2019 constitue la troisième année consécutive de hausse des ventes de traitements d'aide à l'arrêt du tabac, selon l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT). De puissants leviers contribuent à lutter contre l'addiction : le prix du tabac, dont la dernière hausse, en mars dernier, a porté à 10 euros le paquet de Marlboro ; l'aide au sevrage par le biais du dispositif Tabac Info Service – accueil téléphonique, documentation, orientation vers un tabacologue – et l'opération annuelle du Moi(s) sans tabac (en novembre) ; et surtout le déplafonnement du remboursement des substituts nicotiniques pris en charge à 65 % par l'assurance-maladie. La dispensation des spécialités contenant de la nicotine et utilisées dans le traitement de la dépendance tabagique est cependant limitée à un mois de traitement – et leur vente suspendue sur Internet - par un arrêté* publié le 24 avril au « JO ». Cette décision entend lutter contre un mésusage des substituts nicotiniques liés à un possible effet protecteur de la nicotine contre l'infection à Covid-19.
Toutes les mesures en faveur du sevrage impactent fortement le marché français du tabac** avec une baisse des ventes en volume de 6,9 % en 2019 mais une hausse en valeur de 2,5 % sous l'effet de l'augmentation des prix (19,4 milliards d'euros). La diminution du nombre de fumeurs – 25,4 % des adultes en 2018 contre 30 % en 2016 - traduit aussi la portée de la lutte engagée contre le tabagisme.
La prescription, premier levier
Cette tendance nourrit directement le dynamisme du marché des substituts nicotiniques en volume, qui enregistre une augmentation de presque 20 % de ses ventes sur les douze derniers mois (IQVIA Pharmastat). La politique de prise en charge, en revanche, bride sa progression en valeur, avec un chiffre d'affaires qui régresse d'environ 1 %. Les résultats sont pourtant là. En 2019, l'estimation du nombre de patients traités était de 4,3 millions d'individus**, en hausse d'un tiers par rapport à 2018.
« L'évolution des conditions de prise en charge des substituts nicotiniques a constitué une source importante de développement pour le marché, confirme Lissa Ndoye, chef de produit sevrage tabagique chez Johnson & Johnson. 60 % des ventes de ces médicaments se font sur prescription médicale et 40 % par le biais de l'automédication. » Élément central du dispositif d'aide à l'arrêt, le professionnel de santé doit être accompagné dans son action. « En cinq ans, la taille du marché a doublé sous l'effet de la prescription. » Dans cette lutte contre le tabagisme, l'officine est au premier rang, offrant proximité et accessibilité au sevrage. Le pharmacien intervient à différents niveaux du processus : détection des fumeurs à risque du fait de leur pathologie, analyse du degré de dépendance et de motivation, organisation des entretiens de motivation (recommandés par la HAS), aide au choix des dispositifs pour favoriser l'observance, accompagnement du patient tout au long de son parcours… « Ce rôle est d'autant plus important en période de crise sanitaire où le public ne veut plus fréquenter les cabinets médicaux. »
Si l'on considère le marché sous l'angle du volume, tous les segments des substituts sont en hausse, à commencer par les comprimés ou pastilles à sucer qui gagnent 38 % (source fabricants). Suivent les patchs ou timbres, en progression de 22 %, et les gommes à mâcher, en évolution de 12 %. Plus confidentiels dans l'offre, les sprays et inhaleurs – essentiellement sous la marque Nicorette - viennent diversifier l'ensemble des formes orales qui, au total, occupent près des trois quarts du marché, laissant aux dispositifs transdermiques 27 % des parts en volume. « Les formes orales et topiques sont généralement couplées dans les prescriptions médicales », ajoute la chef de produit, en précisant que les comprimés sublinguaux Microtab ont récemment rejoint la liste des dispositifs Nicorette remboursables (patchs Nicoretteskin 10, 15, 25 mg /16H, gommes à mâcher menthe fraîche, menthe glaciale, fruits, classique).
L'officine impliquée
Le marché des substituts n'est cependant pas dénué de freins, comme celui que pourrait constituer la multiplicité des méthodes pour arrêter de fumer. En 2018, Johnson & Johnson a mené une enquête*** auprès de fumeurs (de plus de 5 cigarettes par jour) souhaitant rompre avec leur addiction afin de connaître l'intérêt qu'ils portent aux différents moyens de sevrage. La première des méthodes évoquée est la volonté seule (pour 35,5 % des interviewés), suivie par la cigarette électronique (23,5 %), les substituts nicotiniques arrivant en troisième position (21 %). Les méthodes alternatives (acupuncture, hypnose) mobilisent 13 % des voies et seulement 5 % des interviewés désignent les autres traitements – dont médicamenteux (bupropion et varénicline) – laissant en dernier choix le coaching.
« Les substituts nicotiniques doublent les chances de réussir son sevrage contre la volonté seule, à 6 mois, s'ils sont utilisés en associant une forme transdermique à une forme orale », rappelle Virginie Hannel, responsable marketing OTC chez Pierre Fabre. Nicopatchlib 7, 14, 21 mg/24 heures, dispositif transdermique, permet d'adapter la réponse thérapeutique au profil du fumeur, tout comme les pastilles à libération prolongée Nicopass (deux dosages) qui aident à gérer les envies irrépressibles. Tous deux sont remboursables.
L'accompagnement d'un professionnel de santé, quel qu'il soit, est un autre facteur très important pour mener à bien la démarche. « Les conseils du pharmacien seront précieux dans de nombreux domaines associés au sevrage, comme la prise de poids qui constitue un frein pour 62 % des personnes désireuses de rompre avec l'addiction. » La qualité du sommeil, la maîtrise du stress, l'hygiène bucco-dentaire ou le soin des cheveux en sont d'autres que l'officine peut investir aux côtés du patient. Les effets du sevrage peuvent aussi être évoqués utilement : « Au bout de 8 heures seulement, l'oxygénation des cellules redevient normale ; en 24 heures, le risque d'infarctus diminue et le corps élimine la nicotine ; en quelques semaines, toux et fatigue régressent et à partir d'un an de sevrage, le risque d'AVC rejoint celui d'un non-fumeur ; en 5 ans, la menace de cancer du poumon est divisée par deux. »
Pour faciliter le sevrage, deux autres marques de substituts nicotiniques, dont la plupart des références sont remboursables, viennent compléter une offre historique qui occupe la quasi-totalité du marché : Nicotinell (TTS dispositif transdermique, gommes à mâcher, comprimés à sucer) chez GSK, et NiQuitin (dispositifs transdermiques, gommes à mâcher, comprimés à sucer NiQuitin et NiquitinMinis) chez Oméga Pharma. Le générique Nicotine EG (EG Labo), sous forme de gommes à mâcher, figure aussi dans la catégorie des traitements remboursables à laquelle il faut ajouter le médicament à base de varénicline, Champix (Pfizer), pris en charge à 65 % sur prescription, Zyban (GSK) à base de bupropion étant également délivré sur prescription mais non remboursable.
* Arrêté du 23 avril 2020 complétant l'arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.
** Tabagisme et arrêt du tabac en 2019, Marc-Antoine Douchet, OFDT.
*** Étude Kantar Prométhée 2019.