ON NE DEVIENT PAS pharmacien par hasard. S’il fut une époque où le métier semblait naturellement se transmettre des parents aux enfants, celle-ci est révolue. L’enquête, menée pendant trois mois auprès de l’ensemble des étudiants en pharmacie de 6e année (4 500) et des pharmaciens de moins de 35 ans inscrits à l’Ordre (14 000), livre en effet des données inédites. Aujourd’hui, seulement 22 % des étudiants interrogés et 26 % des pharmaciens en poste de moins de 35 ans indiquent avoir un pharmacien dans leur famille. Le choix ne se fait donc pas par défaut, il est réfléchi et repose principalement sur un réel intérêt pour la profession (94 %), sur le fait de devenir un professionnel de santé ayant une mission de service public (89 %), sur la qualité de vie offerte par le métier (81 %) et sur l’intérêt des relations avec le public (78 %). Au final, les répondants sont très peu à considérer qu’ils sont là par hasard (19 %) ou pour une raison familiale (14 %) . Résultat ? Les étudiants en 6e année sont satisfaits (89 %) de la branche professionnelle choisie et les jeunes pharmaciens tout autant (88 %). Ils sont d’ailleurs 95 % à vouloir rester dans la profession à court terme. Plus fort encore, ils sont 88 % à se dire fiers d’être pharmaciens, en particulier dans la filière industrie (95 %) et officine (91 %). Autre enseignement de cette étude : 90 % des officinaux qui s’installent le font avant leurs 35 ans.
En revanche, étudiants et internes pointent du doigt des efforts d’information à mener au moment du choix de la filière car ils ne sont que 58 % à estimer avoir été suffisamment renseignés concernant le rôle et les missions du pharmacien, encore moins (41 %) s’agissant des débouchés possibles et seulement 35 % pour ce qui est des nouvelles missions du pharmacien. De même, 60 % d’entre eux jugent ne pas avoir reçu la formation nécessaire pour exercer leur métier, un regret particulièrement exprimé dans la filière officine (70 %).
Feuille de route.
L’enquête, menée par Celtipharm de fin octobre à fin janvier dernier, a donné lieu à des réunions dans les villes regroupant le plus grand nombre de pharmaciens de moins de 35 ans (Angers, Bordeaux, Lille, Lyon, Montpellier et Paris), puis à des débats thématiques qui ont fait émerger les recommandations des jeunes. En juillet et août dernier, ces recommandations ont été soumises à un vote électronique, puis restituées lors de la convention de synthèse de l’Opération Jeunes, la semaine dernière à Paris.
Ce sont ainsi 20 recommandations qui serviront de feuille de route du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), comme l’a rappelé sa présidente, Isabelle Adenot. Ces recommandations couvrent les domaines de la formation et de l’attractivité des métiers de pharmacien, l’exercice professionnel, le contexte et l’environnement de l’exercice.
Celles qui ont remporté le plus grand nombre de suffrages sont la demande de mise en œuvre d’une « orientation active » des lycéens et étudiants avant la PACES, l’accompagnement des jeunes diplômés à l’entrée dans l’exercice professionnel, l’adaptation de l’offre de formation aux besoins prioritaires du métier, la promotion de l’implication des pharmaciens hospitaliers dans l’équipe de soins et le renforcement de l’information sur la diversité des modes d’exercice et d’exploitation. Mais toutes ces recommandations ont leur importance, qu’il s’agisse d’« introduire de nouveaux modules dans les enseignements » (assurance qualité et gestion des risques, sciences humaines, management, gestion et affaires réglementaires) ou d’un accompagnement dans l’exercice interprofessionnel, ou encore de « rendre le DPC accessible à tous les pharmaciens ».
Ambassadeurs du changement.
La recommandation 17, « faciliter l’accès à la propriété », a retenu toute l’attention d’Isabelle Adenot, qui a annoncé qu’elle avait « 99 % de chances d’aboutir », car « le capital doit être ouvert aux jeunes pharmaciens qui travaillent dans l’établissement ». La présidente de l’Ordre l’a répété avec force : « Ne laissons pas nos jeunes au bord de la route et donnons-leur des perspectives d’avenir » car ils sont « l’avenir de la pharmacie française, les ambassadeurs du changement ».
Parmi les pistes évoquées pour la pharmacie de demain, Isabelle Adenot conseille à ses confrères, et en particulier aux jeunes, de s’intéresser aux appareils connectés, un marché qui s’ouvre et qui demandera un suivi par un professionnel de santé compétent. Une piste pour aider les officinaux à s’en sortir alors que « l’équilibre financier est menacé » et que « la viabilité de l’ensemble du système n’est pas assurée ».
La présidente conclut : « Si on ne devient pas pharmacien par goût de l’argent, chacun doit avoir une rémunération digne de son implication et de ses efforts ; au nom de l’instance ordinale, je ne laisserai pas mettre en danger les équilibres fondamentaux de la profession. »
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