Pollution environnementale

Haro sur les composés perfluorés ou PFAS dans les produits de santé

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Publié le 18/04/2024
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Ils sont présents dans les médicaments, les cosmétiques et les dispositifs médicaux. Les composés perfluorés ou PFAS, aussi appelées polluants éternels, sont dans le collimateur des politiques et des autorités, qui veulent interdire leur utilisation.

Les PFAS sont notamment utilisés comme gaz propulseurs dans les inhalateurs-doseurs médicaux

Les PFAS sont notamment utilisés comme gaz propulseurs dans les inhalateurs-doseurs médicaux
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) appartiennent à une famille de plusieurs milliers de molécules développées par l’industrie pour accroître la résistance des produits aux processus de dégradation. Dans un rapport remis au gouvernement en janvier, le député Cyrille Isaac-Sibille (Rhône, MoDem et Indépendants) dresse la liste de leurs usages par secteur. Et les PFAS sont presque partout : emballages alimentaires, batteries, peintures, pesticides, poêles anti-adhésives…

Dans la santé, les PFAS sont notamment utilisés comme gaz propulseurs dans les inhalateurs-doseurs médicaux et se retrouvent, par exemple, dans la production des dispositifs médicaux implantables, dans les produits de traitement des plaies (bandages, bandes, agrafes chirurgicales), dans les tubes, les cathéters, les revêtements (les stents métalliques, les protections d’aiguilles…), les emballages de dispositifs médicaux (ampoules, récipients unidoses et multidoses, flacons…), etc.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour l’Homme » et le PFOS comme « peut-être cancérogène » pour l’Homme

Bien que les représentants du secteur des cosmétiques « réfutent la présence de PFAS dans leurs produits », le député rapporte que ces composés sont utilisés dans les soins de la peau (soins anti-âge, masques et gommages, crèmes hydratantes…), les produits de toilettes (nettoyants visage), les soins capillaires, les parfums et le maquillage.

Les médicaments sont également concernés, notamment pour leurs conditionnements (joints, bouchons, blisters…). Les principes actifs eux-mêmes peuvent contenir des PFAS : « Selon une étude menée par le LEEM (Les Entreprises du médicament, N.D.L.R.), sur les 200 médicaments à petites molécules les plus vendus en 2018, 25 contenaient des PFAS, écrit Cyrille Isaac-Sibille dans son rapport. À titre d’exemple, il y a la fluoxétine pour le Prozac, la sitagliptine pour contrôler la glycémie chez les patients diabétiques ou encore le teriflunomide pour aider à traiter la sclérose multipolaire. »

Imprégnation et risques pour la santé

Choisis pour leur caractère résistant (présence de liaisons carbone-fluor solides), les PFAS sont également persistants dans l’environnement. « L’utilisation large et variée de ces composés chimiques, combinée à leur caractère très persistant, entraîne une pollution de tous les milieux : l’eau, l’air, les sols ou encore les sédiments. Certains s’accumulent dans les organismes vivants, plantes et animaux, et se retrouvent dans la chaîne alimentaire. D’autres, plus mobiles, sont transportés sur de très longues distances par l’eau ou l’air et peuvent se retrouver jusque dans les océans, y compris sur de longues distances », résume l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

Sur les 200 médicaments à petites molécules les plus vendus en 2018, 25 contenaient des PFAS

Cyrille Isaac-Sibille

En 2019, Santé publique France a évalué l’imprégnation de 17 composés perfluorés au sein de la population française dans l’étude Esteban. Résultat : le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (sulfonate de perfluorooctane), contributeurs les plus importants des niveaux d'imprégnation, étaient détectés chez tous les enfants et tous les adultes de l’échantillon (près de 1 000 personnes). Les demi-vies de nombreux PFAS sont de plusieurs années chez l’être humain, estime l’Inserm.

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Les PFAS se retrouvent dans les tubes, les cathéters, les revêtements (les stents métalliques, les protections d’aiguilles…).

Pour quelles conséquences ? Bien que les PFAS soient utilisés depuis des décennies, les connaissances quant aux risques pour la santé sont aujourd’hui limitées. Pour l’Inserm, « des études suggèrent que l’exposition aux PFAS pourrait être associée à un risque accru de cancer du rein, des perturbations de la réponse immunitaire et une hausse du taux de cholestérol. D’autres effets comme l’infertilité, des retards de croissance ou encore le diabète, sont évoqués mais doivent être confirmés. » En décembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour l’Homme » et le PFOS comme « peut-être cancérogène pour l’Homme ».

Vers l’interdiction

Actuellement, trois PFAS font l’objet de restrictions, voire d’interdictions : le PFOS, dont la production et l’utilisation sont interdites dans l’ensemble des pays de l’Union européenne et restreintes au niveau mondial ; le PFOA et le PFHxS (acide perfluorohexane sulfonique), dont la production, l’utilisation, l’importation et l’exportation sont interdites, tant à l’échelle internationale qu’à l’échelle européenne.

Des études suggèrent que l’exposition aux PFAS pourrait être associée à un risque accru de cancer du rein

La France veut aller encore plus loin. Sur les recommandations du député Cyrille Isaac-Sibille, le gouvernement vient de se doter d’un plan d’actions interministériel comportant plusieurs mesures, dont l’amélioration des connaissances sur les PFAS et leur surveillance, la participation au projet de réglementation européen, ou encore un renforcement de la recherche en matière de substitution.

En parallèle, l’Assemblée nationale a voté, le 4 avril, une proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées, portée par le député Nicolas Thierry (Gironde ; Groupe Écologiste-NUPES). Elle prévoit notamment de réduire l’exposition de la population aux PFAS en interdisant ces molécules d’ici 2026 dans les cosmétiques, fart et textiles (excepté les vêtements conçus pour la protection des personnes), et en 2030 pour les autres textiles. Elle prévoit aussi un contrôle obligatoire de la présence des PFAS dans l’eau potable par les autorités sanitaires et une redevance « pollueur-payeur » fixée à 100 euros pour 100 g de PFAS rejetés par an dans l’eau. La proposition de loi est entre les mains du Sénat.


Source : Le Quotidien du Pharmacien