« RENTRER dans l’interprofessionnalité est une question de survie, a déclaré Jérôme Paresys-Barbier, président de la section D (adjoints) de l’Ordre des pharmaciens, devant les étudiants en pharmacie, réunis en congrès à l’Université de Bordeaux. Cela exige de savoir tendre la main, mais votre génération ne peut plus penser autrement. »
Le 51e congrès de l’association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) a consacré une journée aux relations parfois tendues, entre professionnels de santé, sous le titre « l’interprofessionnalité pourra-t-elle aller au bout de ses ambitions ? »
Lors d’une table ronde, Luc Durand, coordinateur des soins au CHU de Bordeaux, a dressé un tableau des mesures qui ont fait reculer le corporatisme en milieu hospitalier : pôles d’activités, certification, groupes sur les vigilances, prise en charge en ambulatoire encourageant la coordination des soins ville-hôpital… « Un projet est en cours à Bordeaux, pour créer un annuaire qui permettra aux médecins de ville de contacter directement sur leur portable, les praticiens hospitaliers, a-t-il précisé, tout en reconnaissant que le bilan demeure mitigé. On continue de constater la prégnance des médecins dans la gouvernance des CHU »
« Asphyxier les ARS sous les dossiers de soins coordonnés. »
Martial Olivier-Koehret, médecin généraliste, ex-MG France, créateur de l’association de soins coordonnés, a rappelé les obstacles franchis sur le chemin de l’interprofessionnalité : « Nous venons d’un temps où les professionnels de santé n’avaient pas le droit de se parler ; nous avons fait bouger le cadre juridique. Le second blocage était culturel, chacun de nous vivant dans des représentations, avec des médecins qui savent tout, n’ont besoin de personne et ne connaissent pas l’autre ; cela évolue. Le troisième obstacle, c’est l’État et les institutions qui pensent pour nous et imaginent des règles pour nous enquiquiner. Le quatrième est la formalisation souvent difficile de nos exercices de soins coordonnés. Mais tous ces obstacles peuvent être franchis, c’est votre engagement qui fera la différence ! »
« Il faut asphyxier les ARS sous les dossiers de soins coordonnés, a renchéri Jérôme Paresys-Barbier. Cela montrera notre volonté. La santé, c’est comme la construction, on ne peut bâtir correctement une maison si le maçon et l’électricien ne se parlent pas ? »
Une officine n’est pas un bazar.
Lors de cette table-ronde, médecin et pharmacien n’ont pas hésité à balayer devant leur porte. Pour Jérôme Paresys-Barbier, afin d’assurer ses nouvelles missions, « le pharmacien doit faire en sorte que son officine ne ressemble pas à un bazar, créer un espace d’accueil et de confidentialité, une salle pour recevoir les patients et discuter de leur traitement… » Il a aussi plaidé pour un vrai dialogue : « face à une ordonnance présentant une contre-indication, trop de pharmaciens refusent encore d’appeler le médecin. »
De son côté, Martial Olivier-Koehret s’est interrogé : « est-ce que les ordonnances des généralistes sont toujours complètement d’équerre ? Non. 9 fois sur 10, on peut faire mieux. » Il s’est aussi déclaré favorable au renouvellement des ordonnances par le pharmacien.
Stages croisés.
Pour renforcer les liens médecins-pharmaciens, l’organisation de stages croisés pour les étudiants a été évoquée. Objectif : faire découvrir l’officine aux futurs médecins et un cabinet de généraliste aux futurs pharmaciens.
Mais ensuite, comment et où travailler ensemble ? « En maisons de santé, en SISA* avec des murs ou sans murs, a indiqué Martial Olivier-Koehret. Il faut s’adapter, les outils bougent, le numérique offre des solutions, l’important c’est notre matière grise ! Créez vos propres modèles, ne laisser personne vous en imposer ! Vous avez l’avenir entre vos mains. »
« Vous avez tout : la loi, les décrets, l’envie, des compétences supérieures à celles des générations précédentes, alors allez-y, faites-le ! » a conclu Jérôme Paresys-Barbier, exhortant les étudiants en pharmacie à entrer sans arrière-pensée dans l’ère de l’interprofessionnalité.
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