En Allemagne, on parle de « propriétaire » pour désigner les titulaires, et de « pharmaciens employés » pour les autres. En outre, il existe une catégorie intermédiaire, celle des « directeurs de filiales » : il s’agit de pharmaciens employés qui dirigent une officine appartenant à une pharmacie principale. Depuis 2004 en effet, chaque pharmacie a le droit de détenir un maximum de trois filiales. Ce sont souvent des officines rachetées après le départ de leur propriétaire, mais elles peuvent aussi avoir été créées de toutes pièces par la pharmacie principale. En 2020, on comptait en Allemagne 53 000 pharmaciens d’officine, dont 15 000 titulaires et 38 000 adjoints, avec parmi eux 4 600 directeurs de filiales. Trois pharmaciens employés sur quatre sont des femmes.
Pour exercer en officine, les adjoints doivent être inscrits auprès de l’Ordre régional du Land (la région) dans lequel se trouve la pharmacie, et satisfaire à quelques exigences d’ordre judiciaire et sanitaire. Ils sont salariés selon une grille unique, négociée entre le syndicat des titulaires et le syndicat des métiers de la pharmacie, l’ADEXA. Ce dernier regroupe sous un même toit, à Hambourg, toutes les professions salariées de la pharmacie, tels que pharmaciens, techniciens, préparateurs, etc., à l’exception donc des titulaires. Actuellement, un adjoint gagne, pour 40 heures par semaine, 3 362 euros brut par mois la première année, puis 3 469 euros entre les 2e et 5e années, les gardes en sus. Les salaires sont les mêmes partout, sauf en Rhénanie du Nord où ils sont légèrement inférieurs. Les adjoints étant de plus en plus difficiles à recruter, de nombreux titulaires leur proposent des rémunérations plus attractives que celles prévues par les accords salariaux, surtout pour les responsables de filiales.
Hésitations pour l'installation
En moyenne, les pharmaciens qui s’installent passent auparavant une quinzaine d’années en tant qu’employés, sachant que l’âge moyen d’installation est de 38,4 ans. Selon la « Banque des médecins et des pharmaciens », qui travaille essentiellement avec ces deux professions, les adjoints qui s’installent le font à 85 % en reprenant une officine existante, seulement 8 % d’entre eux créant une pharmacie totalement nouvelle. Les pharmaciens qui s’installent pour la première fois privilégient soit les petites officines bon marché, soit les grandes pharmacies, les pharmacies de taille moyenne ayant plus de mal à trouver des repreneurs.
Selon leur association, l’ABDA, 30 % des titulaires estiment qu’ils n’auraient actuellement aucune réponse s’ils recherchaient un adjoint et 20 % craignent de ne pas trouver de successeur. Les jeunes pharmaciens sont très partagés quant aux installations : toujours selon l’ABDA, près de la moitié d’entre eux ne sait pas si elle s’installera ou pas, 30 % l’excluent et seulement 22 % sont certains de le faire un jour.
Dans le Land de Basse-Saxe (Nord Ouest) par exemple, qui comptait 1 839 officines début 2020, on a enregistré cette année-là 12 nouvelles créations, dont une seule par un pharmacien auparavant adjoint. Toujours l’an dernier, 70 officines y ont changé de main, la moitié étant rachetée par des titulaires et l’autre moitié par des adjoints. 30 des 35 pharmaciens ayant racheté une officine y exerçaient précédemment comme adjoints, montrent les données de l’Ordre régional.
Remplacements facilités pour les pharmaciens de l'UE
En raison du nombre limité d’adjoints, les titulaires allemands accueillent volontiers des adjoints étrangers, dont le nombre augmente fortement depuis quelques années. En 2019, près d’une nouvelle autorisation d’exercer sur 4 a été accordée à un pharmacien étranger. Les pharmaciens issus de l’Union européenne bénéficient d’une reconnaissance automatique de leur diplôme, dès lors qu’il sanctionne cinq années d’études, dont une année pratique en officine ou à l’hôpital. Les pharmaciens européens diplômés avant l’adoption des règles européennes peuvent être invités à passer un examen complémentaire, sauf s’ils ont exercé au moins trois ans au cours des cinq années précédant leur arrivée en Allemagne. Les pharmaciens diplômés hors de l’UE doivent, eux, valider un examen de compétences avant de pouvoir travailler. Il existe en outre, pour les pharmaciens européens, des procédures simplifiées qui leur permettent de faire des remplacements en Allemagne, par exemple pour des vacances, en apportant simplement la preuve qu’ils exercent régulièrement dans un autre État membre.
Toutefois, tous les pharmaciens étrangers doivent, avant de pouvoir exercer, réussir un examen linguistique dit de niveau C1, organisé par les 17 Ordres régionaux pour le compte de l’État. En 2020, 792 pharmaciens issus de 65 pays, dont 4 Français, en ont passé un. « Nous aidons les pharmaciens à se préparer à cet examen, qu’ils peuvent repasser plusieurs fois », souligne, à Hanovre, l’Ordre de Basse-Saxe, très motivé pour trouver à l’étranger la « relève » qui fait défaut sur place.
Conseil et suivi pharmaceutique
L’activité des pharmaciens est régie par le « Règlement du fonctionnement des pharmacies » (Apothekenbetriebsordnung). En Allemagne, seuls les pharmaciens diplômés sont habilités à délivrer des médicaments prescrits aux patients. Ils effectuent aussi beaucoup plus de préparations magistrales que leurs confrères français, mais à l’inverse, les « nouvelles missions » sont moins développées, notamment à cause de l’opposition des médecins, par exemple en matière de vaccination. « Le Covid a toutefois fait évoluer la question des nouveaux services rémunérés dans le bon sens et montré l’importance des officines pour la santé de proximité », souligne Elke Fischer, employée dans une officine bavaroise et présidente de la section des pharmaciens employés de l’ADEXA. Les adjoints font beaucoup de conseil et de suivi pharmaceutique, et supervisent en outre l’ensemble du personnel de l’officine. Ceux qui dirigent une filiale ont souvent plus de responsabilités, poursuit-elle, mais leurs attributions restent définies par le titulaire.
Enfin, le Règlement stipule que la pharmacie doit disposer « d’un nombre suffisant d’employés » mais n’impose aucun nombre minimum sur ce point, alors même que 14 % des officines n’ont aucun adjoint. Notons aussi que les adjoints peuvent remplacer les titulaires trois mois par an, durée qui peut être rallongée en cas de force majeure.