- Alors ici, tu as les tiroirs de médicaments. Ils sont classés par ordre alphabétique, avec les génériques. Mais pour certains médicaments, on range le générique avec le princeps. Ne me demande pas pourquoi, c'est comme ça. Ou alors, il faudrait tout sortir pour tout ranger correctement, mais on n'a pas le temps !
C'est Nicole qui est chargée de faire visiter la pharmacie à Julien, pour sa première matinée de stage. Nicole n'est pas très souriante ; elle parle sèchement, vite, sans se soucier a priori de son interlocuteur. Bref, ce n'est pas une personne sympathique au premier abord. Cheveux courts, blouse impeccable, lunettes relevées plus souvent sur la tête que posées sur le nez, Nicole est la doyenne de l'équipe et elle sait le faire remarquer. D'ailleurs, si l'usage du prénom est courant au sein de l'équipe, Julien a remarqué que Nicole est la seule employée que les titulaires appellent Madame.
- Ça, c'est pas possible ! Lou, un périmé !
Nicole vient de tomber sur la seule boîte de médicament périmée du tiroir, et la tend triomphalement à la jeune apprentie.
(Nicole) - Je croyais que tu avais fait les périmés ?
(Lou) - Oui mais je n'ai pas terminé. J'étais en cours la semaine dernière.
Lou est jeune, joviale, et donne volontiers envie de discuter avec elle. Face à Nicole, elle ne se démonte pas.
(Lou) - Merci quand même Madame Bertin, j'aurai ça de moins à vérifier.
Nicole s'apprête à répondre lorsque Jean-Christophe arrive.
- Madame Bertin a encore trouvé un périmé ! Vous êtes un vrai détecteur. Ça va le p'tit ? Tu viendras me voir après la visite, pour signer des papiers.
Il file dans son bureau, en chantonnant.
Encore des travaux !
Karine est assise à son bureau, une lettre à la main quand Jean-Christophe entre. Karine et Jean-Christophe, JC pour les copains, sont amis de longue date. Ils ont travaillé ensemble comme adjoints pendant deux ans. Quand la mère de JC a décidé de prendre sa retraite et de lui céder entièrement la pharmacie, il a recontacté Karine pour lui proposer une association.
(J-C) - Hello ma belle. Ça va toi ? La garde s'est bien passée ? Houla, qu'est-ce qu'il y a ? Quelqu’un est mort ?
- Non, mais on a reçu ce courrier ce matin.
Elle lui tend la lettre. Elle provient de la mairie, le service urbanisme plus précisément. JC la prend et la lit :
- Des travaux ! Encore ! La rue a déjà été refaite il y a 2 ans. Il se fout de nous le père Thomas !
- Le maire n'y est pour rien, du moins il n'est pas le seul responsable. De toute façon, c'est comme ça. Dans un mois, ça commence et nous n'aurons rien à dire. Donc on va prendre notre mal en patience…
- On sait combien de temps ça va durer ?
- Ils disent 3 mois, pour la rue entière.
- Ils pourraient au moins nous consulter. C'est vrai quoi ! Comment les clients vont accéder au parking ? Ah, il est beau le sauvetage du petit commerce. Et la rue du Leclerc, ils la refont pas, elle ?
Après sept ans d'association, Karine a l'habitude des coups de gueule de JC. Elle sait que ça retombe aussi vite que c'est monté. Ces travaux dans la rue peuvent en effet être pénalisants, mais c'est aussi l'occasion de demander à la municipalité d'aménager le trottoir pour les personnes handicapées, et de demander une place de stationnement rapide supplémentaire juste devant l'officine. Elle connaît bien une adjointe à la mairie, elle lui en parlera.
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