ON LE SAIT depuis longtemps, Michel Onfray a un énorme appétit philosophique et ne se fixe pas de médiocres objectifs. « Cosmos » est le premier volume d’une trilogie intitulée « Brève Encyclopédie du monde ». Hymne à l’Univers et à la Nature, il permet à l’auteur de revenir sur ses obsessions favorites.
C’est par une terrible émotion que débute cet énorme ouvrage. « Mon père est mort dans mes bras, vingt minutes après le début de la nuit de l’Avent (...) Je l’ai assis le long d’un mur comme pour l’aliter dans le néant. » S’ensuit un long retour en arrière vers ce père, présenté comme « chrétien selon Jésus, l’homme des petits et des humbles, et non selon Paul, l’homme du glaive et du Vatican ». Un christianisme masquant mal un paganisme selon l’auteur, le père étant avant tout un homme rivé dans la Nature, sensible aux couleurs et aux odeurs, faisant la nuit découvrir la Grande Ourse au petit Michel.
En peu de mots est donné ici, non pas la clef du livre, mais la tonalité générale qui ne cesse de célébrer « le laboureur les pieds plus de dix heures par jour dans le sillon, une vie arrimée au rythme de la terre, scandée par les semailles et les récoltes ». À cette vie, Michel Onfray oppose l’artificialité de la vie urbaine, absorbée par le fétiche de la marchandise, les mondanités et l’enseignement sorbonnard de la philosophie.
De cette existence en symbiose avec la Nature et l’errance, les Tziganes sont le criant symbole. Ils ne savent ni lire ni écrire, car ils n’ont « pas envie de plier leur corps pour entrer dans le dispositif disciplinaire de la table d’école ». Une légende raconte qu’un forgeron tzigane fut maudit pour avoir forgé trois clous de la croix du Christ. Dès lors, ce peuple fut condamné, comme les juifs, à une errance perpétuelle – « Deux peuples errants, maudits, envoyés dans les chambres à gaz par le national-socialisme ».
Car l’Univers de Michel Onfray, l’homme de l’« Antimanuel de philosophie », est toujours binaire. Il ne valorise que sur fond de dévalorisation et, là où est la vie joyeuse en accord avec la Nature, se trouve en contrepoint la tradition sinistre et mortifère du ressentiment chrétien. Ainsi, il retrouve sa veine du « Traité d’athéologie » d’une façon quasiment hargneuse. Mais il réinstalle une nouvelle faute, celle d’avoir oublié le Cosmos et de ne plus contempler la Grande Ourse.
En quête d’universalité.
Tout comme Michel Onfray, le sociologue Michel Wievorka, directeur d’études à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), brosse dans « Retour au sens » une vigoureuse synthèse de notre époque. Tout comme lui, il accouche d’une vision critique, mais il voit une sortie du côté de l’Universel.
« Nous n’avons plus de repères » : le ton est donné, car nous sommes à la fois dans le trop grand, la mondialisation, qui nous fait perdre le nord, et dans le pointillisme de l’info immédiate, qui empêche de distinguer l’anecdotique du fondamental. Notre monde est à la fois fluide et vain.
Mais très vite Michel Wievorka corrige le tir, et ne chante pas comme tant d’autres le grand air du déclinisme. Aucune fatalité ne pèse sur la France, il faudrait que « nous parvenions à mettre en débat des visées, des projets susceptibles de mobiliser notre sentiment d’appartenance à une même humanité ».
On l’a deviné, l’auteur est un nouveau Kant en quête d’universalité et de respect de la personne humaine. On comprend qu’Internet le désole, les réseaux sociaux émiettant la communication sans créer de vraies solidarités ; le pire y a la même importance que le meilleur. Qu’aurait pensé Kant d’Internet au XVIIIe siècle, dans son Koenigsberg ?
Michel Wievorka, « Retour au sens - Pour en finir avec le déclinisme » , Robert Laffont, « Le monde comme il va », 360 p., 21 euros.
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