Pas si simple de se projeter dans le futur et de dessiner un agencement officinal adapté à l'exercice tel qu'on l'imagine dans dix ou vingt ans. Pourtant, en participant à la première édition du concours de l'agencement de la pharmacie de demain, une trentaine de candidats a relevé le défi lancé par l'Association des états généraux du premier recours (AEGPR) et le « Quotidien du pharmacien ». La remise des prix a été organisée à Paris le vendredi 8 juillet, en présence des lauréats.
L'idée inédite d'Alexis Sean
Trois projets se sont particulièrement distingués par leur audace et leur créativité, dont celui d'Alexis Sean à qui le jury a décerné le premier prix. « Ce concours m'a permis de conceptualiser, de structurer et de partager des idées que j'avais en tête depuis longtemps. Ma proposition d'agencement est le fruit d'une réflexion et d'une observation fine de l'exercice officinal », explique ce jeune adjoint parisien de 31 ans qui a surpris le jury avec un espace dédié à la recherche sur l'acte officinal : « Cet espace utilisé par l'équipe et d'autres professionnels de santé a pour vocation de documenter l'expertise et la pratique officinale, en s'appuyant sur les sciences humaines, sociales et pharmaceutiques. Ces travaux permettraient de nourrir la bibliographie relative à l'acte officinal, d'où l'intérêt de le positionner au cœur de l'officine. Il serait même possible de créer des partenariats avec les sociétés savantes ainsi que les universités, en vue d'une publication par exemple. » Côté patients, Alexis Sean livre une pharmacie tournée vers l'échange et la confidentialité. Pas question néanmoins de cloisonner les surfaces ; le jeune pharmacien puise dans l'architecture contemporaine de Peter Zumthor pour créer une officine où s'équilibrent les paliers d'intimité et la liberté de déambuler.
Le kiosque à services de Josselin Fleury
Deuxième candidat récompensé, Josselin Fleury a traduit dans sa proposition son intérêt pour l'environnement humain de l'officine, qu'il s'agisse des collaborateurs ou des visiteurs. Alors qu'il prépare sa deuxième installation en tant que titulaire, en Bretagne, le confrère a eu envie, à travers ce concours, de poser ses idées et ses solutions pour un exercice projeté dans l'avenir : « Faire émerger un projet et une façon de travailler à partir d'une feuille blanche est une opportunité, pour soi autant que pour la profession. Alors qu'on nous parle de baisse de marge, de diminution du volume de vente et de difficultés de recrutement, il me semble que c’est le moment d’entamer une réflexion profonde autour de la place du pharmacien dans le parcours de soins. En outre, je suis convaincu qu'un bon projet entrepreneurial d'officine ne peut se réaliser que si les environnements personnel, professionnel et financier s'accordent. » Dans ce contexte sensible, la réponse de Josselin Fleury est un kiosque à service : « Cet espace est la matérialisation d'une réalité constatée au comptoir : la pharmacie est une porte d'entrée dans le système de soins, ce qui confère à l'équipe officinale un rôle d'orientation. Je l'ai imaginé comme la clef de voûte de la pharmacie. Avec cette organisation, on limite les interférences avec l'activité de dispensation des médicaments, pour gagner en qualité. »
L'agencement, l'équipement, et le digital
À la troisième place du classement, le projet de Xavier Mosnier-Thoumas apparaît très complet et détaillé, tant en termes d'équipement (robot, PDA, téléconsultation) que de solutions architecturales. « J'ai souhaité créer des zones aphoniques et vitrées baignées de lumière naturelle pour réaliser les entretiens. Ces zones sont équipées d'un système d'aspiration de l’air pour garantir un haut niveau de sécurité. Pour les actions de dépistage, la pharmacie est dotée d'une zone protégée, stérilisable, avec une entrée et une sortie distinctes de celles de la pharmacie, pour ne pas emboliser le flux classique et traditionnel », commente le pharmacien. Titulaire en Gironde et fondateur de mesoigner.fr, Xavier Mosnier-Thoumas a exprimé dans son projet sa sensibilité pour la solution digitale, en proposant notamment une automatisation des process du back-office et une version numérique de la pharmacie. « La technologie et le digital nous permettent de nous affranchir de taches chronophages, pour nous consacrer aux clients et aux patients. Ce sont des supports incontournables. » Autre atout du projet de Xavier Mosnier-Thoumas, l'espace installé près du bureau et dédié à la coopération interprofessionnelle : « Les cloisons amovibles permettent de transformer le bureau en salle de réunion, pour recevoir les soignants du pôle médical. »