Le 11 mai semble encore bien loin pour les pharmacies qui, à mi-parcours de la période du confinement, avaient déjà accusé le choc. Comme le révèle un sondage effectué par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), huit titulaires sur dix déploraient, fin mars, une baisse de leur activité. Dans une autre enquête, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), évaluait à 23 % le taux d’officines ayant subi une baisse de 30 à 50 % de leur chiffre d’affaires, au début avril.
Il ne s’agit malheureusement pas de simples ressentis ! Auditionné le 15 avril par la commission des affaires sociales du Sénat, Nicolas Revel, directeur général de la caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), a confirmé une forte baisse des consultations, de l'ordre de 40 % pour les généralistes et de 50 % pour les spécialistes, depuis janvier. C’est peu dire que l’officine, qui tire 80 à 90 % de son chiffre d’affaires du médicament remboursable (TVA 2,1 %), ressent durement la chute de cette fréquentation des cabinets médicaux.
La profession a donc toutes les raisons d’appréhender les trois semaines à venir. L’État, et tout particulièrement Olivier Véran, ministre de la Santé, semble avoir perçu ces inquiétudes. Depuis plus de dix jours, les deux syndicats de pharmaciens, au même titre que leurs homologues des autres professions de santé, travaillent avec l’assurance-maladie sur une liste de paramètres qui permettront aux professionnels de santé libéraux de bénéficier, par voie d’ordonnance, d’« une compensation de perte de revenus ». Selon Nicolas Revel, cet accompagnement financier devrait pouvoir être déclenché rapidement par le biais « d’un premier acompte, si possible fin avril, sinon tout début mai ». La promesse d’Olivier Véran devrait donc être tenue. Ce dispositif aura vocation à combler les charges afin de permettre aux professionnels de santé, pharmaciens compris, de fonctionner et de redémarrer le plus rapidement possible dès la sortie de crise.
Le mode de calcul
Cette compensation sera vraisemblablement basée sur la formule de calcul suivante : le taux de 22 %, correspondant au ratio charges de l'officine/chiffres d'affaires en médicaments remboursés (assurance-maladie), sera appliqué au montant différentiel entre le chiffre d'affaires du mois par rapport à un mois standard 2019. Ainsi, si le chiffre d'affaires du mois de mars 2020 a baissé de 30 %, la compensation accordée par l'assurance-maladie sera équivalente à 22 % de ce montant en valeur. À préciser que les mois de référence devraient être compris dans la période épidémique et non la période de confinement. Par ailleurs, une prime d'« incitation à l'activité » devrait être octroyée, sorte de « ROSP Covid » comme l'avait revendiquée la FSPF.
Autre lueur au bout du tunnel, de nouveaux dispositifs d’urgence figurent au projet de loi de finances rectificative, adopté en Conseil des ministres, le 15 avril. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a ainsi annoncé, entre autres mesures, la mise à disposition de 20 milliards d'euros pour recapitaliser des entreprises en difficulté ou la création d'une « avance remboursable » pour les PME qui n'obtiennent pas de prêt, ainsi qu'un fonds de soutien d'un milliard d'euros aux entreprises de taille intermédiaire. Reste à savoir si les titulaires en difficulté, dont la grande majorité n’entre pas dans les critères du fonds de solidarité, pourront y prétendre ?
Faire jouer les reports
Pour l’heure, hormis le chômage partiel auquel recourent de plus en plus d’officines, deux autres dispositifs volent au secours d’une trésorerie malmenée. Le premier concerne le report du remboursement de l’emprunt, pour une durée d’au moins six mois, que les banques accordent désormais sans trop sourciller, selon les observateurs du marché. Second dispositif à actionner, le prêt garanti par l'État (PGE), un mécanisme mis en place par le gouvernement qui permet, via Bpifrance, d’obtenir un renfort de trésorerie. Carole Lejas, expert-comptable et commissaire au compte auprès du cabinet Exco Valliance*, conseille vivement d’y recourir. « Il est prévu que seuls les 0,25 % correspondant à la caution de Bpifrance soient remboursés sur les douze premiers mois, et qu’ensuite le remboursement soit étalé selon les négociations au bout de 12 mois et sur une période pouvant aller jusqu'à cinq ans maximum », expose l’expert-comptable soulignant toutefois qu’il faudra être vigilant sur le montant des taux bancaires dans 12 mois !
Les banques ont été sommées par Emmanuel Macron, dans son allocution télévisée du 13 avril, de soutenir les entreprises. Mais qu’en est-il des assureurs que le président de la République n’a pas manqué non plus d’interpeller ? Peu concernées puisque les couvertures perte d’exploitation ne comprennent pas la clause du risque de pandémie, les assurances ont jusqu’à présent su tirer leur épingle du jeu. Des manquements qui n'auront pas échappé aux pharmaciens (voir ci-dessous). Pour autant, face à la prolongation de la période de confinement, Aviva France a renforcé son accompagnement auprès de ses clients les plus exposés à la crise. L’assureur a ainsi réduit ses primes « dommages et responsabilités » sur l’année 2020 pour ses clients qui ont dû arrêter leur exercice. À ceux qui ont maintenu leur activité mais ont subi un sinistre, des « cadeaux de franchise » seront accordés. De même, des facilités de paiement pour les primes « dommages et responsabilités », « santé » et « prévoyance » seront octroyées, avec toutefois un maintien des garanties pendant toute la période de confinement.
Identifier les foyers d'épargne
Hors des champs institutionnels, d’autres bouffées d’air s'annoncent d’ici à la fin du confinement. Il est ainsi possible de négocier un report du loyer immobilier, comme en atteste l'expérience de Carole Lejas, notamment pour les pharmacies des centres commerciaux et de galeries commerciales qui ont dû fermer leurs portes le 17 mars 2020. Autre option pour doper sa trésorerie en ce temps de crise, l'expert-comptable recommande à ses clients pharmaciens de négocier le report du leasing de leur robot. « Sachant que ce loyer peut s’élever entre 15 000 à 25 000 euros par an, ce report sur une durée de six mois peut être appréciable », souligne-t-elle.
Car chaque millier d’euros épargné sera un atout supplémentaire pour aborder dans de meilleures conditions financières la sortie de crise. Face à cet objectif, les groupements (voir page 6) et leur poids dans les négociations peuvent être un soutien appréciable. Ainsi, Hervé Jouves, président de Lafayette Conseil, affirme avoir pu récupérer les RFA de 2019 au nom de ses adhérents. Une piste parmi d’autres pour accélérer les rentrées d'un « cash » devenu très précieux.