- J’ai un coup de fil à passer. Je m’installe dans la salle Pelletier, dit Karine à Marilyne et à Gisèle. Les deux femmes sont en train de ranger les décorations de Noël.
Karine reprend ses notes et compose le numéro de téléphone direct du Docteur Valérie Rivet. Elle a eu l’occasion à plusieurs reprises de travailler avec la psychiatre du service hospitalier (Voir Épisode 91). Les deux femmes s’apprécient. Suite à la tentative de suicide d’une patiente commune par auto-immolation, elles ont décidé d’accentuer leur coopération.
- Karine, quel plaisir de vous entendre. Très belle année à vous, répond le médecin. Que puis-je faire pour vous aider ?
- Merci Valérie. Très belle année également. Je vous appelle avec mes deux casquettes : celle de pharmacienne, et celle d’adjointe à la mairie. Nous avons été alertés au sujet d’une patiente, ou plutôt d’une ancienne patiente puisque cela fait plusieurs mois que nous ne la voyons plus à la pharmacie. Sa maison est devenue totalement insalubre et les voisins se plaignent d’une invasion de rats. Il faut dire que le jardin de Madame Bey, qu’on surnomme la mère Jacqueline, est rempli de déchets.
- Je vois. Ça ressemble à un syndrome de Diogène.
- C’est-à-dire ?
- Il s’agit d’un trouble du comportement souvent associé à une maladie psychiatrique sous-jacente. Une des principales manifestations est l’accumulation d’objets dans des proportions incroyables. Cela sur fond de négligence totale : la personne ne se soigne plus, ne s’entretient plus, et s’isole du reste du monde. Les domiciles deviennent rapidement insalubres. Bref, c’est la dégringolade.
- Mais, est-ce qu’on peut agir ?
- La question est surtout de savoir à partir de quand on peut agir. Nous ne pouvons pas forcer quelqu’un à entretenir sa maison ou à s’entretenir. Sauf quand l’insalubrité déborde dans la rue ou impacte le voisinage. C’est le cas avec votre patiente si j’ai bien compris. Et effectivement, il y a dans ce cas différentes actions à mener : l’une par les pouvoirs publics, pour assainir les lieux ; l’autre par les acteurs du secteur médico-social, pour aider la personne à sortir de ce cercle vicieux. Dans les deux cas, la grande difficulté est de ne pas priver la patiente de sa liberté.
Karine reste pensive.
- Si vous le voulez, nous pouvons nous rencontrer pour définir les actions à mener. Pourriez-vous prendre contact avec l’ARS et avec le dispositif d’accompagnement et de coordination ? C’est ce qu’on appelait le Clic auparavant, propose le docteur Rivet.
- Oui bien sûr. Je fais cela. Je vais organiser une rencontre à la mairie. Merci beaucoup.
Lorsqu’elle retourne dans son bureau, Karine trouve J-C en grande conversation téléphonique. Elle lui fait signe qu’elle veut lui parler.
- Diogène, tu connais ? Il faut que je te raconte. Je viens de passer 20 minutes au téléphone avec le Docteur Rivet…
- Et moi une heure avec Jérôme. Il est dans la merde. Il est visé par l’enquête de la DGCCRF dans l’affaire Bergo.
- Ah mince. Mais comment…
- Et nous ? Tu crois que ça va nous tomber dessus aussi ?
(À suivre…)