C’est un fait, la France est en retard par rapport à ses voisins. En Belgique, par exemple, la e-prescription, obligatoire depuis le 1er janvier 2020, fonctionne bien et est parfaitement sécurisée. En pharmacie de ville, le patient doit simplement présenter sa carte d’identité numérique pour récupérer les médicaments prescrits par ordonnance électronique. La prescription sur papier reste autorisée dans un nombre limité de situations (cas de force majeure, âge du médecin prescripteur supérieur à 64 ans au 1er janvier 2020).
En France, ce n’est que le début. L’enseignement de la santé numérique, selon 5 axes (données de santé, télésanté, outils numériques en santé, cybersécurité, communication en santé), cadré par un texte de fin 2022, entrera en application à la rentrée 2024 dans les facultés de pharmacie et de médecine, disséminé au cours des 4 premières années d’études, sans chambouler les études. Cela dit, rappelle le Pr Jean-Louis Beaudeux, doyen de la faculté de pharmacie Paris-Descartes, « elle est déjà enseignée de manière variable selon les facultés. Le texte ne fait que coordonner ce que nous pratiquons déjà et complète ce qui n’a pas encore été abordé ». Idem dans la Ville des Lumières où « il est prévu de former 2 500 étudiants en 5 ans, mais aussi de proposer cette formation aux professionnels de santé en activité (2 400 sur 5 ans) », explique le Pr Claude Dussart, doyen de la faculté de pharmacie de Lyon.
Une base e-prescription hautement sécurisée
À l’officine, avec le déploiement de « Mon Espace Santé » où les patients peuvent envoyer leurs ordonnances et la mise en place, par la délégation ministérielle Santé numérique du ministère de la Santé, d’un kit d’accompagnement pour sensibiliser la patientèle, la dynamique est lancée. L’ordonnance numérique sera généralisée sur le territoire français d’ici à la fin 2024 et concernera tous les professionnels de santé (kinés, infirmières…). Pourquoi l’utiliser ? Parce qu’elle a un caractère obligatoire mais aussi parce qu’elle « simplifie les échanges entre les médecins et les pharmaciens et qu’elle réduit beaucoup le risque de fausses ordonnances », répond Emmanuelle Lafoux, directrice de la CPAM du Rhône. « Grâce à une base e-prescription hébergée en France et gérée par l’assurance-maladie selon des standards haute sécurité, le pharmacien est certain du contenu de l’ordonnance et de son émission par le médecin. » De plus, l’installation de la version du logiciel métier compatible ordonnance numérique (pack Ségur) est financée par la puissance publique, la CEE en l’occurrence. « Nous bénéficions également des retours favorables d’une expérimentation menée sur le terrain depuis plus de 2 ans. »
En pratique, rien ne change pendant la consultation : le médecin rédige sa prescription à partir de son logiciel d’aide à la prescription (LAP) compatible, laquelle est enregistrée dans la base e-prescription. En parallèle, il enregistre l’ordonnance numérique dans le DMP du patient depuis son logiciel métier et, en fin de consultation, l’imprime (pour l’instant), datée et signée, et la remet au patient. Celle-ci comprend un QR Code et un numéro unique de prescription, mentionné en clair. Le patient pourra alors la présenter au pharmacien de son choix. Si celui-ci est équipé, il lit la prescription directement via son logiciel à partir du QR code scanné, exécute les actes et les enregistre dans la base. Par la suite, lors d’une nouvelle consultation par exemple, le médecin prescripteur peut consulter les actes d’exécution ou de délivrance - si le patient a donné son accord.
L’intérêt du pharmacien
Les nouveautés sont donc : la présence d’un QR code et d’un numéro de prescription sur l’ordonnance, la possibilité pour le médecin d‘accéder aux données de délivrance a posteriori et l’alimentation du DMP qui permet au patient de retrouver son ordonnance au format PDF dans son profil Mon Espace Santé. Les changements intéressant le pharmacien sont donc triples : une sécurité renforcée des ordonnances ; la traçabilité de l’intervention pharmaceutique en officine ; et fini l’envoi de pièces justificatives via le téléservice SCOR. Bref, conclut Emmanuelle Lafoux, « les pharmaciens doivent y aller, c’est aussi leur intérêt ».
À savoir : apporter une modification sur l’ordonnance et la renouveler est tout à fait possible. Les préparations magistrales le sont également. En revanche, pour les étrangers (AME, touristes…), la mise au point va prendre du temps.