Celle par qui le scandale arrive… Pour certains pharmaciens castrais, la personnalité de Christine Monino-Clot se résume peut-être à cette formule. Pourtant, cette Montpelliéraine de 41 ans a bien d’autres facettes.
Passionnée de sciences, elle aspire très tôt à décrocher un diplôme « qui vaut quelque chose et avec un métier au bout, explique-t-elle. Je ne voulais pas avoir la même vie que ma mère médecin. Trop de travail. Sur ce point, je me suis plantée ».
À la faculté de pharmacie de Montpellier, elle veut s’orienter vers la recherche en génétique, décroche une maîtrise des sciences biologiques et médicales, avec des formations complémentaires en génétique, biologie moléculaire et maladies infectieuses, puis un DEA Biologie Santé, en 2005.
Retour vers l’officine
Mais elle abandonne cette voie : « Je n’avais pas de bourses pour entamer un doctorat d’État, explique-t-elle, et n’étais pas assez « requin » pour évoluer dans la recherche. » Sans compter un grave accident d’équitation qui la cloue au lit six mois. Là, elle redéfinit ses priorités : fonder une famille avec son époux pharmacien, rencontré à la fac. Désormais, son avenir sera… officinal.
Elle entame un stage dans une pharmacie rurale, près de Bédarieux. Deux jours plus tard, la titulaire part en vacances et lui laisse les clés. L’apprentissage sur le tas sera intensif et passionnant : « j’y ai tout appris et découvert la richesse du travail d’officine. »
En 2008, avec son mari, elle achète une pharmacie sur un boulevard passant de Castres (Tarn). Très vite, elle pense transfert. En 2010, le Lidl voisin est à vendre. Elle en rêve, mais l’immeuble (3000m²) nécessite un rude budget. Pendant plusieurs années, le couple élabore plusieurs projets, mais, en 2014, le bâtiment est vendu. Fin de l’histoire ? Non, car quelques mois plus tard, Christine Monino-Clot reçoit un appel de Jérôme Escojido et Bertrand Pagès, fondateurs de Médiprix. Ce sont eux les acheteurs du Lidl et ils lui proposent de s’y installer. Ensemble, ils financent le projet : 1 000m² de vente, 600m² de back-office et des locaux aujourd’hui occupés par trois médecins et un cabinet infirmier.
Le temps des procédures
« La Grande Pharmacie » démarre l’été 2017. En novembre, Christine Monino-Clot décide d’ouvrir le lundi, bravant la tradition castraise de fermeture, basée sur un arrêté préfectoral de 1973 : « Nous avons un monopole, à nous de montrer qu’on le mérite, indique-t-elle. Fermer le lundi, c’est ne pas être à la hauteur, alors que les médecins sont ouverts. » Les 16 autres officines de la ville l’assignent en justice. Malgré le soutien d’une pétition de clients, elle perd*, reçoit un blâme de l’Ordre, et elle est déboutée par le tribunal administratif. Défaite sur tous les tableaux. En décembre 2020, elle tente un dernier argument auprès de la préfecture : face à la pandémie, comment assurer tests et missions du pharmacien en fermant le lundi ? Elle est entendue. En février 2021, la préfète autorise l’ouverture du lundi, pour six mois** (autorisation prorogée en août, pour six nouveaux mois***).
Une belle victoire pour cette femme décidée : « le pharmacien ne doit pas regarder passer le train des évolutions, mais monter dedans ! » Même si cela accroît les tensions avec ses confrères qui demeurent majoritairement fermés le lundi.
Aussi, quand elle recherche un peu de sérénité, Christine Monino-Clot s’évade sur le clavier de son piano (qu’elle pratique depuis l’âge de 5 ans) du côté de Beethoven, Chopin ou Rachmaninov. Elle a d’ailleurs installé un piano en libre accès, dans son officine.
Et si la musique adoucissait les mœurs castraises…
* Condamnée à fermer, avec astreinte de 50 000 € par lundi.
**« À titre exceptionnel en vue du déploiement des opérations de dépistage du Covid-19 dans les meilleures conditions possibles ».
*** « Pour faciliter et amplifier la campagne vaccinale… »