SE CÔTOYER pour apprendre à se connaître. Une évidence pour tout un chacun. Une bizarrerie dans le monde de la santé. En particulier pour les professionnels du premier recours. Car, si depuis l’entrée en vigueur de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), en 2010, médecins généralistes, pharmaciens d’officine et infirmières libérales sont tous reconnus comme les acteurs principaux du corps sanitaire censés prendre immédiatement en charge le patient, ils n’en continuent pas moins à « se croiser sans véritablement manifester d’intérêt particulier les uns pour les autres », explique cette pharmacienne quimpéroise (Finistère). Du moins pour les autres professions que la leur...
Méconnaissance et méfiance.
D’où une profonde méconnaissance du quotidien de chacun de ces professionnels de santé par leurs « collègues qui n’ont aucune idée des journées types de leurs confrères », ajoute cette pharmacienne guingampaise (Côtes-d’Armor). Rien de surprenant, dès lors, qu’ils ne puissent même pas imaginer la nature des contraintes subies par chacune des autres professions de santé. Et cette pharmacienne perrosienne (Côtes-d’Armor) de rappeler que « la mise en place du principe du tiers payant contre générique a cristallisé, à l’encontre des pharmaciens, toutes les critiques des patients et des médecins alors même que cette mesure a été décidée par l’assurance-maladie et que les officinaux n’ont d’autres alternatives que de l’appliquer ».
Une méconnaissance qui se double d’ailleurs d’une certaine méfiance dès lors que de nouvelles prérogatives pourraient être confiées à certains. Et, en particulier, vis-à-vis des nouvelles missions que les officinaux entendent bien assumer dans le cadre de la convention signée par leurs représentants avec l’assurance-maladie. « Il n’est pourtant pas question d’empiéter sur le périmètre médical », affirme sans détour cette officinale carpentrassienne (Vaucluse) en réponse à un généraliste installé dans le même département et convaincu que le diagnostic serait désormais réalisé par les « hommes du médicament ».
Une méconnaissance à l’origine d’une méfiance similaire manifestée à l’encontre des médicaments génériques. Ces copies sont ainsi suspectées d’être « tantôt fabriquées à partir de principes actifs de moindre qualité, tantôt d’être sous-dosées par rapport aux produits princeps », s’amuse, un rien désabusée, cette pharmacienne montluçonnaise (Allier). Des réactions néanmoins jugées logiques par sa consœur castelroussine (Indre) qui déplore « l’absence de véritable formation pharmacologique des praticiens ».
Désamorcer des crises latentes.
Forts de ce constat, pharmaciens et médecins s’accordent à reconnaître d’une voix quasi unanime que « des formations communes permettraient de désamorcer bien des crises latentes ». Des formations qui « pourraient être organisées autour d’un domaine thérapeutique et porteraient à la fois sur le diagnostic et sur les traitements proposés, avec une partie pharmacologique et un focus systématique sur les produits génériques », proposent de concert officinaux et médecin ruthénois (Aveyron). Une occasion idéale pour « combattre les idées reçues et autres a priori sans fondement », confirme ce praticien roannais (Loire).
Des formations qui, selon ce généraliste montilien (Drôme), devraient « être organisées dans le cadre du développement professionnel continu (DPC) ». Elles contribueraient ainsi à promouvoir la complémentarité entre les disciplines médicales et avec les professionnels de santé. Un objectif affiché par le Collège des hautes études en médecine (CHEM) et qui constituerait un premier pas vers une véritable interprofessionnalité.
À charge pour les candidats de surmonter les éventuelles difficultés de financement puisque « la formation continue des professionnels de santé reste encore enfermée dans une logique catégorielle », déplorent en cœur pharmaciens et médecins albenassiens (Ardèche). Une parfaite illustration du fossé qui sépare encore la théorie de la réalité. D’où la proposition d’un certain nombre de professionnels de santé de rendre obligatoires ces formations et de les organiser sous l’égide de l’assurance-maladie ou bien des agences régionales de santé (ARS).
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