Le Quotidien du pharmacien. – Vous soulignez une financiarisation de plus en plus forte du secteur officinal. D’où vient cette progression ?
Corinne Imbert. – La diminution du nombre d’officines dans notre pays a pour conséquence une hausse de leur prix de cession. Cette situation rend la reprise ou l'installation très difficile sans un apport financier substantiel, ce qui est compliqué en plein marasme économique. Les banques ne prêtent plus aussi facilement qu’avant et maintenant, un jeune pharmacien va s’adresser à un avocat ou un conseiller juridique avant de s’installer. Résultat, la financiarisation proposée par des acteurs non professionnels de santé semble s’imposer et la dépendance envers les investisseurs se renforce. Pour beaucoup de pharmaciens, c’est une opportunité, mais elle est rarement sans conditions. Car l’investisseur souhaite avant tout gagner de l’argent ! La financiarisation n’est pas intrinsèquement mauvaise, mais elle est néfaste dès lors que la recherche de rentabilité prend le pas sur les objectifs de santé. Elle ne doit pas se faire aux dépens de l’indépendance du pharmacien.
Vous avez évoqué plusieurs cas de pharmaciens qui se retrouvaient employés de leur propre officine, sous la domination de financiers qui imposent laboratoires, produits et experts-comptables. Ces exemples sont-ils nombreux ?
Heureusement ils sont encore rares, mais c’est pour cela qu’il faut avertir les pharmaciens en amont. Il faut, dès maintenant, limiter les opérations séduction de la part des financeurs. Beaucoup viennent au sein des facultés comme en terrain conquis pour s’adresser aux étudiants qui souhaitent s’installer, afin de leur proposer des apports qui finissent par leur retirer toute initiative dans la gestion de leur officine.
Quelles solutions proposez-vous pour prévenir ce phénomène ?
Pour revenir aux facultés, il est nécessaire de mieux former les étudiants à la gestion d’entreprise, car le manque d’accompagnement sur ce sujet les rend vulnérables à l’influence des financeurs. Mais le meilleur moyen de sauvegarder l’indépendance des pharmaciens, c’est qu’ils soient financés par la profession. La Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) par exemple, propose des aides financières à celles et ceux souhaitant s’installer. Comment augmenter ces possibilités de financement ? C’est une question que pourraient se poser les syndicats, que nous savons très impliqués. Les groupements pourraient aussi jouer ce rôle, plusieurs d’entre eux mettant déjà à disposition des boosters d’apport.
Un autre élément important est celui de la législation. Nous proposons la création de cellules de direction régionales pour soutenir les Ordres professionnels et les ARS dans le contrôle des contrats, souvent complexes et trompeurs. Pour y parvenir, leur accompagnement des experts financiers, aiguisés et avertis, sera indispensable. Certes, le monde de la Santé a besoin de capitaux et d’investissements, mais ces derniers doivent être cadrés et régulés.
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