IL Y A QUELQUE TEMPS, un psychiatre me faisait remarquer qu’il ne comprenait pas pourquoi nous, les pharmaciens, nous n’aimions pas les médicaments. Comment ça, nous n’aimons pas les médicaments ? « À la Fac, on nous apprend à traiter grâce aux côtés positifs des médicaments, et vous, on vous apprend à vous en méfier à cause des côtés négatifs… ». Ah oui, vu sous cet angle-là, il n’avait pas tort, finalement. En réfléchissant à cette analyse et à mon attitude personnelle quand il s’agit de me soulager d’une céphalée, d’un dérangement intestinal, ou d’une banale conjonctivite, j’en arrive même à la conclusion qu’il avait effectivement raison. En fait, bien sûr, c’est autant la connaissance de l’évolution spontanée du problème que la méfiance vis-à-vis du traitement qui me font éviter d’avaler inutilement des comprimés anti-ceci ou anti-cela. Mais, à la fin, ça revient au même.
Du coup, quand j’ai commencé à avoir mal dans la région d’une de mes dents de sagesse, deux ou trois jours avant ma récente escapade catalane, je n’y ai pas trop réfléchi, et je suis partie avec juste deux plaquettes d’ibuprofène, et un flacon de bain de bouche qui traînait dans ma salle de bains. Vu que cette dent de sagesse là n’est jamais complètement sortie, il m’arrive parfois, à mon grand âge, d’avoir une poussée dentaire ! Les jours ont passé, mon bain de bouche était épuisé, mon premier blister d’ibuprofène aussi, et le deuxième bien entamé, quand nous avons repassé la frontière pour un week-end languedocien avant de rentrer à la maison.
Ma douleur était toujours présente et même, comment dirais-je, de plus en plus difficile à supporter en dehors du soulagement procuré par l’ibuprofène. L’insistance de mon entourage a finalement eu raison de ma résistance, et ma quête d’un dentiste bienveillant dans un village, un vendredi soir, s’est miraculeusement soldée par une intervention immédiate sur un vilain abcès qui avait profité de ma négligence pour se développer à son aise. L’intervention elle-même a fait monter des larmes de douleur à mes yeux pourtant fermés très, très fort… Mais le dentiste avait fait ce qu’il fallait.
Il s’assied à son bureau et commence à rédiger mon ordonnance. Un gramme d’amoxicilline matin et soir pendant six jours, normal. « Et c’est impératif, vous faites bien les six jours, même si ça va bien. » Je ne veux pas faire mon intéressante, je dis oui, sans commentaire. « Vous n’avez pas d’allergie ? » Non. « Pour la douleur, je vais vous prescrire du Xxyyzz à la place de votre ibuprofène ». « Heu… Il y a de la codéine, dedans… ». Je ne veux toujours pas faire mon intéressante, alors ma phrase est un mélange d’affirmation et d’interrogation, pour ne pas le froisser par ma méfiance. « Ah bon… ? », avec un sourire embarrassé. Il se retourne vers sa bibliothèque, et en extrait la fiche cartonnée du Xxyyzz. « Aaah oui, c’est vrai. » Ici, je me sens obligée de lui dire que je suis pharmacienne, pour qu’il sache que s’il préfère un antalgique de palier 2 à un AINS à dose antalgique, je suis au courant.
Il a gardé sa liberté de prescription, j’ai acheté le Xxyyzz à la pharmacie du village, j’en ai avalé un aussitôt parce que j’avais très mal, et ça a super bien calmé la douleur. Et j’ai aussi bénéficié de jolis vertiges pendant deux à trois heures. Quant aux onze autres comprimés, ils risquent fort de ne pas quitter leur emballage avant leur péremption, en novembre 2014.
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