S’IL NE CONCERNE PAS la pharmacie, mais la médecine vétérinaire, les sages-femmes, la kinésithérapie, l’orthophonie, la podologie, l’audiologie, l’ergothérapie et l’accompagnement psychoéducatif, l’arrêt prononcé le 13 avril par le CJE démontre, une fois de plus, la place particulière de la santé dans la législation européenne. Concrètement, il concerne la légalité d’une décision prise par la communauté française de Belgique, c’est-à-dire la Wallonie et la communauté francophone de Bruxelles, visant à limiter le nombre d’étudiants français dans leurs universités. En raison des numerus clausus existant en France, un grand nombre d’étudiants français ont en effet choisi ces dernières années d’aller faire leurs études dans les universités francophones belges, où les inscriptions sont libres… et où la barrière linguistique n’existe pas. Mais ces universités, « submergées » d’étudiants européens non belges, ont décidé en 2006 d’y limiter à 30 % au maximum le nombre d’étudiants non belges ou non résidents permanents en Belgique, en sélectionnant ces derniers par tirage au sort.
Suite à cette décision, un certain nombre d’étudiants français ont déposé un recours devant la cour constitutionnelle belge, au motif que la décision de la communauté française créait une inégalité de traitement entre étudiants européens, belges et non belges. Afin de se prononcer, la cour belge a interrogé la CJE qui, tout en estimant que la décision de la communauté française introduisait effectivement cette inégalité de traitement, a justifié cette dernière par des arguments de santé. Selon la CJE, en effet, l’afflux d’étudiants non belges dans les facultés belges peut en désorganiser le fonctionnement, et donc menacer la qualité de l’enseignement et, ultérieurement, des soins qui seront prodigués à la population. Mais surtout, il est clair que la grande majorité des étudiants non belges quittera la Belgique une fois leur diplôme en poche : les habitants de la communauté française risqueraient donc, à terme, de manquer de professionnels pour couvrir leurs propres besoins. En conséquence, la CJE a laissé à la Belgique, comme à tout État membre, le soin de fixer elle-même les règle d’accès aux formations des professions de santé, en raison justement de la primauté des impératifs de santé sur les autres règles européennes.
Confirmation d’une jurisprudence.
Si cet arrêt ne concerne pas directement les pharmaciens, il les intéresse toutefois à plus d’un titre : au-delà de la confirmation d’une jurisprudence sur la légitimité des quotas professionnels et des restrictions à l’installation de certains professionnels (dentistes et pharmaciens notamment), il pourrait un jour dissuader les étudiants en pharmacie « recalés » en France d’aller massivement faire des études dans un autre pays européen. Par ailleurs, on sait que d’autres pays européens sont dans la même situation que la Belgique francophone, en particulier l’Autriche, qui se plaint, elle aussi, d’être « submergée » d’étudiants en médecine allemands, et qui a limité, en 2007, leur nombre à 20 % des inscrits, au grand dam de ces derniers. L’arrêt qui vient d’être rendu légitime donc, là aussi, la décision autrichienne. Toutefois, la CJE rappelle que la liberté de circulation et celle d’étudier étant aussi un droit fondamental, les États devraient trouver des mesures moins coercitives que les quotas d’étudiants, en incitant par exemple les étudiants étrangers inscrits sur leur sol à y faire ensuite carrière.
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