Dans les domaines de l'artisanat et du commerce, il n'est pas rare de rencontrer des couples engagés ensemble dans l'entreprise familiale. Bien qu'on ne dispose pas de chiffres officiels, la pharmacie n'échappe pas à ce constat et plusieurs profils de collaboration entre conjoints peuvent se présenter. Mais à mettre tous les œufs dans le même panier, il faut être prudent pour préserver l'équilibre entre vie professionnelle et vie familiale ; l'anticipation et le discernement sont deux règles essentielles pour que le duo fonctionne au travail comme dans la vie.
Un duo qui fonctionne
Dans la famille Gicquel, Monsieur est pharmacien et Madame est préparatrice. Le parcours de Michel et Karine Gicquel démontre le succès de leur binôme professionnel. En avril dernier, ils se sont installés dans une nouvelle pharmacie, la troisième en 16 ans. « À la maison, on évite de parler boulot, et si c'est le cas notre fils de 9 ans nous rappelle à l'ordre », sourit Karine. L'inverse est vrai aussi ; les problèmes de couple ou les épreuves familiales doivent rester à la maison. « Nous avons acquis la sagesse de l'expérience. Lors de notre première installation, nous avions déjà 4 enfants et nous vivions au-dessus de l'officine, au rythme du travail ; notre tort a été de ne pas assez déléguer. Il faut savoir prendre du recul », raconte Michel Gicquell. Pourtant, Michel et Karine Gicquel n'ont jamais émis de doutes quant à travailler ensemble. « Nous avons trouvé notre mode de fonctionnement, et ça marche : Michel est un fonceur, il a plein d'idées mais s'emballe parfois vite. Je suis plus prudente, et je temporise », observe Karine. En 2015, le couple a décidé de faire une pause… professionnelle ; une parenthèse pendant laquelle le binôme s'est séparé pour tenter une carrière en solo, d'un commun accord. « J'avais envie de me prouver que j'étais capable de faire quelque chose toute seule ; j'ai créé une boutique pour enfant. Michel est devenu formateur et consultant. Au cours de cette période, je crois que je n'ai jamais reçu autant de SMS de mon mari », s'amuse Karine. « On vivait mal de ne pas être ensemble. Et puis la formation imposait de nombreux déplacements, avec des conséquences sur la vie familiale. On a finalement décidé de refaire ce que nous savions faire, à deux », ajoute Michel. Dans leur nouvelle organisation, Michel et Karine ont décidé de se réserver une journée chacun par semaine : « On veut prendre du temps pour nous, mais pas en même temps. C'est important de se ménager des instants pour soi, d'autant plus lorsqu'on travaille en couple. » Sur le même modèle, Hélène Festal et son époux se sont investis dans la vie locale, comme adjoint pour Monsieur, et représentante des parents d'élèves pour Madame.
Protéger le foyer : des moyens juridiques
Hélène Festal travaille avec son mari, rencontré sur les bancs de la faculté de pharmacie. En 2007, un an après leur mariage, ces jeunes docteurs en pharmacie reprennent ensemble les rênes de la pharmacie familiale, en Charente maritime. « La pharmacie appartenait à mon beau-père et, pendant un an, nous avons exercé tous les trois avant le rachat effectif. Le fait de m'associer avec mon époux me rassurait : il est très impliqué sur l'aspect économique et financier de l'entreprise. Il gère la trésorerie et les négociations commerciales. Nous sommes complémentaires, dans l'entreprise comme dans la vie personnelle », témoigne Hèlene Festal. Conseillés par un notaire, les époux se sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts. Ce régime matrimonial qualifié d'hybride fonctionne comme une séparation de biens pendant le mariage mais permet un partage des biens en cas de dissolution.
Au sein de la SELARL, Hélène Festal est associée à son mari. Karine Gicquel, en tant que préparatrice, est salariée de la pharmacie dont son mari est titulaire. Ce dernier lui a confié des tâches administratives et la gestion des plannings. « J'ai toujours tenu à clarifier la situation avec les autres employés : même si je suis l'épouse du titulaire, je suis une préparatrice et je fais le même travail que les autres ; je n'ai pas de passe-droit. Par exemple, toutes les mamans de l'équipe ont un mercredi sur deux, moi y compris », détaille Mme Gicquel. Au-delà du statut légal du conjoint (voir ci-dessous), le positionnement hiérarchique de ce dernier dans l'entreprise apparaît parfois flou.
Être « mari ou femme du titulaire » est-il un critère suffisant pour exercer une supériorité hiérarchique sur l'équipe ? Sur ce point, Valérie Siranyan, docteur en pharmacie et professeur de droit de la santé à Lyon, rappelle un principe fondamental en droit du travail : « le lien de subordination existe entre les signataires du contrat de travail, à savoir le titulaire employeur et le salarié. Mais rien n'empêche le titulaire de confier à son conjoint non-pharmacien des tâches administratives, dans le strict cadre de ses compétences ; le titulaire reste néanmoins responsable de l'organisation de son entreprise. S'il désire mettre en place une délégation de pouvoir, il doit le faire dans le respect des conditions imposées par la jurisprudence : le délégataire doit notamment avoir la compétence, les moyens et l'autorité nécessaire pour accomplir la mission confiée. » En outre, « le conjoint non-pharmacien doit bénéficier d’un contrat de travail et exercer un emploi en conformité avec les dispositions conventionnelles de la pharmacie en termes de catégorie, de salaire et de durée du travail », ajoute Pascale Lefevre, du service gestion sociale KPMG. Si le conjoint, quelle que soit sa profession, peut participer au financement de l'acquisition de parts sociales de l'officine, il convient alors de dissocier le titre et la finance : le titre d'associé sera réservé au titulaire, dans le respect des statuts de la société. « Être associé au sein d’une entreprise (ici d’une pharmacie) ne garantit aucun pouvoir hiérarchique si l’associé n’est pas le dirigeant de la société ou s’il n’est pas nommé à une fonction hiérarchique », commente Pascale Lefevre.
Une vie familiale organisée autour de la pharmacie… et inversement
Depuis plus de dix ans, l'histoire des couples Festal et Gicquel est étroitement liée à celle de leur entreprise. « La vie de famille peut être compliquée à organiser et il faut savoir bien s'entourer, à l'officine et dans la vie personnelle. Cela implique par exemple d'avoir une nounou compréhensive au regard de nos horaires de travail. En 2009, quand notre premier enfant est né, nous nous sommes rendu compte qu'il nous fallait du renfort à la pharmacie. Nous avons donc proposé un poste d'adjoint à la pharmacienne qui a assuré mon remplacement pendant mon congé maternité. Nous avons également établi un emploi du temps pour me libérer plus tôt en fin de journée, afin de m'occuper de nos enfants », explique Hélène Festal. Chez les Gicquel, la pharmacie est devenue un repère pour toute la famille : « Notre fils aime venir nous aider ; il remplit le robot ou fait ses devoirs dans le bureau. »
« Même dans le cas où tout se passe bien à l'officine parce que nous disposons d'une équipe fiable, le couple doit réfléchir en amont de l'installation sur l'orientation souhaitée pour l'officine et pour la vie familiale. Il faut être sur la même longueur d'onde parce que les désaccords sont délétères pour l'activité professionnelle et pour la vie de famille », conclut Hélène Festal.
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