« Après le coronavirus, rien ne sera plus jamais comme avant. » Pour le Dr Paolo Paganini, titulaire d’une officine située derrière le Colisée, le constat est amer. Les pharmacies italiennes sont impliquées depuis mai dernier dans la plus grande campagne de vaccination gratuite de toute l’histoire d’Italie. Et elles effectuent aussi les tests de dépistage.
« Cet été, nous avons été littéralement débordés avec les touristes qui arrivaient de l’étranger et n’avaient pas de passe sanitaire. Sans ce document rendu obligatoire depuis le 6 août dernier pour aller au restaurant en intérieur, dans les musées ou pour prendre le train et l’avion depuis le 1er septembre, nous avons bien travaillé », confie Paola Rossi. Mais pour le reste, ajoute cette pharmacienne, les affaires ont pris un sérieux coup de plomb dans l’aile car depuis le début de la pandémie et le premier confinement, les Italiens ont modifié leurs habitudes en profondeur. Au circuit traditionnel, ils préfèrent désormais faire leurs achats sur la Toile.
La pandémie n'a pas fidélisé la clientèle
Pourtant, les officines qui faisaient partie des commerces essentiels n’ont jamais mis la clé sous la porte depuis le 12 mars 2020, date du premier confinement. Elles ont même joué un rôle important en servant de liens entre les médecins et les consommateurs. Mais pour les Italiens, cet engagement ne les a pas fidélisés. Pour preuve, une enquête rédigée par Iqvia, l’entreprise américaine spécialisée dans la fourniture de données, montrant que les ventes en ligne ont littéralement explosé depuis le début de la crise sanitaire. De l’autre côté des Alpes, le marché des officines qui pesait quelque 24 milliards d’euros avant la pandémie, a perdu 4 % de sa valeur en 2020. La tendance sera encore à la baisse fin 2021, estime pour sa part l’association nationale de la distribution et des services dans le secteur de la Santé (ASSORAM).
En revanche, le volume d’achat en ligne a bondi de 76 % en 2020 par rapport à l’année précédente. Le chiffre d’affaires, estimé à 240 millions d’euros en 2019, est passé à 389 millions l’an dernier. Selon les estimations provisoires, la tendance sera identique cette année, les chiffres évoquant un taux de croissance de quelque 60 % durant le premier trimestre 2021*. À l’origine de cette tendance de plus en plus nette, les gains de temps pour le consommateur qui reçoit directement sa commande à domicile sans se déplacer, d’où une réduction du nombre de contacts possibles et donc de contaminations éventuelles. Pour le Dr Marco Macri, qui fait ponctuellement certaines emplettes sur le Net, « cela compte, notamment en période de pandémie ». À cela s’ajoute aussi, selon Iqvia, « le facteur prix », les coûts étant globalement inférieurs de 23 % par rapport aux prix pratiqués en officine. Mais attention, les Italiens ne peuvent pas tout acheter avec les pharmacies en ligne, la loi interdisant la vente en ligne de médicaments soumis à prescription.
Gare aux contrefaçons
Le marché en ligne italien est caractérisé par trois catégories : les OTC, qui représentent 60 % des ventes, 33 % le bien-être, tandis que les dispositifs médicaux et la parapharmacie génèrent le reste des ventes. Toutefois, si la vie ressemble désormais à un long fleuve tranquille pour les officines et les parapharmacies en ligne, une quarantaine d’entre elles sont les vraies stars de la toile grâce à un bon réseau de communication et surtout, des propriétés aux reins solides. C’est le cas par exemple de la pharmacie Loreto qui a planté ses drapeaux sur la Toile il y a maintenant dix ans et dont le catalogue est épais comme l’Ancien Testament avec environ 150 000 produits. À cela s’ajoute un suivi de la clientèle bien structuré, des prix compétitifs, des solutions de paiement particulièrement flexibles et des livraisons gratuites à partir de 19,90 € d’achats.
L’augmentation des ventes en ligne suscite en revanche les inquiétudes de l’Agence italienne du médicament (AIFA) qui observe la montée en flèche de la contrefaçon ou les copies de produits dépourvus des autorisations requises par la loi italienne. Dans une note publiée le 9 avril dernier, l’AIFA a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme en publiant une série de recommandations. L’objectif de cette démarche est de conseiller aux Italiens d’acheter des médicaments seulement sur les officines et les parapharmacies en ligne agréées par le ministère de la Santé. Et surtout, de se méfier des ristournes alléchantes qui cachent forcément un loup averti l’AIFA.
* Cette étude se base sur les ventes des 1 018 officines et 257 parapharmacies en ligne agréées par le ministère de la Santé italien.