Le ralentissement de la croissance se confirme. Avec une hausse moyenne de 1,7 point, le chiffre d’affaires enregistré par le réseau officinal en 2023 suit une évolution comparable à ce que la profession a connu dans les années 2017-2018. Cependant, modèrent les experts-comptables du réseau KPMG à l’origine de ces statistiques, « en retraitant les activités liées à la COVID la progression reste soutenue, avec une évolution de 6,8 % ». Le chiffre d’affaires moyen de la pharmacie française se situe désormais à 2,253 millions d’euros, un niveau corroboré par d’autres réseaux de cabinets d’experts-comptables.
Les centres commerciaux se relèvent
Cependant, la crainte manifestée par les syndicats tout au long de leurs négociations avec l’assurance-maladie se confirme dans les données détaillées par KPMG. Les disparités se creusent plus que jamais au sein du réseau. Car si la hausse médiane en termes d’évolution du chiffre d’affaires se situe à 2 %, 38,9 % du réseau, soit près de 4 officines sur 10, subissent un recul de leur activité. Parfois même assez significatif puisque pour 10 % du réseau, cette baisse du chiffre d’affaires atteint 8,5 %. À l’autre bout de l’échelle, les 10 % des officines les plus performantes enregistrent quant à elles une hausse de 11,2 % de leur activité. « Ce sont elles qui tirent vers le haut la croissance moyenne du réseau », remarque KPMG. Cette dispersion, pour ne pas dire polarisation, du réseau est d’autant plus inquiétante que les écarts se creusent d’année en année. « La pharmacie moyenne, dont le chiffre d’affaires est situé entre 1,1 million d’euros et 2,2 millions d’euros, affiche une progression plus importante que les pharmacies dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,1 million d’euros », poursuivent les experts-comptables. La taille n’est pas le seul critère. Le lieu d’implantation continue de déterminer les évolutions de l’activité. Les pharmacies des centres commerciaux, très affectées en 2020 par les conséquences des confinements pendant la crise sanitaire, se sont définitivement relevées. Elles rattrapent désormais leur retard en affichant une hausse de 3,2 points de leur chiffre d’affaires, soit le plus fort taux relevé entre les typologies. De même, la pharmacie rurale qui a bénéficié du facteur « proximité » pendant la pandémie continue d’avoir le vent en poupe et enregistre une progression de 2,9 %. À l’inverse, la pharmacie urbaine continue de subir une érosion et voit son activité s’effriter à -0,6 %.
65 000 euros de marge en moins
Plus que jamais, la croissance est portée par les produits de TVA à 2,1 %. Et phénomène désormais connu par les médicaments chers. Le segment enregistre une hausse de 8,2 %, contre 1,5 % pour les produits de TVA à 5,5 % et à 10 %. La croissance de ces rayons du selfcare (automédication, dispositifs médicaux, compléments alimentaires) continue de ralentir après avoir connu un bel essor pendant la crise sanitaire. Sans doute, en raison d’un retour à la normal de l’accès aux professionnels de santé, analyse KPMG. La progression de la parapharmacie (TVA 20 %), avoisine quant à elle les 6 %.
« On peut y voir un rattrapage de l’inflation. En effet, en 2022 les pharmaciens avaient tardé à répercuter la hausse de leurs prix d’achat sur le prix de vente », constatent les experts-comptables. Comme il fallait s’y attendre, les activités liées au Covid, tests et vaccins, s’estompent peu à peu des bilans. Elles ne constituent plus désormais qu’un chiffre d’affaires de 43 millions d’euros, contre 147 millions un an auparavant. Rien d’étonnant dans ce contexte que les effets conjugués de la disparition progressive des activités Covid et de l’accélération des ventes de médicaments chers conduisent à une érosion de la marge officinale. Les experts de KPMG notent ainsi dans l’échantillon des pharmacies analysées * une baisse de 8,7 % de la marge en valeur, soit 673 000 euros contre 738 000 en 2022. Et le taux de marge brut commerciale décroche à 29,9, du jamais vu au cours des huit dernières années ! « Ce sont plus de 73 % des officines de notre échantillon ont une évolution négative de leur marge en valeur », relèvent les analystes de KPMG qui notent 8 points d’écart entre les deux déciles inférieurs et supérieurs.
5% des trésoreries dans le rouge
Et une nouvelle fois des dispersions importantes dans le réseau. Si en zones rurales et urbaines, le taux de marge se situe dans la moyenne, celui des pharmacies de centres commerciaux continue de tenir le haut du pavé à 31,5 %. Mais pour combien de temps encore ? Car en un an, cette typologie d’officines a subi la plus forte érosion de sa marge : 4,5 points contre 2,6 pour les pharmacies rurales et 3,9 points pour les urbaines.
Des données qui rebattent sans aucun doute les cartes sur l’ensemble du réseau. Mais qui n’en demeurent pas moins inquiétantes, car signe d’une fragilisation accélérée de la stabilité économique de la branche officine. « Les structures financières restent néanmoins en moyenne solides mais une tranche de la population étudiée, estimée à environ 5 %, est en risque avec des trésoreries négatives », concluent les experts, pointant cette année, une dégradation des principaux ratios d’exploitation. Autant de raisons de conseiller aux titulaires de trouver rapidement de nouveaux relais de croissance s’ils veulent maintenir à la fois leur niveau de rémunération et la valeur capitalistique de leur officine.
* Echantillon de 811 pharmacies
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