À BAGNÈRES-DE-LUCHON, il n’y a pas que l’altitude qui donne le vertige, certains chiffres aussi. Dans cette commune de Haute-Garonne, il faut parfois parcourir jusqu’à 30, voire 50 km pour les villages environnants, afin de trouver une pharmacie de garde. Une situation relativement nouvelle puisqu’elle est s’est imposée à la population et aux autorités municipales en avril dernier. Trois des quatre pharmacies de la commune ont décidé de réintégrer le système de garde organisé par le syndicat des pharmaciens conformément au découpage qui existe en France. Ce découpage place Bagnères-de-Luchon au sud d’une zone assez étendue dont elle constitue le sud, le nord étant situé du côté de St-Gaudens. Auparavant, depuis 2007, les quatre pharmacies s’étaient organisées pour assurer des tours de garde en dehors de ce système, ce qui permettait aux habitants de la commune de disposer d’une garde tous les week-ends par un système de rotation entre les quatre pharmacies. Depuis avril dernier, il n’y a plus qu’un week-end sur deux où une garde est assurée. « Cela arrive en effet qu’il n’y ait pas de pharmacie de garde, il faut parcourir un trajet en voiture qui ne dépasse pas les 30 minutes », admet Claude Malgouyard, coprésident du syndicat des pharmaciens de Haute-Garonne. « Oui, mais il y a beaucoup de personnes âgées sans moyen de locomotion », rétorque Jean-Louis Redonnet, président de la communauté de communes du pays de Luchon. « La circulation peut, de surcroît, être difficile l’hiver. C’est un vrai problème de santé publique », dénonce-t-il.
Habitants et municipalité en colère.
La municipalité et de nombreux habitants sont forts remontés contre cet état de fait, justifié pourtant par un état de droit. C’est justement pour être conformes au découpage réalisé par le syndicat que les trois pharmaciens concernés ont préféré réintégrer le système. « Nous n’étions pas reconnus notamment par la Sécurité sociale » explique Didier Macip, titulaire de la pharmacie d’Etigny. « Et surtout, nous étions sans protection vis-à-vis d’éventuels problèmes de responsabilité face aux assurances, qui, selon un avocat que j’ai consulté sur la question, auraient très bien pu utiliser cette faille pour ne pas indemniser en cas de souci. » L’autre argument avancé cette fois par Jean-Luc Lebeuf, directeur général adjoint de l’agence régionale de Santé (ARS) de Midi-Pyrénées est relatif au caractère particulier de Bagnères-de-Luchon, certes petite commune de 3 000 habitants, mais qui peut atteindre jusqu’à 30 000 habitants lors de la saison des cures thermales, et très active également durant la saison des sports d’hiver. « Ce système de garde avait été mis au point pour faire face à ces activités qui se sont révélées ne pas être rentables », affirme-t-il.
Un problème budgétaire.
La question financière pourrait bien être au centre des préoccupations des uns et des autres. « C’est un problème budgétaire, admet Claude Malgouyard, il faut bien aussi considérer ce qu’est l’urgence en pharmacie, c’est quand même très restreint, quand le pronostic vital est mis en cause, c’est à l’hôpital que cela se passe. » L’argument est loin de faire l’unanimité et Pierre Gentilini, le seul titulaire à s’être opposé à cette démarche, note en substance que c’est surtout le souci de pouvoir bénéficier d’une indemnité de garde et celui de ne pas être isolé du reste des autres pharmaciens qui ont motivé la décision de ses confrères. Il se demande notamment « ce que l’on doit privilégier aujourd’hui, la confraternité ou le besoin de santé publique dans lequel le pharmacien a encore un rôle à jouer ? » Au-delà de la polémique et de ses enjeux personnels et humains, la question budgétaire semble être la clef de voûte du conflit. En témoigne le refus du syndicat d’entériner la solution préconisée par Pierre Gentilini qui a, précisons-le, signé la ratification du planning des gardes, sous réserve d’un « fonctionnement en doublant au moins la Pharmacie des Vallées située à plus de 30 kilomètres de Luchon, à Loures-Barousse. » Une solution que préconise également l’ARS, mais seulement pendant les périodes de haute saison touristique. « Le syndicat la rejette considérant que doubler les gardes, c’est partager les recettes et donc fragiliser le système de garde », explique Jean-Luc Lebeuf. En l’état actuel des choses, la négociation est rendue difficile car un mouvement de grève des pharmaciens dans le Sud ouest (et dans d’autres régions de France) tend quelque peu les relations entre syndicats et autorités médicales, de nombreuses réquisitions de pharmacies ayant lieu. Mais les contacts ne sont pas coupés pour autant, selon Jean-Luc Lebeuf qui aimerait voir les négociations aboutir. « Rares sont les interventions préfectorales pour régler les différends en Midi-Pyrénées grâce à une forte tradition de négociation entre les acteurs du monde officinal, explique-t-il, nous aimerions préserver ce fonctionnement. » Mais il avertit que si le blocage devait perdurer, l’ARS n’hésiterait pas à prendre un arrêté afin de résoudre le problème.
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