Écrivain plutôt rare – treize ans se sont écoulés depuis son précédent roman, « les Hommes immobiles » –, car également réalisateur et scénariste, Didier Le Pêcheur nous entraîne dans le Paris de la fin du XIXe en proie à la violence, au crime et à l’anarchie ; une ville où sévit la misère et qui tremble sous les coups de Ravachol. Le cadre était propice à une histoire haute en couleurs et c’est le cas d’« Un bref désir d’éternité » (1), qui débute en 1892 lorsqu’un certain Jules Lhérot, garçon de café, reconnaît l’anarchiste parmi ses clients.
Le héros deviendra policier mais tournera rapidement ripou pour l’amour d’une belle nommée Zélie, fille d’ouvrier devenue prostituée pour se hisser dans le monde – un personnage inspiré d’Amélie Élie, plus connue sous le nom de Casque d’Or. L’auteur mêle adroitement personnages de fiction et personnages réels, donnant à ces derniers une envergure digne des créations de papier, n’hésitant pas à transformer la réalité pour corser ses intrigues et à multiplier les protagonistes pittoresques. Le résultat est palpitant.
Une scandaleuse
D’une époque l’autre, après avoir fait ses adieux aux yéyés dans « Laisse tomber les filles », Gérard de Cortanze, prix Renaudot 2002 pour « Assam », fait le portrait, dans « Femme qui court » (2), d’une scandaleuse qui s’est imposée, non sans mal, dans la France d’avant la première guerre mondiale et qui a été exécutée à la fin de la deuxième. Violette Morris, 1 m 66 pour 68 kg, a été une sportive de haut niveau, enchaînant les victoires et les records en cyclisme, football, water-polo, boxe. Bisexuelle, elle a été une grande amoureuse, l’amante de Joséphine Baker puis d’Yvonne de Bray, l’amie de Cocteau et de Jean Marais. Après la guerre de 1914, où elle s’est illustrée comme ambulancière puis estafette, elle s’essaie au music-hall et au théâtre dans le Paris des Années folles, puis se tourne vers les sports mécaniques, la moto et l’auto. Empêchée par la Fédération française de participer aux premiers jeux Olympiques ouverts aux femmes, en 1928, pour cause d’atteinte aux bonnes mœurs, Violette Morris se tourne vers l’Allemagne, devient une espionne et pire, une tortionnaire.
L'effet Matilda
Romancier, auteur de théâtre à succès (« Signé Dumas », « Diplomatie ») et scénariste (« Chocolat », avec Omar Sy), Cyril Gély signe un sixième roman en forme de huis clos, « le Prix » (3). C’est une illustration de l’effet Matilda, qui fait que les femmes scientifiques profitent moins des retombées de leurs recherches que les hommes. Le cas mis en scène ici est celui de Lise Meitner (1878-1968), mais avant elle on pourrait citer la physico-chimiste britannique Rosalind Franklin, la femme médecin française Marthe Gautier, la microbiologiste américaine Esther Lederberg, et après elle, la physicienne autrichienne Marietta Blau, l’astrophysicienne britannique Jocelyn Bell, ou l’Américaine Mary Whiton Calkins, etc.
Le 10 décembre 1946, Otto Hahn est en train de répéter son discours de réception du prix Nobel de chimie, attribué en 1944 pour la découverte de la fission nucléaire, lorsqu’il est interrompu par Lise Meitner, qui a travaillé pendant plus de trente ans avec lui sur la radioactivité. Juive autrichienne, elle a dû quitter l’Allemagne en 1938. Qualifiée par Otto Hahn dans ses mémoires de « conversation plutôt désagréable », la confrontation imaginée par Cyril Gely s’apparente à un règlement de comptes feutré mais sans pitié, Deux cratères, sur la Lune et sur Vénus, portent le nom de Lise Meitner.
En marge
Après une fable politique et philosophique sur la tentation des États de traiter par l’élimination leurs « déchets » divers, matières radioactives ou délaissés du système (« En cas d’exposition des personnes »), Isabelle Marrier pose à nouveau son regard sur des vies marginales à travers la biographie romancée de Sandra Elaine Allen, considérée à partir de 1976 comme la femme la plus grande du monde. À 10 ans, elle mesurait 1 m 87 et à 20 ans, 2 m 32. « Le Silence de Sandy Allen » (4) s’attache moins à décrire les innombrables embûches du quotidien lorsqu’on a un corps de géante qu’à évoquer ce que l’on ressent face aux frustrations et aux remarques.
Sa taille hors norme a conduit cette fille ordinaire de l’Indiana jusqu’à Cinecittà, où Federico Fellini l’a appelée, non pour en faire une actrice mais pour la montrer dans sa différence – et son silence. Et bien sûr il y a eu les tournées organisées par le Guiness Books of Records. Sandy Allen est morte à 53 ans, dans la même maison de retraite qu’Edna Parker, la détentrice du record de la femme la plus vieille à l’époque.
« L’Incroyable Histoire du Facteur Cheval », le nouveau film de Nils Tavernier, avec Jacques Gamblin et Lætitia Casta, sort en salle cette semaine. Dans le même temps paraît « le Facteur Cheval. Jusqu’au bout du rêve » (5), une biographie écrite par le réalisateur, abondamment illustrée et nourrie d’archives inédites, notamment de son journal. Alors que le film se concentre sur les éléments qui ont poussé Cheval à se lancer dans l’aventure à l’âge de 43 ans et sur la construction de son œuvre, le livre apporte maintes informations sur la première partie de la vie de ce fils de paysan, né en 1836, qui a passé 33 ans de sa vie à édifier un « Palais idéal » et 8 années supplémentaires à bâtir son propre tombeau.
(1) JC Lattès, 470 p., 20 €. (2) Albin Michel, 407 p., 22,90 €. (3) Albin Michel, 220 p., 17 €. (4) Flammarion, 270 p., 19 €. (5) Flammarion, 343p., 19 €.
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