Des textes d’Hannah Arendt

Totalitarisme et libertés politiques

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Publié le 17/01/2019

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C’est toujours un bonheur d’accueillir un recueil de textes d’Hannah Arendt, la plupart datant du début des années 1950 et inédits en français. « Penseuse du chaos du monde », comme le dit Laure Adler, elle témoigne des événements du siècle, revient sur la signification du marxisme au moment où elle écrit ou se demande si le bonheur peut être une valeur politique.

Idées-Hannah Arendt

Dans un texte publié à titre posthume dans la revue « Social Research », Hannah Arendt confesse qu’« il n’a jamais été facile d’écrire sur Karl Marx », mais, aimant et sachant penser à contre-courant, traite d’académique le dédain dans lequel ce penseur a été tenu, ajoutant que « son influence n’a cessé de croître depuis une vingtaine d’années ».

Par ailleurs, il fallait beaucoup d’audace pour oser écrire, même dans ces années-là, que « Marx ne peut guère être tenu pour responsable des aspects spécifiquement totalitaires de la domination bolchevique » et que « quiconque touche à Marx touche à la tradition de la pensée occidentale ».

L’ère moderne pose à l’homme les deux problèmes cruciaux du travail et de l’histoire et, pour Hannah Arendt, la profonde originalité de Marx est l’obstination qu’il a eue à traiter les deux termes de façon conjointe.

Dans un chapitre s’interrogeant sur les constitutions française et américaine, l’auteure réfléchit sur les droits accordés au peuple américain par la Déclaration d’indépendance de Jefferson. Il y est question du droit au « bonheur public », une notion qu’Arendt commente avec une certaine ironie. « Pour la révolution américaine, la question était de savoir si le corps politique allait constituer un domaine propre pour le "bonheur public" de ses citoyens, ou s’il avait été conçu uniquement pour servir et assurer leur recherche du bonheur privé plus efficacement que sous l’ancien régime. »

Des deux côtés de l’Atlantique, et quels que soient les résultats, il semblerait que le bonheur public ait été privilégié par rapport aux intérêts privés. Une affirmation qui fera peut-être sourire aujourd’hui.

Certains voudront voir dans le titre de ce recueil une géniale anticipation des événements se déroulant en France. Mais, comme toujours, il faut voir dans les analyses d’Hannah Arendt la pensée explosive de celle qui osa un jour traiter Eichmann de « clown ».

Hannah Arendt, « la Révolution qui vient », Payot, 384 p., 25 €.

André Masse-Stamberger