À quoi est due la surmortalité observée chez les hommes lors de l'infection à SARS-CoV-2 ? Alors que sont avancées des hypothèses génétiques liées au chromosome X ou hormonales liées aux œstrogènes, des études publiées cet été apportent d'autres éléments de réflexion.
Dans « Nature » (1), une étude dirigée par la Pr Akiko Iwasaki de l'université de Yale, tend à montrer que les hommes et les femmes développent différents types de réponse immunitaire au Covid-19, ce qui pourrait expliquer la susceptibilité accrue des hommes à la maladie. Le sexe masculin est un facteur de risque de forme sévère de la maladie, environ 60 % des décès surviennent chez les hommes dans le monde.
Dans ces travaux réalisés chez 98 patients infectés âgés en moyenne de 60 ans, les chercheurs ont analysé les différences qu'il pouvait y avoir entre les sexes au niveau des charges virales, des titres d'anticorps spécifiques anti-SARS-CoV-2, des cytokines ainsi que du phénotype des cellules sanguines. L'équipe indique s'être focalisée sur un sous-groupe de patients pour son analyse : 17 hommes et 22 femmes ayant eu une forme modérée de l’infection sans hospitalisation en réanimation ni traitement par médicaments agissant sur le système immunitaire.
Cytokines et lymphocytes T en jeu
Premier résultat mis en avant par l'équipe de la Pr Iwasaki : les hommes ont des niveaux plus élevés de cytokines de l'immunité innée, telles que l'IL-8 et IL-18 avec une induction plus forte des monocytes non classiques. Or, la production excessive et incontrôlée de ces cytokines, l'orage cytokinique, est pointée du doigt dans les formes graves de l'infection. À l'inverse, il ressort également que les femmes présentent une activation plus forte des cellules T que les hommes au cours de l'infection Covid, cette différence semblant persister avec l'âge.
Autre constat, si une faible réponse T est apparue inversement corrélée à l'âge, ce phénomène semble associé à un plus mauvais pronostic chez les hommes, mais pas chez les femmes. A contrario, les femmes qui ont des taux plus élevés de cytokines au début de l'infection sont celles dont l'état s'aggrave par la suite, ce qui ne semble pas le cas chez les hommes.
Une confirmation nécessaire
Pour les auteurs, ces résultats vont dans le sens d'une approche thérapeutique basée sur le sexe, la Pr Iwasaki avançant « qu'on devrait améliorer la réponse des lymphocytes T via les vaccins pour les hommes » et « qu'il s'agirait davantage de bloquer la réponse des cytokines pour les femmes ».
Néanmoins, ces résultats n'emportent pas l'entière adhésion de la communauté scientifique. Le faible nombre de sujets inclus pourrait faire que « plusieurs des différences observées pourraient être dues à l'âge ou à l'indice de masse corporelle », voire au hasard plutôt qu'au sexe, a indiqué la Pr Eleanor Riley, de l'université d'Edimbourg, à l'organisme britannique Science Media Centre. En outre, « même si la réponse diffère au niveau individuel, beaucoup d'hommes et de femmes ont des réponses similaires », a-t-elle poursuivi. Critique partagée par le Pr Simon Fillatreau, immunologiste et infectiologue à l'Institut Necker-Enfants malades, qui a déclaré dans « Le Monde » : « les distributions se chevauchent pas mal entre les sexes. Il me semble très prématuré de tirer une conclusion définitive à partir de ces données sur les cellules T ».
Une maladie liée au sexe
D'autres hypothèses circulent, comme celle du groupe de modélisation de l'équipe ETE, sous la direction de Samuel Alizon (CNRS). L'équipe propose que le déficit en G6PD, une maladie liée au sexe, puisse expliquer le biais de morbidité lié au sexe. « Un rapport de l'INSEE sur la distribution de la mortalité induite par le Covid-19 en fonction du pays de naissance vient ajouter des arguments en faveur », est-il précisé dans un rapport (2).
Le biais lié au sexe n'existerait pas chez les personnes nées en France, et ne serait observé que chez celles nées dans des pays où les fréquences en G6PD sont relativement élevées. Plutôt que de chercher des facteurs génétiques universels tels que le sexe, les chercheurs prônent de revenir à la biologie du SARS-CoV-2, « dont la morbidité est clairement influencée par l'âge et le sexe ».
(1) T Takahashi et al. Nature, 26 août 2020. doi.org/10.1038/s41586-020-2700-3
(2) http://covid-ete.ouvaton.org/Rapport11.html