POUR FAIRE ses courses à la pharmacie du Vatican, il suffit de présenter une ordonnance et une pièce d’identité en cours de validité au bureau des admissions situé à côté de la Porte Sainte Anne. Vu de l’extérieur, l’endroit ne paye pas de mine. Mais à l’intérieur, c’est le paradis qui ouvre ses portes aux consommateurs en tout genre. Dans cet endroit qui s’étire en largeur, tout respire l’ordre, la propreté, la discipline et, surtout, la courtoisie. « Courtoisie et efficacité, ce sont nos deux mots d’ordre. Cela semble plaire puisque la pharmacie est toujours pleine à craquer », note d’ailleurs le vice-directeur, Giancarlo Carrucci, en faisant visiter les lieux.
L’aventure a commencé le 2 mars 1874. Ce jour-là, le père Giovanni Alfieri, prieur général de l’Ordre hospitalier de Saint Jean de Dieu, fut chargé par le pape Pie IX de créer une pharmacie pour le Vatican. Quinze ans après, les activités de la maison avaient pris un tel essor que les autorités durent trouver un endroit plus approprié pour recevoir la clientèle qui se pressait déjà au comptoir. En 1929, nouveau déménagement, alors que Benito Mussolini signait les accords du Latran avec le pape Pie XI et que les États-Unis s’enfonçaient dans la crise économique.
Depuis, la pharmacie n’a plus bougé. L’endroit a subi deux liftings, le premier en 1964, l’autre vingt-trois ans plus tard, deux grosses opérations qui ont servi à moderniser les lieux en leur donnant une tournure sacrément qualifiée. Voilà pour la petite histoire.
Seul maître à bord après le pape.
Pour la partie administrative, commerciale, et aussi légale, la pharmacie du Vatican relève directement du Saint-Siège. Pas de comptes à rendre à l’Ordre des pharmaciens italiens ou au ministère de la Santé transalpin. Ici, l’Ordre hospitalier de Saint-Jean-de-Dieu est le seul maître à bord après le pape. Le directeur de la pharmacie fait toujours partie de cette communauté, que l’on appelle aussi Frères Fratebenefrattelli, ce qui veut dire « faites du bien mes frères », selon la devise du fondateur de cet ordre. Il est choisi par le pape, il n’est pas pharmacien et il est élu pour cinq ans. Son mandat peut être renouvelé à l’infini puisque le Vatican n’a pas introduit de limites.
Le numéro deux de la pharmacie, en revanche, est inscrit à l’Ordre des pharmaciens italiens. Les recrutements se font sur la base du curriculum vitae, mais aussi en fonction des qualités du postulant. « Auparavant, il suffisait de présenter une lettre du curé de la paroisse attestant de la moralité du postulant », confie Giancarlo Carrucci. Aujourd’hui, l’affaire est plus serrée : examens médicaux, petite enquête en coulisses, rien n’est laissé au hasard. Et les licenciements ? « Blasphème, faute professionnelle ; mais, heureusement, nous n’avons jamais eu ce genre de problème », souligne ce pharmacien qui a pratiquement passé toute sa carrière à l’ombre des murs du Vatican.
Une affaire qui tourne.
Avec ses quelque 2 000 clients par jour en 2009 (45 % des visiteurs viennent de l’extérieur, déclare le gouvernorat), un chiffre d’affaires top secret, une cinquantaine de salariés, toutes catégories confondues, la pharmacie du Vatican est une affaire qui tourne.
Les ayant droit sont remboursés par la Sécurité sociale du Vatican, le FAS, qui compte quelque 13 000 assurés. Les cotisations sont directement prélevées à la source et constituent plus ou moins 2,5 % du montant mensuel de la rétribution. Pour que sa famille puisse bénéficier de la couverture sociale accordée par le FAS, l’assuré doit présenter un certificat de mariage et un livret de famille. À l’instar de l’Italie, le Vatican a introduit le système du ticket modérateur, mais à tarif unique, à savoir un euro par boîte de médicaments pris en charge. En revanche, les « étrangers », toutes nationalités confondues, payent d’abord plein pot puis se font rembourser par leur propre système de couverture sociale. Comme en Italie, les pharmaciens du Vatican peuvent substituer un produit princeps prescrit sur une ordonnance par un générique. Les génériques sont pris en charge par le FAS depuis le 1er janvier dernier.
Moins cher qu’en Italie.
Côté prix, les médicaments produits en Italie sont vendus en moyenne 12 % moins cher à la pharmacie du Vatican que de l’autre côté de la frontière. La baisse est moins importante en ce qui concerne les produits étrangers (-10 %). En revanche, les articles liés au secteur de la parapharmacie sont nettement plus avantageux pour la clientèle, la baisse étant de 25 % par rapport aux produits vendus en Italie. Ici, on trouve tout, ou presque, y compris les produits haut de gamme comme Chanel, par exemple. La pharmacie est en effet divisée en deux. D’un côté il y a la partie médicaments et OTC, avec la fameuse papaye inventée pour Jean Paul II par le Pr Montagnier, et qui aurait des propriétés miraculeuses. De l’autre, la parfumerie.
« Au Vatican, nous vendons de tout, notamment beaucoup de produits introuvables en Italie », explique Giancarlo Carrucci.
Tout, sauf des contraceptifs. Pas de pilule ni de préservatifs. Un journaliste spécialiste des questions vaticanes raconte d’ailleurs une anecdote qui fit le tour des rédactions il y a dix ans. À l’époque, la commercialisation de la prostaglandine n’avait pas encore été autorisée en Italie. Des dizaines d’Italiens se précipitèrent à la pharmacie du Vatican pour trouver le médicament, qui améliorait, entre autres, les performances sexuelles ! Très embarrassés, les frères employés à la pharmacie durent expliquer que le médicament n’était plus en vente du côté de Saint Pierre.
« Nous ne sommes pas soumis au régime italien et n’avons pas besoin, par conséquent, de l’autorisation des autorités sanitaires transalpines pour vendre un produit », explique Giancarlo Carruccci. Ici, on suit les indications de la pharmacopée suisse. Et la direction de la Santé et de l’hygiène, qui est en rapport avec les organismes, les associations sanitaires internationales et des autres États, et pourvoit entre autre à l’assistance sanitaire et à la médecine du travail, donne ses autorisations.
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