Dans son bureau, J-C contemple le cadre qu’il vient d’accrocher au mur. Sur la photo, on voit le pharmacien, son associée Karine et Emmanuel Macron dans l'espace Pasteur de la pharmacie. Cet instant a été immortalisé par la mère de JC, lors de la visite du président de la République.
- J-C, tu as vu les dernières nouvelles ?, dit Karine en entrant dans le bureau.
Le pharmacien sursaute.
- Quoi ?
La pharmacienne remarque la photo encadrée.
- C'est amusant quand même qu’un fervent électeur de droite et soutien des Républicains regarde avec tant d’admiration sa poignée de main avec Macron !, le taquine-t-elle.
- Ce n’est pas parce que j’ai rencontré Macron que je le soutiens. Mais, c’est tout de même un événement mémorable qu’un président de la République soit passé ici ! De quoi tu me parlais en entrant ?
- Tu n’as pas lu « le Quotidien » ? Regarde, répond la co-titulaire en lui mettant le journal sous les yeux.
- Vingt pour cent de moins sur les tests antigéniques !
- À mon avis, le gouvernement veut stimuler le marché des autotests, au détriment des tests pris en charge. Remarque, je le comprends. Les vannes sont ouvertes depuis plusieurs mois. La facture commence à être salée.
- On en fait encore combien par semaine ?, lui demande J-C.
- Une trentaine encore. Je te propose qu'on se laisse encore quelques jours pour décider. Et de toute façon, si on doit arrêter les tests, autant le faire à partir de juillet, lorsque la deuxième baisse de prix s’appliquera, conclut Karine.
On frappe à la porte du bureau.
- Entre, Marilyne !
- Bonjour. Euh, comment dire… je pense que Christèle pète les plombs, résume la rayonniste avec son franc-parler habituel.
- Comment ça, « elle pète les plombs » ?
- Dès qu’on lui parle, elle a les larmes aux yeux ; et elle, d’habitude si douce et compréhensive avec les patients, elle s’agace d'un rien.
Au cours de la matinée, à l’heure du café, Karine s’isole avec Christèle pour discuter.
- Comment allez-vous Christèle ?
La préparatrice ne répond pas. Elle fait une grimace derrière son masque.
- Je vous trouve un peu fatiguée. Vous pouvez m’en parler si vous voulez…
- Comment faites-vous, Karine, pour gérer la pharmacie, votre mandat à la mairie et les enfants ?, demande soudain Christèle d'une voix tremblante.
- C’est difficile. D'autant plus que Mathieu, en tant qu'infirmier anesthésiste, est particulièrement sollicité. Heureusement, nous avons les grands-parents à disposition, vaccinés en plus.
- Moi je n’y arrive pas. Cette semaine, c’est moi qui ai la garde, mais ils sont à la maison, en distanciel.
- Ils sont au collège… Déjà.
- Les profs ne se rendent pas compte. Ils donnent du boulot, des exercices à faire, des nouvelles leçons à apprendre. Je suis pas enseignante moi ! Et quand je rentre à 20 h 00, j’aimerais plus me détendre que de faire des maths ou de l’anglais. Parce que si je ne suis pas derrière eux, je sais que le travail ne sera pas fait correctement.
- Les cours reprennent la semaine prochaine, n’est-ce pas ?
- Oui, enfin ! C’est surtout pour Marius que je m’inquiète ; il a le brevet cette année, et il ne fait que le minimum.
- Je comprends. Le mien est plus jeune, donc ça pose moins de problèmes. Et pourtant, la semaine dernière, j’ai été complètement débordée par ses devoirs, explique la titulaire.
Les deux femmes se taisent, quelques secondes.
- Je ne me plains pas pour vous demander des jours, Karine… Ne vous méprenez pas.
- Pas de soucis. Mais il faut qu’on se parle, c’est essentiel. Ça fait du bien de vider son sac, répond la titulaire en vidant sa tasse de café.
(À suivre...)