L’Ordre des pharmaciens a été auditionné à l’Assemblée nationale par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Place du pharmacien, clause de conscience et produit létal étaient au centre des discussions.
Depuis lundi 22 avril, la commission spéciale de l’Assemblée nationale mène ses auditions en vue de l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, présenté par le gouvernement le 10 avril, afin d’apporter des précisions sur le texte. Ce mardi, c’était au tour des Ordres professionnels. Dans ce projet de loi, la pharmacie d’officine – désignée par le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne - peut dispenser le produit létal, préparé dans une pharmacie à usage intérieur (PUI), à ce professionnel de santé. Le médecin ou l’infirmier qui accompagne la personne assure le retour du produit létal non utilisé ou partiellement utilisé à l’officine.
Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), est « assez confiante » sur la place du pharmacien dans ce parcours. « Le rôle du pharmacien est déjà un rôle d’orientation et d’accompagnement, et son rôle social n’est plus à démontrer. Dans le cadre de ce projet de loi, il aura encore davantage ce rôle d’information, d’orientation, d’explication, d’accompagnement, qui va devenir essentiel. » L’Ordre estime cependant que l’accompagnement en fin de vie peut être amélioré, « peut-être même par la formation avec, pour les pharmaciens, une meilleure connaissance de l’aspect gériatrique, comment mieux accompagner sur le plan nutritionnel, sur le plan de l’exercice, sur le plan des traitements. Il y aurait, dans nos obligations de formation continue, un intérêt à renforcer ce volet. »
Les interrogations se posent surtout le produit létal. Quel sera son statut ? « Est-ce qu’on parle de médicament ? Est-ce qu’on parle de préparation spéciale ? De préparation hospitalière ? », demande l’Ordre. C’est à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de clarifier ce point. L’Ordre s’interroge aussi sur le retour du produit létal et son élimination. « On n’est pas très sûr que le circuit des médicaments non utilisés et le circuit Cyclamed soient adaptés, en l’état actuel des textes », fait part Carine Wolf-Thal, qui soulève aussi des questions autour du transport, des modalités d’information, même si « le projet de loi est bien ficelé ».
La question de la clause de conscience a été mise sur la table. Dans le projet de loi déposé par le gouvernement, les pharmaciens ne peuvent pas en bénéficier. C’est aussi l’avis de l’Ordre. « Le pharmacien se doit de respecter la volonté exprimée par le patient et ne peut être un frein ou un obstacle à la volonté du patient et à la bonne exécution de la loi, rappelle la présidente du CNOP. Chaque pharmacien peut avoir une opinion personnelle, une conscience sur cette question, fondée sur des motifs d’ordre philosophique, moral, religieux ou autre (…). Mais en entrant dans la profession, le pharmacien accepte et intègre la dimension collective de sa fonction et en assume les responsabilités et les conséquences. La dimension collective prime pour l’Ordre. » Et d’expliquer : « Le pharmacien agira sur prescription médicale et ne participera pas à la décision d’engager le processus de l’aide à mourir ni à l’administration du produit létal. D’ailleurs, le Conseil d’État a estimé que les missions de réalisation de la préparation létale et sa délivrance, qui interviennent après la décision et avant la mise en œuvre, ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens et des personnes qui travaillent auprès d’eux. »
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