Il fallait s’y attendre. Pas davantage que les pharmaciens français*, leurs confrères européens ne sont parvenus à régler les dernières modalités pour rendre la sérialisation opérationnelle le 9 février 2019, comme les y obligeait une directive européenne de 2011.
D’Oslo à Lisbonne, en passant par Dublin, les officinaux se heurtent au même casse-tête du décommissionnement (désactivation du code) au comptoir. À l’échelle européenne, la profession est unanime, ce nouvel acte pharmaceutique est sans aucun doute l’un des bouleversements les plus importants qu’ait connus l’exercice officinal au cours des dernières décennies. Rien d’étonnant que la majorité des pharmaciens européens, à l’exception des Estoniens rodés à la e-santé, n’aient pu répondre présents le 9 février.
Fin 2018, 98 % des Irlandais avouaient dans un sondage ne pas être prêts à relever ce challenge. Début février, en Grande-Bretagne, le « Pharmaceutical Journal » prédisait encore « que moins de la moitié des pharmacies du Royaume-Uni serait prête à la date de mise en œuvre de la sérialisation ». Le débat sur le Brexit ne détourne pas pour autant les pharmaciens britanniques de leurs obligations. L’Agence de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) a ainsi annoncé qu'elle aurait une « approche pragmatique en aidant les parties prenantes à se mettre en conformité ».
Le pragmatisme prévaut également Outre-Rhin où les pharmaciens s’attendent à ce que le système, nommé Securpharm, ait besoin d’une période de rodage. Les officinaux allemands ne s’inquiètent pas outre mesure puisqu’ils fonctionneront encore pendant quelques semaines sur leur ancien stock de médicaments, non concerné par la sérialisation. Les pharmaciens belges accusent eux aussi du retard dans l'application de la sérialisation, appelée DMF (Directive médicaments falsifiés).
Bugs en série
L’obstacle majeur reste la technologie qui n’épargne pas même les pharmaciens les plus volontaires. En atteste l’expérience des Norvégiens et des Néerlandais que relate Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil de l’Ordre national des pharmaciens (CNOP) : « dans ces pays, où les phases pilotes sont déjà engagées, les scans des boîtes se soldent par des bips rouges dans 50 à 80 % des cas ! ».
Les confrères espagnols sont eux aussi confrontés aux bugs de leur version, le SEVem (système espagnol de vérification des médicaments). Il semblerait cependant que le principal dysfonctionnement se situe, cette fois, en amont. Comme le relate la presse professionnelle espagnole, dans un certain nombre de lots, les codes des médicaments n’ont pas été chargés par les industriels dans la banque de données européennes (EMVO). Au moment de la dispensation, ces codes ne pourront donc pas être désactivés, plongeant les pharmaciens dans l’embarras face au client.
Quant à l’Italie et la Grèce (dont proviennent beaucoup de médicaments réimportés en Allemagne) ils auront jusqu’en 2025 pour s’y adapter. Et tirer profit de l’expérience de leurs voisins européens.
* Voir notre édition précédente.
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