La stratégie de transformation du système de santé est tout juste lancée. Pour Stéphanie Decoopman, adjointe à la directrice générale de l’offre de soins (DGOS), la réforme initiée par le gouvernement fait figure de révolution. « Toutes les annonces qui ont été faites sont innovantes parce que la réforme attaque l’ensemble des piliers du système, que ce soit au niveau des études, de l’organisation des professionnels de santé en ville et à l’hôpital, la vision de la qualité des soins, l’innovation et son financement… » Dix chantiers confiés à la DGOS, en copilotage avec la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et la Direction de la Sécurité sociale (DSS), quand ce n’est pas le ministère de la Santé qui prend la main. « Trois chantiers concernent l’organisation territoriale et posent la question de savoir comment on décloisonne un parcours. Les innovations d’organisation, technologique et de circulation de l’information sont autant de leviers nécessaires à cette évolution », indique Stéphanie Decoopman. À ceux-là s’ajoutent trois chantiers axés sur la pertinence des actes et la qualité des soins, trois autres sur la réforme des études de santé et un dernier sur le numérique. Vaste sujet aux « enjeux de structurations exceptionnels ».
L’adjointe à la DGOS rappelle en effet les récentes annonces sur le déploiement de l’espace numérique en santé pour le patient, « dont la première brique est le dossier médical partagé (DMP) » et sur un programme d’accompagnement numérique que la DGOS met en place pour que les professionnels de santé bénéficient « de la messagerie partagée, de l’agenda partagé » et puissent échanger « des données sécurisées, de la compétence ». Attention, prévient-elle, l’outil numérique ne réglera pas tout : « Il y a nécessité de se connaître et de pouvoir partager au sein des communautés territoriales par exemple des projets partagés, de faire se croiser les gouvernances de ces deux mondes, ville et hôpital, et c’est en cela que la réforme est innovante. »
Stratégie de coopération
Une réforme qui fait écho à la transformation du métier de pharmacien, avant tout professionnel de santé plutôt que commerçant, comme l'explique Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine. « Nous avons clairement choisi le camp patient et nous avons été jusqu’au bout en changeant notre mode de rémunération pour réduire la marge commerciale et transférer sur l’acte de dispensation, l’accompagnement du patient, en particulier du patient âgé ou fragile comme on le voit avec entretiens pharmaceutiques sur l’asthme, les anticoagulants (AVK et AOD), désormais avec les bilans de médication partagés, et prochainement avec un accompagnement des patients sous chimiothérapie orale. Nous sommes dans une stratégie de coopération avec le médecin traitant et tous les autres professionnels de santé. Le pharmacien est complémentaire, ce n’est pas un concurrent. » Et de rappeler que le pharmacien se déplace à domicile, qu’il peut proposer la préparation des doses à administrer à un patient inobservant, participer à des opérations de dépistage et de prévention, que l’expérimentation de la vaccination antigrippale à l’officine « est un succès » et la généralisation prévue dans un an.
À ses yeux la complémentarité du pharmacien et la coordination devraient permettre d’aboutir à l’organisation d’un parcours de soins reposant sur le médicament conseil, voire certains médicaments de prescription médicale obligatoire. « À quoi ça sert d’aller voir le médecin pour un rhume, d’aller aux urgences pour une gastro ? Est-ce rationnel ? Nous pourrions soulager les urgences, éviter une consultation non programmée qui perturbe le cabinet médical. Dans un tel parcours de soins encadré, le pharmacien pourrait inscrire son action dans le DMP, ce qui permettrait à tous - et donc au médecin - de savoir qu’il y a eu un épisode de toux, de gastro, etc. »
Quant au choix de stratégie territoriale par le gouvernement, il rappelle : « Le pharmacien est présent partout sur le territoire, il bénéficie de la confiance du patient, il a une amplitude horaire importante et est intégré à un système de gardes : dans les CPTS*, dans les équipes de soins primaires, le pharmacien a toute sa place. » Se félicitant d’avoir obtenu l’accès aux informations contenues dans le DMP « après 15 ans de combat », Gilles Bonnefond affirme qu’il ne faut pas l’opposer au dossier pharmaceutique (DP) et que les rendre interopérables « a été astucieux ». En effet, le DMP sera alimenté par les bases de l’assurance-maladie, tandis que le DP peut aussi intégrer les médicaments non prescrits, « les deux outils sont complémentaires ». Il conclut : « Les pharmaciens se sont organisés pour relever tous ces nouveaux défis. »
* Communautés professionnelles territoriales de santé.
D’après une table ronde organisée par le G5 à l’occasion de ses 7es Rencontres, le 23 octobre dernier.
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