Le bilan de M. Biden n'est pas exactement positif. Il a procédé à une évacuation lamentable de l'Afghanistan, il a du mal à contrôler l'inflation, il piétine quelque peu sur le front du chômage, et il est encore très loin d'écarter les Républicains du pouvoir : les élections de mi-mandat en novembre 2022 risquent de lui faire perdre la majorité dans les deux chambres du Congrès, ce qui serait l'amorce d'un retour des Républicains, ou même d'une réélection de M. Trump à la présidence.
Compte tenu du rapport de forces au Congrès des États-Unis, il se livre donc à une tentative quelque peu désespérée de renforcer la notion de démocratie chez un peuple qui ne semble pas enthousiaste à son sujet. Et il le fait avec sa maladresse habituelle, avec précipitation, sans avoir pris le temps d'informer les nombreux pays concernés et avec un système de sélection discutable : il veut bien de la Pologne, mais pas de la Hongrie alors que ces deux nations posent le même problème à l'Union européenne, la dérive vers un État autoritaire, peu conforme aux critères de l'UE.
Personne, cependant, ne discute de la qualification de l'Amérique pour organiser un show planétaire de la démocratie, au moment où elle est bafouée en Chine, en Russie, en Turquie, en Syrie, en Arabie Saoudite et même au Brésil, invité à ce sommet alors que Jaïr Bolsonaro, le président de ce vaste pays, y pratique un populisme pire que celui de Trump. Les nations invitées seront donc présentes à cette grande profession de foi.
L'idée de Biden est de contrer dans un premier temps les provocations de la Chine et de la Russie ; la première tente de dominer l'Asie, la seconde menace l'Ukraine, aux frontières de laquelle elle masse des troupes, tandis que Pékin et Moscou augmentent leurs capacités nucléaires et leurs moyens d'attaque contre l'Occident. Cependant la diplomatie de Washington, qui cherche à rattraper quelques-unes de ses erreurs, risque d'être mise à mal par l'un de ses plus chers alliés, le Royaume-Uni de Boris Johnson, engagé à fond dans le Brexit et pratiquant, pour prouver son choix, les méthodes les moins honnêtes.
De l'avertissement à l'ultimatum
La célébration de la démocratie par un pays leader dans ce domaine n'en est pas moins indispensable. Il y a trop longtemps que les pays qui l'ont adoptée la considèrent comme définitivement acquise alors que, en réalité, elle se bat contre des menées militaires et diplomatiques extrêmement inquiétantes. Certes, Joe Biden n'est pas resté inactif et a même remporté une victoire impressionnante quand son plan de restructuration des États-Unis a été adopté par le Congrès. Il est toutefois dans une situation difficile car ce qui a été fait peut être rapidement défait par une nouvelle administration républicaine.
Des avertissements multiples, avec menace de nouvelles sanctions, ont été adressés à Vladimir Poutine, président à vie ou presque, pour qu'il cesse de narguer militairement l'Ukraine. Mais peut-être un ultimatum doit-il lui être adressé. Personne ne croit que des Américains mourront pour protéger la frontière ukrainienne ou que Kiev récupèrera jamais la Crimée. Jusqu'à présent, les sanctions adressées à la Russie ne l'ont pas empêchée de se livrer à des faits accomplis. En revanche, les Américains, pour commencer à faire confiance à M. Biden, souhaitent qu'il parvienne, par quelque moyen que ce soit, hormis l'aventure militaire, à faire reculer Poutine.
Il en va de même avec la Chine, dont le discours, assorti de gestes dangereux à l'égard de Taïwan, est truffé d'insultes et de menaces. Heureusement que les mots ne tuent pas et que, sous le couvert de propos dictés par la propagande nationaliste, le sens de l'équilibre des forces en présence demeure. En remportant les élections de 2020, Joe Biden croyait avoir vaincu l'hydre intérieure et convaincu le peuple américain qu'il ne pouvait pas se conduire comme une république bananière. Mais le danger n'était pas qu'intérieur, il existe hors des frontières américaines, chez des puissances qui ont atteint un très haut niveau de technologie nucléaire.
M. Biden n'a pas beaucoup de temps pour réussir à démontrer au monde entier que son parti est au pouvoir pour longtemps, qu'il dispose d'une force de dissuasion respectable et qu'en tant que première puissance militaire du monde, on ne parviendra pas à l'impressionner.