit par s’en ouvrir à son mari, lequel la persuada d’aller tout raconter à la police.
L’affaire, révélée fin novembre 2016, est encore plus grave que ce qui avait été supposé à l’origine. L’instruction a montré que Peter S. avait sous-dosé 62 000 préparations, contenant 35 spécialités différentes et destinées à des patients de son secteur géographique, ou d’autres villes plus éloignées. Selon la justice, certaines préparations utilisant des molécules particulièrement onéreuses ne contenaient que 20 % de la dose prescrite… voire moins. Le préjudice total pour les caisses de maladie, incluant les traitements plus longs et à refaire, se monte à 56 millions d’euros, détournés « sans le moindre scrupule ni la moindre considération pour les victimes de ces crimes par avarice », comme l’a déclaré l’accusation lors de l’ouverture du procès. Le pharmacien, lui, menait grande vie grâce aux bénéfices de ses falsifications.
Si de très nombreux patients ont subi une aggravation de leur état, il reste difficile de déterminer exactement combien d’entre eux sont morts des suites de ces traitements falsifiés. Les enquêteurs ont pu saisir, chez une soixantaine de patients, des préparations sous-dosées qui constituent autant de preuves à charge. Lors de la première journée du procès, l’accusé n’a pas fait la moindre déclaration et semblait étranger aux débats, ajoutant encore au malaise des nombreux patients et patientes - atteintes en particulier de cancer du sein - venus suivre les débats. Peter S. risque dix ans de prison, mais certains patients souhaiteraient une requalification en « tentatives de meurtre », afin d’alourdir la peine. Son avocat a, par contre, rejeté massivement les accusations portées contre lui, en estimant le dossier truffé d’erreurs et d’approximations.
Renforcement du contrôle des officines
Sans chercher à le défendre, certains pharmaciens redoutent que le scandale rejaillisse sur l’ensemble des officinaux. Quelques responsables politiques suggèrent déjà d’interdire ces préparations aux officines, et de les réserver uniquement aux hôpitaux.
Sans aller jusque-là, le ministère régional de la Santé de Rhénanie du Nord-Westphalie, compétent en matière d’inspections et de sécurité sanitaire, a annoncé un renforcement des contrôles et de la surveillance des officines effectuant des préparations cytotoxiques. Les pharmaciens concernés, qui effectuent leurs missions en toute clarté et honnêteté, s’attendent à un alourdissement de leurs tâches administratives et à des frais supplémentaires, alors qu’ils ne sont aucunement responsables des agissements de Peter S. En outre, ces pharmaciens rappellent que l’inspection régionale aurait pu découvrir le pot aux roses bien plus tôt si elle avait mené des contrôles plus précocement, comme elle aurait pu le faire. En attendant, la pharmacie de Bottrop est toujours ouverte, et désormais dirigée par la mère de l’accusé, elle aussi pharmacienne. Elle n’a toutefois plus le droit de réaliser des préparations de cytotoxiques…
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